Syrie: Les Kurdes appellent à la mobilisation pour défendre Afrin

Des forces militaires turques près du mont Barsaya au nord-est d'Afrin. Les autorités kurdes dans le nord-ouest de la Syrie ont appelé mardi à la mobilisation générale contre l'offensive des forces turques et de leurs alliés de l'Armée syrienne libre (ASL) dans la région d'Afrin. /Photo prise le 22 janvier 2018/REUTERS/Khalil Ashawi

par Rodi Said et Ellen Francis

HASSAKE, Syrie/BEYROUTH (Reuters) - Les autorités kurdes dans le nord-ouest de la Syrie ont appelé mardi à la mobilisation générale contre l'offensive des forces turques et de leurs alliés de l'Armée syrienne libre (ASL) dans la région d'Afrin.

"Nous appelons tout notre peuple à défendre Afrin et son honneur", ont-elles déclaré dans un communiqué.

"Les Turcs tentent depuis plusieurs jours de percer nos lignes mais ils n'y arriveront pas", a affirmé à Reuters le général Siyamand Walat, commandant les forces d'autodéfense dans le nord de la Syrie.

"Nous avons des troupes dans la région d'Afrin, des milliers d'hommes (...) qui protègent les frontières et la population", a-t-il ajouté en marge d'un rassemblement à Hassaké, à 350 km à l'est d'Afrin. "(Si nécessaire), tous les soldats qui sont ici iront à Afrin (...) Nous sommes prêts."

Les combats, lancés samedi, se sont étendus.

L'armée turque a dit mardi avoir tué 260 miliciens kurdes appartenant aux YPG (Unités de protection du peuple) et combattants du groupe Etat islamique depuis le lancement, samedi, de l'opération "Rameau d'olivier".

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 22 civils ont été tués dans les bombardements turcs.

Le temps nuageux a gêné l'appui aérien des forces turques ces dernières vingt-quatre heures, l'avance a été limitée et les Kurdes ont repris certains secteurs.

Les Turcs et leurs alliés cherchent notamment à prendre la colline de Boursaïa, à l'est de la ville d'Afrin.

APPELS À LA RETENUE

Des milliers de civils fuient les combats, a ajouté l'OSDH, mais les forces gouvernementales syriennes les empêchent de rejoindre les zones tenues par les Kurdes dans la ville d'Alep, à 50 km d'Afrin.

Alep est en majorité contrôlée par l'armée gouvernementale syrienne mais le quartier de Cheikh Maksoud est aux mains des miliciens kurdes.

Selon un rapport des Nations unies publié à Genève, 5.000 personnes ont fui l'offensive turque entre samedi et lundi. L'Onu se dit prête à envoyer de l'aide à 50.000 personnes dans la région d'Afrin et pourrait si nécessaire en livrer à 30.000 autres dans les zones tenues par l'armée syrienne dans le gouvernorat d'Alep.

Le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, a invité la Turquie a faire preuve de retenue.

L'offensive turque en Syrie, a-t-il dit lors d'une visite en Indonésie, "pourrait être exploitée par l'Etat islamique et Al Qaïda" et risque d'aggraver la crise humanitaire dans la région.

En Turquie, la police a arrêté la nuit dernière plusieurs dizaines de personnes, dont des journalistes et une personnalité politique kurde, accusées de "diffusion de propagande terroriste" sur les réseaux sociaux.

Ces arrestations ont surtout eu lieu dans la province d'Izmir, précise l'agence de presse Anatolie. Elles portent à environ 90 le nombre de personnes arrêtées dans 13 provinces de Turquie depuis le début de l'opération "Rameau d'olivier". Parmi les personnes arrêtées figure le dirigeant à Izmir du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde).

"RAMEAU D'OLIVIER"

Ankara considère la milice YPG, membre des Forces démocratiques syriennes (FDS) que les Etats-Unis ont largement soutenues, comme une organisation terroriste liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui combat le pouvoir central turc depuis 1984.

Le président Tayyip Recep Erdogan a promis d'écraser les miliciens kurdes dans la région d'Afrin. Il veut également prendre le contrôle de la ville de Manbij, plus à l'est.

Dans un communiqué, la présidence française a fait savoir qu'Emmanuel Macron avait fait part mardi au président Erdogan lors d'un entretien téléphonique de sa "préoccupation" concernant l'opération militaire.

"En tenant compte des impératifs sécuritaires de la Turquie, le président de la République a exprimé à son homologue turc sa préoccupation suite à l’intervention militaire lancée samedi dans le canton d’Afrin", dit l'Elysée dans un communiqué.

En visite à Paris, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, avait annoncé plus tôt qu'Erdogan s'entretiendrait mercredi au téléphone avec le président américain, Donald Trump.

"A Manjib, les terroristes n'arrêtent pas de tirer en direction de notre territoire. C'est de la provocation. Si les Etats-Unis ne mettent pas fin à cette situation, nous le ferons nous-mêmes", a déclaré le chef de la diplomatie turque.

"Pour nous, il ne s'agit pas d'affronter les Russes, le régime syrien ou les Etats-Unis, il s'agit de combattre une organisation terroriste", a-t-il ajouté.

Dans un tweet, il a ensuite annoncé la mort en service d'un deuxième soldat turc, un lieutenant.

L'opération "Rameau d'olivier", préparée dans la nuit de jeudi à vendredi par des tirs d'artillerie, a été suivie samedi par des raids de l'aviation et formellement lancée par le président Erdogan.

Le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a déclaré dimanche qu'Ankara entendait créer une zone de sécurité s'avançant d'une trentaine de kilomètres en territoire syrien.

Environ 25.000 rebelles de l'ASL participent à l'opération au côté de l'armée turque dans le but de reprendre la ville arabe de Tel Rifaat et des localités alentour prises par les YPG en février 2016.

L'offensive fait suite à de nombreux avertissements lancés ces dernières semaines par le pouvoir turc. Ankara a été particulièrement contrarié par l'annonce que Washington allait prendre en charge la formation d'une force de gardes-frontières de 30.000 hommes dans l'Est syrien contrôlé par les FDS.

(Avec Tuvan Gumrukcu et Daren Butler à Istanbul, Tom Perry à Beyrouth et Tom Miles à Genève, Guy Kerivel et Nicolas Delame pour le service français, édité par Gilles Trequesser)