Tant que Britney Spears est sous tutelle, faut-il encore écouter sa musique?

MUSIQUE - Une fracture chez les fans de Britney Spears. Depuis le début du mouvement #FreeBritney et de la bataille judiciaire de la pop star qui réclame l’arrêt de la tutelle dont elle fait l’objet depuis treize ans, un sujet divise les militants. Faut-il continuer à écouter ses chansons sur les plateformes de streaming?

Jared Lipscomb a choisi son camp. Dans une interview accordée à Vice, le solide défenseur de l’interprète de Toxic, titre le plus streamé sur Spotify, martèle: “ne consommez pas la musique [de Britney Spears], ne consommez pas les produits dérivés, ne consommez rien qui provienne de sa marque”. La raison? Britney Spears ne tirerait aucun profit des écoutes de son catalogue.

Depuis 2008, date à laquelle la chanteuse a été placée sous le régime controversé de tutelle, c’est son père James Parnell Spears, avec lequel elle entretient des relations difficiles depuis longtemps, qui prend les décisions à sa place, qu’il s’agisse de sa santé, comme de son compte en banque. Les conditions sont strictes, elles sont aujourd’hui dénoncées par l’artiste.

60 millions de dollars

Les fans, nombreux à critiquer ce système, soupçonnent l’entourage de la jeune femme de profiter de cette décision juridique pour capitaliser sur la célébrité et profiter de sa fortune.

Selon une enquête de Forbes, publiée en juillet, elle est estimée à 60 millions de dollars. Au cours de ses trois décennies de carrière, Britney Spears a vendu 150 millions de disques dans le monde. Ses tournées représentent le gros de ses revenus, sa résidence à Las Vegas lui ayant notamment rapporté plus de 130 millions de dollars. Son parfum Fantasy et ses partenariats avec des marques n’ont rien d’anodin. Ils pèsent à hauteur de plusieurs millions dans le chiffre final.

Cependant, sur les 30 millions de dollars gagnés au cours des huit dernières années, elle n’en toucherait qu’un petit pourcentage. En effet, 25% de ses revenus vont aux agents et managers, 40% de la somme restante aux impôts. Son ex-mari Kevin Federline, lui, perçoit chaque année un demi-million de dollars de pension alimentaire.

Quant à son père, ce serait 1,5% des recettes de ses concerts à Las Vegas. D’après un document récemment déposé à la Cour suprême du comté de Los Angeles par le nouvel avocat de la star, James Parnell Spears se verserait également chaque mois 16.000 dollars provenant du solde de sa fille, soit 2000 dollars de plus que ce que perçoit cette dernière. Enfin, des millions de dollars ont été dépensés dans les frais juridiques de sa tutelle, notamment pour payer les avocats.

Une rémunération contestée

Quand elle a commencé sa carrière, en 1998, l’époque n’était pas la même. C’était “la grande époque du disque”, nous dit Bertrand Hellio qui a écrit le livre Devenir professionnel de la musique. La musique enregistrée, c’est-à-dire les albums, les téléchargements, etc., représentait en moyenne 80% des revenus d’un artiste. “Aujourd’hui, quand on est à 15, voire 20%, c’est qu’on est déjà une star, poursuit l’auteur. Ça s’est effondré.”

La faute à quoi? L’arrivée du digital qui a bouleversé notre façon de consommer la musique. “Le streaming représente désormais 62% des revenus de la musique enregistrée, indique l’expert. On est passé d’un modèle de possession de la musique à un modèle d’accès.” Les téléchargements, aussi, sont en baisse. La fermeture d’iTunes, en 2019, en est la preuve.

Le problème, c’est que le streaming, notamment quand il est gratuit, ramène très peu d’argent à l’artiste, ou celui qui le représente. YouTube, par exemple, représente 45% de l’écoute de musique dans le monde, ce qui le place bien loin devant les plateformes traditionnelles. D’après une étude du magazine allemand Beat, en 2020, il faut 1612 écoutes sur le site pour qu’un artiste gagne un euro. Sur Spotify, 254 et Deezer, 174.

Les artistes sont vent debout contre ce modèle, même les grands noms qui bénéficient d’une rémunération supérieure grâce au système de répartition par parts de marché. En 2015, le groupe Portishead s’est emporté contre Spotify, indiquant avoir perçu seulement un peu plus de 2300 euros pour les 34 millions d’écoutes de l’année précédente. Taylor Swift, selon qui la plateforme dissuade le public d’acheter des albums, a pendant un certain temps retiré toute sa discographie du site.

Britney Spears dit “stop”

Pour compenser cette baisse de revenus, d’autres sources de rémunération des artistes se sont développées. C’est le cas de la scène, grâce à la multiplication des cachets (du moins, avant la crise sanitaire). La synchronisation, c’est-à-dire l’utilisation des musiques d’un artiste dans la publicité, les films ou les jeux vidéo, aussi. “C’est très rémunérateur”, indique Bertrand Hellio.

À côté de ça, les opérations avec les marques grandissent. BTS pour Louis Vuitton, Rosé des Blackpink chez Saint Laurent... “Contrairement aux années 1990, période au cours de laquelle les sportifs et les acteurs étaient les grandes égéries des marques, les personnalités les plus demandées sont, aujourd’hui, celles du monde de la musique”, constate l’enseignant au Celsa.

Britney Spears, elle, ne veut plus de tout ça. “Je ne vais pas me produire sur scène de si tôt, tant que mon père sera là pour s’occuper de ce que je porte, dis, fais ou pense, a-t-elle écrit en légende d’une publication, partagée sur son compte Instagram à la mi-juillet. Je préfère faire des vidéos depuis mon salon que de monter sur la scène de Vegas.”

À part s’en être prise à sa sœur Jamie Lynn Spears pour avoir repris son titre Till The World Ends lors de la cérémonie des Radio Disney Music Awards en 2017, Britney Spears n’a, pour le moment, pas dit un mot sur l’écoute de sa musique. Alors que les paroles de certaines de ses chansons, comme Piece of Me et Overprotected, trouvent un nouvel écho, arrêter de les écouter a-t-il du sens? Bertrand Hellio est catégorique: ça n’aura pas d’impact phénoménal sur son domaine financier.”

À voir également sur Le HuffPost: Britney Spears lance une nouvelle requête pour retirer sa tutelle à son père

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

LIRE AUSSI...