Tempête Ciaran en Bretagne : un an après, les trois enseignements tirés pour les prochaines intempéries
ENVIRONNEMENT - Les Bretons ne sont pas près d’oublier son nom. Il y a un an, le 30 octobre 2023, Météo France annonçait l’arrivée imminente de la tempête Ciaran sur le nord-ouest de l’Hexagone. En l’espace de quelques heures, une trentaine de départements avaient basculé en vigilance orange. Plus impressionnant encore, la vigilance rouge, le plus haut niveau d’alerte qu’il soit, était déclenchée dans trois départements : le Finistère, les Côtes-d’Armor et la Manche.
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Météo France ne s’était pas trompé dans ses prévisions : Ciaran s’est avérée être la tempête la plus sévère que la Bretagne ait depuis « l’ouragan » de 1987. En raison de la violence de ses vents, qui ont battu des records historiques, Ciaran a laissé derrière elle des paysages transformés. « 207 km/h à la pointe du Raz, c’est du jamais vu », soufflait le préfet du Finistère au lendemain de l’arrivée de la dépression sur son territoire.
Après trois jours de tempête, le bilan se révélait désastreux : de nombreux toits envolés, des dizaines d’arbres déracinés et des milliers de foyers sans électricité. Et, pour ne rien arranger, une deuxième tempête, Domingos, abordait les côtes françaises. Un an plus tard, les câbles ont été raccordés, les bâtiments en partie reconstruits et la plupart des arbres déblayés. Reste la crainte, vive, de voir un tel épisode se répéter. Voici trois leçons de Ciaran pour mieux se préparer à de futures tempêtes.
• Préparer le réseau électrique
En raison de la violence des intempéries et des nombreuses chutes d’arbres, environ 780 000 foyers bretons se sont retrouvés privés d’électricité après le passage de Ciaran. La plupart ont dû attendre quatre à cinq jours pour voir le courant rétabli, selon le gestionnaire du réseau Enedis. Certains ont dû se débrouiller pendant 20 jours avant de retrouver le courant.
Pour éviter qu’un tel choc ne se produise à nouveau lors d’une prochaine tempête, Enedis a lancé un projet « reconstruction Bretagne ». Concrètement, cela consiste à identifier les lignes les plus vulnérables, souvent situées dans les zones venteuses ou boisées. Une fois ces zones à risques identifiées, les travaux d’enfouissement des lignes y sont accélérés.
L’épisode a suscité une prise de conscience dans plusieurs communes bretonnes. « À Landrévarzec, on s’était aperçu que beaucoup de personnes étaient bloquées à cause de volets électriques. Nous avions dû utiliser un groupe électrogène appartenant à un particulier », se souvient le maire, Paul Boëdec, auprès du Télégramme. Résultat : la commune a investi dans un groupe électrogène. C’est aussi le choix fait par d’autres mairies du Finistère, comme Landuval ou Pluguffan.
• Protéger les forêts
Avec des vents jusqu’à 190 km/h et des sols détrempés, les forêts bretonnes ont durement souffert de la tempête Ciaran. Au lendemain de son passage, l’ONF annonçait que 80 % des arbres des forêts de l’ouest du département étaient tombés ! Un an plus tard, les calculs se confirment : « On estime 110 000 m3 de chablis, soit entre 100 000 et 200 000 arbres tombés au sol. C’est énorme », explique Paul Sansot, responsable de l’unité territoriale Morbihan-Finistère à l’ONF.
« Dans les mois qui ont suivi, nous avons surtout travaillé à sécuriser la forêt, car après la tempête, c’était un chaos total : on ne pouvait plus circuler, les sentiers comme les grands axes étaient bloqués par des arbres tombés de partout », raconte Paul Sansot au HuffPost. Le bois a depuis été ramassé, valorisé et revendu.
C’est seulement maintenant que le travail de reconstitution de la forêt peut commencer.
Réparer les forêts est compliqué par la nécessité d’anticiper les effets du changement climatique, à savoir des canicules et des sécheresses plus longues et plus intenses – et donc des risques de feux de forêts –, mais aussi des pluies et des tempêtes plus fortes.
Pour mieux résister à l’avenir, l’ONF mise sur la diversité des espèces replantées, et tente de chercher des essences plus résistantes. « Dans le Finistère, nous plantons habituellement du chêne armoricain, mais nous introduisons également des chênes provenant de régions comme le Centre ou la Poitou-Charentes, génétiquement plus adaptées à résister aux événements climatiques tels que la sécheresse », explique Paul Sansot.
• Anticiper les risques de liés aux vagues violentes
Si la Bretagne a été touchée de plein fouet par les vents, Ciaran a également engendré son lot de vagues impressionnantes, plaçant ainsi toute la façade ouest de l’Hexagone, depuis le Pas-de-Calais jusqu’aux Pyrénées-Atlantiques, en vigilance de vagues submersions. Dans le Finistère, les vagues ont atteint en moyenne 11 à 12 mètres, et une vague de 21 mètres de haut a même été enregistrée au plus fort de la tempête.
🌊 Une #vague de 21,1 mètres de haut vient d'être mesurée à la bouée des Pierres Noires située au large du Finistère, au sud de l'île Molène ce matin, ce qui correspond à la hauteur d'un immeuble de 6 étages.
— La Chaîne Météo (@lachainemeteo) November 2, 2023
La hauteur de ces vagues a été particulièrement exceptionnelle en raison d’un véritable « cocktail climatique » : des niveaux marins élevés à cause des grandes marées, des vents violents et une pression atmosphérique anormalement basse. Résultat : plusieurs ports et habitations ont été gravement affectés, comme à Piriac-sur-Mer.
« Comme nous sommes la commune la plus à l’ouest de la Loire-Atlantique, nous avons été les premiers à être touchés dans la région », raconte Emmanuelle Dacheux, maire de la commune. « La force des vagues a littéralement déplacé une partie du parapet du port de cinquante mètres », se rappelle l’élue auprès du HuffPost.
« Face à la mer, nous sommes assez démunis. Les habitants demandent plus de moyens pour se protéger, mais lutter contre la puissance des éléments reste compliqué. » Un an plus tard, la reconstruction reste limitée, car coûteuse. Certains habitants du long de la côte ont installé à leurs frais un dispositif expérimental : des dizaines de pieux en bois, enfoncés dans le sol et entourés de sable et de végétation, pour mieux protéger le trait de côte face aux prochaines vagues d’ampleur.
D’autres solutions existent : mettre en place des plans locaux d’urbanisme plus stricts pour protéger les côtes d’une artificialisation supplémentaire, ou encore déployer de solutions fondées sur la nature, comme le renforcement des dunes par la végétation ou la réhabilitation des zones humides. Si elles ne sont pas mises en place, plus de 5 000 logements pourraient être affectés par le recul du trait de côte d’ici 2050, selon le Cerema. Et d’ici 2100, toutes les zones topographiquement basses du littoral se retrouveront progressivement inondées.
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