Syrie : qui est Abou Mohammad al-Jolani, ce chef islamiste qui a fait tomber Bachar al-Assad ?

Le commandant rebelle Abou Mohammad al-Jolani, lors d’une interview pour CNN le 6 décembre, deux jours avant la prise de Damas.
Capture d’écran CNN International Le commandant rebelle Abou Mohammad al-Jolani, lors d’une interview pour CNN le 6 décembre, deux jours avant la prise de Damas.

INTERNATIONAL - « Le dirigeant Ahmed al-Chareh s’est prosterné et a baisé le sol » à son arrivée à Damas. Ce dimanche 8 décembre, le chef des rebelles islamistes syriens, qui ont renversé le régime de Bachar al-Assad, a été accueilli comme un héros dans la capitale syrienne.

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Abou Mohammad al-Jolani, ou de son vrai nom Ahmed al-Chareh, est connu pour être le leader de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), la formation islamiste radicale à la tête de la coalition insurgée au cœur de l’actualité ces derniers jours. C’est elle qui avait lancé le 27 novembre une offensive fulgurante dans le nord de la Syrie, permettant de prendre une à une les principales villes syriennes avant d’arriver à Damas.

L’arrivée hautement symbolique d’Abou Mohammad al-Jolani à Damas a donc jeté une lumière nouvelle sur cet homme, qui a affirmé ce dimanche « continuer à œuvrer avec détermination pour atteindre les objectifs de notre révolution », malgré le départ précipité de Bachar al-Assad. Signant ainsi la fin d’un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad en Syrie. « L’avenir est à nous et nous allons vers la victoire », a-t-il clamé avant de se rendre à la célèbre mosquée des Omeyyades de Damas.

Une mue progressive

Le leader de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-branche d’al-Qaïda en Syrie, s’était depuis longtemps fixé comme objectif de renverser le président Assad, au pouvoir depuis 2000. Un objectif finalement atteint ce dimanche lorsque les rebelles sont entrés dans la capitale et ont proclamé « la ville de Damas libre ».

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Grand, la barbe noire et l’œil vif, Abou Mohammad al-Jolani a progressivement abandonné le turban des jihadistes qu’il arborait au début de la guerre en 2011 pour un uniforme militaire et parfois pour un costume civil. Passant ainsi d’un vocabulaire fondamentaliste à une parole qui se veut modérée pour parvenir à ses fins : faire tomber Bachar Al-Assad et son régime.

Depuis la rupture avec al-Qaïda en 2016, il tentait de lisser son image et de présenter un visage plus modéré, sans réellement convaincre les analystes ou encore les chancelleries occidentales. Qui continuent de classer HTS comme un groupe terroriste. Spécialiste de l’islamisme en Syrie, Thomas Pierret parle de lui auprès de l’AFP comme d’un « radical pragmatique », en rappelant son évolution flagrante ces dernières années.

Une transition qui s’illustre encore depuis le 27 novembre, lorsqu’il a commencé a signé de son vrai nom plutôt que de son nom de guerre.

Prise de distance avec al-Qaïda

Né en 1982, ce n’est qu’après les attentats du 11-septembre que « les premiers signes de jihadisme commencèrent à apparaître dans la vie de Jolani, lequel commença à assister à des sermons et des tables rondes secrètes dans les banlieues marginalisées de Damas », comme le rapporte le site Middle East Eye.

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Après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, Jolani rejoint le combat et le groupe al-Qaïda en Irak d’Abou Moussab al-Zarqawi avant d’être emprisonné durant cinq ans. Il devra attendre 2011 pour rejoindre son pays natal et y fonder le front al-Nosra, qui finira par devenir HTS.

En 2013, il refuse d’être adoubé par Abou Bakr al Baghdadi, futur chef de l’EI, et lui préfère l’émir d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Un marqueur de sa prise de distance progressive, qui se confirmera encore lorsqu’il finira par rompre définitivement avec al-Qaïda, afin d’« ôter les prétextes avancés par la communauté internationale » d’attaquer son organisation. Depuis, il poursuit « sur une ligne de crête son chemin d’homme d’État en devenir », affirme Thomas Pierret.

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