Tempête Kirk, Ouragan Milton… Comment des océans plus chauds provoquent des événements météo plus extrêmes

Le réchauffement des océans s’est considérablement accéléré au cours des vingt dernières années. Ce changement, dû à l’activité humaine, a des conséquences sur la météo.

CLIMAT - Un système climatique en colère. Alors que la tempête Kirk traverse l’Hexagone, Météo France a placé plusieurs dizaines de départements en vigilance orange et la Seine-et-Marne en vigilance rouge, ce mercredi 9 octobre, prévoyant une quantité de précipitations équivalente à un mois de pluie par endroits et des rafales jusqu’à 150 km/h. Dans le même temps, de l’autre côté de l’Atlantique, l’ouragan Milton s’est muté en catégorie 5, la plus élevée qu’il soit, et se rapproche de la Floride, où il doit toucher terre dans la nuit.

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Il y a seulement une dizaine de jours, un autre ouragan, Hélène, s’était violemment abattu sur cet État du sud-est des États-Unis, faisant plus de 230 morts. Selon une première étude scientifique publiée ce mercredi, les vents et les pluies de ce dernier ont été environ 10 % plus intenses en raison du changement climatique.

C’est justement ce qui frappe la communauté scientifique ces derniers jours : l’intensité des phénomènes météorologiques. Ces derniers sont habituels pour la saison, mais comment expliquer la puissance de leurs vents et leur charge de précipitations ? Pour mieux comprendre, il faut remonter à l’origine de leur formation : les océans.

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En raison du changement climatique, les océans se sont considérablement réchauffés. En 2023, les courbes de la température à leur surface ont atteint des niveaux inédits, et cette tendance se poursuit en 2024. Selon les scientifiques, cette surchauffe a d’importantes conséquences sur la formation des catastrophes naturelles, comme les ouragans ou les tempêtes.

Pour mieux comprendre les liens entre ces phénomènes, Le HuffPost a interrogé deux chercheuses spécialistes du sujet, les océanographes Carole Saout (fondatrice du média spécialisé Océans connectés) et Julie Deshayes (de l’institut de recherche IPSL).

Le HuffPost : Pourquoi les océans se réchauffent-ils et quelle est l’ampleur du phénomène ?

Carole Saout : L’eau a une capacité à capter la chaleur quatre fois plus importante que celle de l’air, en raison de sa capacité calorifique. C’est pour cela par exemple que lorsqu’on va se baigner en ayant trop chaud, on finit par se refroidir rapidement dans l’eau et par vouloir en sortir. L’eau absorbe notre chaleur et la stocke.

À l’échelle de la planète, les océans font la même chose, si bien qu’ils ont absorbé environ 90 % de l’excès de chaleur générée par la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Le problème, c’est qu’en raison de leur inertie, les océans stockent cette chaleur et l’accumulent.

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Julie Deshayes : À ce jour, nous sommes arrivés à un stade inédit de réchauffement des océans. En 2023, 22 % des océans du globe ont connu au moins une vague de chaleur sévère ou extrême, selon le dernier rapport de Copernicus. On sait également que le rythme de ce réchauffement s’est accéléré ces dernières décennies : il a presque doublé depuis 2005.

Ce réchauffement est dû au changement climatique, lui-même provoqué par l’Homme. Il n’est en aucun cas naturel. Cette hypothèse est complètement exclue tant on observe des changements importants dans tous les océans de la planète.

Comment ce réchauffement des océans en vient-il à avoir des conséquences sur les catastrophes naturelles ?

C.S : En absorbant une grande partie de la chaleur excédentaire due au réchauffement climatique, l’océan emmagasine un excès de l’énergie, ce qui vient « accélérer » le cycle de l’eau. Les processus d’évaporation, de condensation et de précipitation sont intensifiés, et cela favorise l’apparition de phénomènes météorologiques extrêmes, comme des tempêtes plus violentes, des précipitations plus intenses et des sécheresses prolongées.

J.D : E. En revanche, il reste à décortiquer les conséquences de ce phénomène global de ce réchauffement climatique. En effet, les modèles scientifiques ne permettent pas encore à ce jour de déterminer si le surplus de chaleur allonge les catastrophes naturelles, renforce leur fréquence ou joue sur leur intensité… Ou les trois à la fois.

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Par ailleurs ce réchauffement n’a pas seulement des conséquences sur la météo…

C.S : Effectivement, on observe également des conséquences sur la biodiversité marine. Certaines espèces se retrouvent dans des eaux beaucoup trop chaudes pour leur système et dépérissent, d’autres espèces vont migrer pour aller chercher des conditions de vie plus favorables.

Autre conséquence importante : l’excès de chaleur et de CO2 finit par acidifier les océans et déséquilibrer leur équilibre chimique. Cela peut altérer leur capacité à absorber du CO2, ce qui crée une spirale avec le changement climatique.

Existe-t-il un moyen d’atténuer ou de freiner ce phénomène ?

C.S : La grande difficulté avec l’océan, c’est que plus on attend pour réagir, plus on va en payer le prix. Concrètement, il y a une solution : réduire les émissions de gaz à effet de serre en modifiant nos modes de vies. On sait par ailleurs qu’il est déjà tard pour agir, et qu’il faut dès à présent s’adapter aux évènements plus extrêmes, préparer les villes à beaucoup plus de chaleur, les littoraux à des phénomènes de submersion, mais également les inondations et les sécheresses plus extrêmes.

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J.D. : Pour inverser la tendance, on sait exactement ce qu’il faut faire : arrêter les émissions de gaz à effet de serre. Comme l’explique le GIEC dans ses rapports, chaque tonne de CO2 compte. Pour autant, en parallèle de ces efforts, la communauté des climatologues est mobilisée pour mieux comprendre les liens entre les différents types de catastrophes et la chaleur des océans.

Actuellement en France, il existe un programme, « TRACCS », qui permet justement de faire avancer la recherche à ce sujet. Au-delà d’alerter sur l’excès de gaz à effet de serre, en tant que chercheurs nous travaillons pour mieux comprendre ces phénomènes et trouver des clés pour s’adapter.

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