Sydney tente de sauver ses deux condamnés à mort à Djakarta

par Jane Wardell et Randy Fabi SYDNEY/DJAKARTA (Reuters) - L'Australie a effectué lundi une tentative de dernière minute pour obtenir un sursis à exécution de ses deux ressortissants condamnés à mort en Indonésie pour trafic de drogue, réclamant une enquête après les informations selon lesquelles leur procès aurait été entaché de corruption. Selon un quotidien australien, des juges auraient réclamé des sommes d'argent pour ne pas prononcer la peine de mort. La ministre australienne des Affaires étrangères, Julie Bishop, a qualifié les allégations de "très graves" et estimé qu'elles remettaient en question l'intégrité du processus judiciaire. A Djakarta, le ministère des Affaires étrangères a immédiatement réclamé que des preuves soient apportées et demandé pourquoi ces craintes n'avaient pas été soulevées il y dix ans au début du processus judiciaire. Armanatha Nasir, porte-parole du ministère indonésien des Affaires étrangères, a estimé que les deux condamnés australiens, Andrew Chan et Myuran Sukumaran, avaient disposé de toutes les voies de recours pour contester le verdict. Andrew Chan et Myuran Sukumaran font partie d'un groupe de neuf étrangers condamnés à mort susceptibles d'être fusillés dans les jours à venir, peut-être dès mardi soir. Condamné lui aussi pour trafic de drogue, le Français Serge Atlaoui a obtenu un répit de la part des autorités indonésiennes mais les motivations du report de son exécution restent confuses. Une Philippine, mère de deux enfants, attend également d'être exécutée. Le président philippin, Benigno Aquino, a appelé son homologue indonésien, Joko Widodo, à faire preuve de "considération humanitaire" et indiqué que la condamnée avait transporté de la drogue à son insu. Donnant pour la première fois un signe d'assouplissement, le président indonésien lui a répondu qu'il s'entretiendrait de l'affaire avec l'avocat général, a déclaré un porte-parole du président philippin à Kuala Lumpur. POTS-DE-VIN Mohammed Rifan, un avocat basé à Bali, a déclaré au Sydney Morning Herald qu'il avait accepté de verser des pots-de-vin, 130.000 dollars australiens (94.000 euros), aux magistrats chargés de juger Andrew Chan et Myuran Sukumaran en échange d'une condamnation des deux hommes à des peines de prison inférieures à 20 ans. Il a expliqué que leur accord avait capoté parce que les juges ont dit avoir reçu des instructions de leur hiérarchie et du gouvernement afin qu'ils prononcent la peine capitale. Les juges auraient alors réclamé une somme plus élevée que l'avocat n'était pas en mesure de verser. "La Commission judiciaire indonésienne doit enquêter sur ces questions et cela souligne pourquoi nous continuons à demander à l'Indonésie d'autoriser la commission judiciaire à finaliser son examen", a déclaré Julie Bishop. "Une exécution est une mesure irrévocable et je pense que ces auditions et ces processus de recours devraient être menés à bien avant toute prise de décision", a ajouté la chef de la diplomatie australienne. Mohammed Rifan n'a pu être joint. Andrew Chan et Myuran Sukumaran, chefs du gang dit des Neuf de Bali, ont été arrêtés à l'aéroport principal de Bali en 2005 pour avoir tenté de faire passer 8 kg d'héroïne en Australie. Les autres membres du réseau, tous Australiens, ont été condamnés en Indonésie à des peines de prison allant de 18 ans à la perpétuité. La Commission judiciaire indonésienne a indiqué qu'elle examinerait les allégations de corruption mais que ses conclusions n'auraient pas de conséquences sur les cas. "Même s'il est prouvé que le juge a violé les règles de l'éthique, cela n'affectera pas la décision antérieure de la justice", a déclaré à Reuters un des membres de la Commission, Taufiqqurahman Syahuri. "(...). Ce qui a été décidé est définitif. La Commission judiciaire peut sanctionner le juge, mais les questions éthiques et juridiques sont différentes." (Avec Kanupriya Kapoor à Cilacap en Indonésie, Gayatri Syuroyo à Djakarta, Manuel Mogato à Kuala Lumpur et Matt Siegel à Canberra; Nicolas Delame et Danielle Rouquié pour le service français)