Combien de temps Gabriel Attal et son gouvernement peuvent-ils rester en charge des "affaires courantes"?
Emmanuel Macron a accepté la démission de Gabriel Attal, désormais chargé d'expédier les "affaires courantes", avant la nomination de son remplaçant. Pour combien de temps si aucune majorité claire n'émerge ?
Il faut un cap clair pour gouverner. Mais dans l'Assemblée élue le 7 juillet, la clarification est difficile à opérer.. Aucune majorité n'émerge: le Nouveau Front populaire est certes arrivé en tête en nombre de sièges, mais avec un peu plus de 180 députés, quand la coalition présidentielle est réduite à environ 160 élus - très loin de la majorité absolue, fixée à 289 voix
Une situation inédite sous la Ve République, qui par son mode de scrutin législatif, avait permis jusqu'ici aux différents présidents d'avoir une majorité plus ou moins claire pour gouverner, ou avec laquelle cohabiter. Ce mardi 16 juillet, Emmanuel Macron a finalement accepté la démission de Gabriel Attal, initialement refusée le 8 juillet. Il lui demandait alors de poursuivre sa mission afin d'"assurer la stabilité du pays".
Gabriel Attal ne quitte pas pour autant Matignon ce mardi, puisqu'il "assure, avec les membres du gouvernement, le traitement des affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement", précise l'Élysée. Mais combien de temps un Premier ministre démissionnaire peut-il rester en exercice?
Pas de délai constitutionnel
La Constitution de la Ve République ne prévoit pas le cas d'un Premier ministre démissionnaire chargé d'expédier les affaires courantes.
"Le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement", dispose l'article 8.
Sans aucun détail sur un délai que devrait respecter Emmanuel Macron, entre le moment où il accepte la démission Gabriel Attal, et celui où il nomme son successeur. "Le président est juridiquement libre mais politiquement contraint", précise à BFMTV Pierre de Montalivet, spécialiste du droit constitutionnel, et professeur à l'université Paris Est Créteil.
Selon lui, il est donc envisageable que le chef de l'État "confie au gouvernement existant la gestion des affaires courantes le temps des Jeux olympiques et paralympiques". Soit jusqu'au 8 septembre. Voire davantage.
Attente d'un successeur
Car Gabriel Attal, même démissionnaire, reste en fonction jusqu'à la nomination de son successeur ou sa successeuse. En temps normal, sous la Ve République, ce délai est réduit à quelques jours. Lorsque Jacques Chirac démissionne le 24 août 1976, Valéry Giscard d'Estaing nomme ainsi son successeur Raymond Barre dès le lendemain.
La période la plus longue remonte à 1962, lorsque l'Assemblée nationale a adopté une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou. Renversé le 28 novembre, il a été de nouveau nommé à Matignon par le général de Gaulle le 7 décembre - neuf jours plus tard.
"Le délai est guidé par le consensus parlementaire", explique la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.
En l'état, il semble compliqué de nommer un Premier ministre en remplacement de Gabriel Attal dans la situation politique actuelle, où aucune coalition n'a la majorité et où le Nouveau Front populaire ne parvient pas à s'accorder sur le nom d'un candidat pour Matignon. Ce serait prendre le risque du vote immédiat par les oppositions d'une motion de censure.
Dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron a déjà prévenu qu'il comptait "laisser un peu de temps aux forces politiques", le temps de "bâtir (des) compromis avec sérénité et respect de chacun", pour aboutir à "une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays". "Afin que cette période s’achève le plus rapidement possible, il appartient aux forces républicaines de travailler ensemble pour bâtir un rassemblement autour de projets et d’actions au service des Françaises et des Français", précise l'Élysée ce mardi.
Attal ne peut plus être renversé
Dans l'intervalle, le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal ne peut pas être renversé. "Il n'a pas de véritable attribution officielle, et il n'est plus en fonctions puisque le décret (relatif à la cessation des fonctions du gouvernement) du président y a mis fin", précise Anne-Charlène Bezzina. "On ne peut pas exclure l’hypothèse où l’Assemblée souhaite voter une motion de censure, mais au fond elle sera d’assez nul effet. Elle aurait un effet cosmétique."
"Un gouvernement qui n’a pas la confiance de la représentation nationale – soit qu’il ait été désinvesti ou démissionné – n’est plus investi d’aucun pouvoir politique", abonde Elysée Kodjo Hator, doctorant en droit public à l’université Paris-Saclay, dans un article sur les gouvernements d'affaires courantes, paru en 2023 dans la Revue française de droit constitutionnel.
"Ce type de gouvernement, juridiquement et politiquement, n’existe pas", ajoute-t-il. "Et c’est la conséquence, lorsque le gouvernement est démissionnaire, c’est-à-dire lorsqu’il ne jouit plus d’aucune légitimité politique, l’Assemblée nationale ne peut plus exercer aucun contrôle sur lui."
La situation pourrait donc se prolonger. Même si Emmanuel Macron devrait y voir plus clair le 18 juillet à l'occasion de la première séance publique de la nouvelle Assemblée avec l'élection du nouveau président de l'Assemblée nationale, qui succédera à Yaël Braun-Pivet, titulaire du perchoir ces deux dernières années.
Les groupes de députés seront alors constitués. Soit la "structuration de la nouvelle Assemblée nationale" attendue par le chef de l'État "pour prendre les décisions nécessaires", indiquait l'Élysée au soir du second tour.