AT&T remporte en justice la bataille pour Time Warner contre Trump

par Diane Bartz et David Shepardson

WASHINGTON (Reuters) - AT&T a obtenu mardi le feu vert, sans condition, de la justice américaine pour le rachat de Time Warner pour 85 milliards de dollars (72 milliards d'euros), un revers pour l'administration Trump qui a tenté de bloquer l'opération susceptible de déclencher une vague de concentration dans le secteur.

L'opération va permettre à AT&T de rivaliser avec les groupes internet qui dominent le marché de la publicité numérique et lui apporter de nouvelles sources de revenus.

Elle est considérée comme un tournant dans le secteur des médias, confronté à la concurrence de groupes comme Netflix et Google qui produisent du contenu et le vendent directement sur internet, sans réclamer d'abonnements coûteux.

Le projet de rachat annoncé en octobre 2016 de Time Warner, maison mère de CNN, par l'opérateur télécoms, propriétaire du réseau de télévision DirecTV, a été autorisé par un tribunal du district de Columbia, à l'issue d'un procès de six semaines, intenté par le département de la Justice.

Cet accord a été dénoncé dès le départ par Donald Trump, détracteur de Time Warner et de la couverture médiatique de CNN.

AT&T compte finaliser le rachat au plus tard le 20 juin, a annoncé le principal avocat de la société. Le juge Richard Leon a appelé le département de la Justice à ne pas opposer de sursis d'urgence à ce jugement pour ne pas empêcher AT&T de boucler l'opération avant l'échéance contractuelle du 21 juin.

L'action AT&T perdait 1,3% dans les transactions électroniques en après-Bourse en réaction à cette décision de justice, alors que Time Warner prenait plus de 5%.

Dans le secteur, l'action Sprint progressait de 2,8%, Dish Network de 3% et T-Mobile de 1,2%.

Ce verdict pourrait déclencher une cascade d'opérations de rachat de producteurs de contenu par des télévisions payantes. La première pourrait être celle du câblo-opérateur Comcast, qui a lancé une offre sur certains actifs de Twenty-First Century Fox également convoités par Walt Disney.

UN ÉTÉ INTENSE DE FUSIONS

L'action Fox faisait un bond de 7% après Bourse après l'annonce du jugement, portée par la perspective d'une bataille boursière entre Comcast et Disney pour acquérir ses actifs médias. Comcast perdait 4,3% et Disney 1,8%.

Ce rachat, dette incluse, serait la quatrième plus importante opération jamais réalisée dans le monde des télécoms, des médias et du divertissement, selon Thomson Reuters.

"On va avoir un été intense de fusions dans les médias", a commenté Mary Ann Halford, conseillère chez OC&C Strategy Consultants.

En quittant le tribunal, Makan Delrahim, responsable de la division antitrust du département de la Justice, a dit qu'il lirait la décision du juge avant de décider ou non de faire appel.

Le gouvernement a fait valoir que la fusion était illégale car elle donnait la capacité à AT&T de priver les concurrents de DirecTV de la chaîne HBO et des chaînes de Turner, dont CNN. Or les réseaux câblés ont besoin de chaînes comme CNN et de retransmissions sportives pour survivre, souligne-t-il.

Washington estime que les coûts pour les concurrents, tels que Charter Communications, augmenteront de 580 millions de dollars par an si AT&T possède Time Warner.

Pour amadouer l'administration, AT&T avait assuré avant le procès qu'il ne songerait pas à garder pour lui ces chaînes dont les licences valent cher. L'opérateur télécoms a proposé un arbitrage en faveur des câblo-opérateurs plus petits et a promis de ne pas couper l'accès aux chaînes de Turner pendant une durée de sept ans en cas de litige sur le prix des contenus.

Après le jugement, Burns McKinney, gérant chez Allianz Global Investors, qui détient des actions AT&T, a toutefois noté qu'il ne pensait pas qu'AT&T ait remporté une immense victoire.

"C'est juste qu'ils n'ont pas perdu. On se demande toujours dans ces cas-là s'il y a un gagnant, vu le risque qu'AT&T prend s'il n'arrive pas à dégager les synergies souhaitées, d'autant qu'il prend à son compte une dette importante dans l'affaire."

(Avec Ginger Gibson à Washington, Sheila Dang et Jonathan Stempel à New York, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Tangi Salaün)