A Taïwan, des bénévoles en lutte contre les échouages massifs de cétacés

Des bénévoles apprennent les techniques de sauvetage de cétacés échoués, le 23 juin 2024 à Nouveau Taipei, à Taïwan (I-Hwa CHENG)
Des bénévoles apprennent les techniques de sauvetage de cétacés échoués, le 23 juin 2024 à Nouveau Taipei, à Taïwan (I-Hwa CHENG)

Dans une banlieue de Taipei, des bénévoles rassemblés autour d'un dauphin gonflable apprennent comment porter secours aux cétacés échoués, un phénomène de plus en plus fréquent sur les plages de Taïwan et dont les causes restent une énigme.

Ces formations sont dispensées par la Taiwan Cetacean Society (TCS), une association qui vient en aide aux baleines et dauphins qui s'échouent au rythme d'une centaine chaque année, un nombre en forte hausse depuis dix ans.

C'est après avoir visionné une "vidéo plutôt sanglante" d'une tortue se faisant retirer une paille en plastique du nez que Joanna Hung, une vendeuse de 36 ans, a décidé de participer à la formation.

"Si nous n'assistions pas aux cours, nous agirions comme nous l'entendrions et sans les connaissances nécessaires, cela pourrait faire plus de mal que de bien", explique-t-elle à l'AFP. "Je veux faire de mon mieux pour leur survie".

Tseng Cheng-tsung, le secrétaire général de TCS, raconte qu'il a progressivement développé un "sentiment d'engagement" après avoir participé à plusieurs sauvetages, ce qui l'a encouragé à obtenir un master en biologie marine. "De nombreuses personnes veulent être plus proches de la nature et la protéger", explique-t-il.

- Activités militaires en mer -

Jusqu'en 2016, seuls quelques dizaines de cétacés s'échouaient chaque année à Taïwan, mais cette année-là, le chiffre a bondi à 90, raconte Yang Wei-cheng, expert en cétacés à l'Université nationale de Taïwan.

Selon M. Yang, cette hécatombe peut s'expliquer par l'augmentation de la température de la surface de l'océan et par les activités humaines qui causent du bruit ou de la pollution.

Mais d'après Lindsay Porter, vice-présidente du comité scientifique de la Commission baleinière internationale (CBI), la plus grande cause de mortalité des cétacés dans le monde reste la pêche et les captures accidentelles.

De plus, explique Mme Porter, "le niveau du bruit associé aux activités militaires en mer peut être particulièrement élevé et intense, et peut causer la mort ou des déficiences auditives chez les cétacés, cela a été démontré ailleurs dans le monde".

L'activité militaire a considérablement augmenté autour de Taïwan ces dernières années, principalement du fait de la Chine qui multiplie les incursions de navires, d'avions et de drones ainsi que les exercices à tirs réels autour de l'île, qu'elle considère comme faisant partie de son territoire.

Les causes de cette recrudescence des échouages restent peu claires, admet Mme Porter, qui précise cependant qu'il s'agit bien d'une réelle augmentation, et non d'une hausse des signalements.

Autre possible coupable: la météo. Après le passage fin juillet du typhon Gaemi, 15 dauphins, baleines et tortues ont été retrouvés échoués en deux semaines sur les côtes taïwanaises. Alors qu'en moyenne, moins de dix animaux échoués sont recensés chaque mois entre juin et septembre.

Deux jours après le passage du typhon, un cachalot nain a ainsi été trouvé sur le rivage du comté de Yilan, dans le nord-est de l'île.

Le mammifère respirait toujours quand les vétérinaires de TCS se sont précipités pour le déplacer sur une bâche et que des bénévoles l'ont aspergé d'eau. Mais il est mort quand un engin de chantier a essayé de le remettre à l'eau.

Le transport "l'a beaucoup stressé, il a donc retenu son souffle pendant dix minutes et a péri", raconte Hsiao Shun-ting, le vétérinaire qui a assisté à la scène.

La majorité des cétacés échoués à Taïwan meurent, soit parce qu'ils sont déjà malades, soit à cause du stress vécu pendant la tentative de sauvetage.

"Les gens nous posent souvent cette question: est-ce que cela vaut le coup?" raconte M. Tseng, le spécialiste en biologie marine.

Il répond que chaque succès est un souvenir inoubliable. Comme le jour où une pseudorque de 400 kg et 3,15 mètres de long a pu retrouver l'océan après une opération de sauvetage de neuf jours, qui a mobilisé plus de 600 personnes et coûté l'équivalent de 5.500 euros.

M. Tseng espère que ceux qui participent à la formation transmettront leur intérêt et leur savoir sur les animaux marins à leurs amis et leurs familles.

"Je pense que ces gens vont doucement influencer leur entourage... et aider la conservation du milieu marin à Taïwan à avancer", espère-t-il.

aw/dhc/mca/fox/alh/jco