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Suu Kyi défend son action vis à vis des musulmans Rohingya

La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a accusé vendredi la communauté internationale d'attiser les tensions entre musulmans et bouddhistes dans le nord-ouest du pays où des opérations de l'armée ont fait au moins 86 morts et poussé plus de 10.000 autres à se réfugier au Bangladesh. /Photo prise le 4 novembre 2016/REUTERS/Issei Kato

par Aradhana Aravindan et Yimou Lee SINGAPOUR/SITTWE, Birmanie (Reuters) - La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a accusé vendredi la communauté internationale d'attiser les tensions entre musulmans et bouddhistes dans le nord-ouest du pays où des opérations de l'armée ont fait au moins 86 morts et poussé plus de 10.000 autres à se réfugier au Bangladesh. L'ancienne opposante a invité les pays étrangers à mieux respecter les complexités ethniques birmanes et accepter que les opérations de l'armée sont une réponse à des attaques visant les forces de sécurité. "Je serais ravie si la communauté internationale nous aidait à maintenir la paix et la stabilité et à favoriser l'amélioration des relations entre les deux communautés au lieu d'alimenter par son comportement les feux du ressentiment", a déclaré Aung San Suu Kyi à la chaîne de télévision de Singapour Channel News Asia. "Quand tout le monde ne se concentre que sur les aspects négatifs d'une situation, cela n'apporte pas grand-chose", a-t-elle ajouté, rappelant que des attaques avaient été commises contre des commissariats de police. La violence qui embrase le nord-ouest de la Birmanie est le premier grand défi auquel le gouvernement d'Aung San Suu Kyi est confronté depuis sa formation, il y a huit mois. Beaucoup hors du pays lui reprochent sa passivité devant les difficultés que traverse la communauté musulmane des Rohingyas. EXODE MASSIF Les 1,1 million de Rohingyas installés en Birmanie, considérés comme des immigrés clandestins venus du Bangladesh par nombre de bouddhistes birmans, ne peuvent avoir la nationalité birmane. Leurs déplacements sont soumis à de sévères restrictions. Des soldats birmans ont été dépêchés le long de la frontière avec la Bangladesh, en riposte aux attaques coordonnées qui ont visé trois postes-frontières le 9 octobre et fait neuf morts dans les rangs des policiers. L'armée et le gouvernement birmans rejettent les accusations d'habitants et de défenseurs des droits de l'homme concernant le viol de femmes Rohingyas, les meurtres de civils ou encore les destructions de logements commis par l'armée durant l'opération menée dans l'Etat d'Arakan, région où les musulmans sont plus nombreux que les membres de l'ethnie arakanaise. Ces violences ont provoqué un exode massif de Rohingyas qui ont trouvé refuge au Bangladesh, et parfois en Chine. Les propos tenus vendredi à Singapour par Aung San Suu Kyi ont coïncidé avec le retour en Birmanie d'une commission conduite par l'ancien secrétaire général de l'Onu Kofi Annan. Dans un communiqué publié cette semaine, le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a redit, comme en juin, que le sort subi par les Rohingyas pouvait s'apparenter à des crimes contre l'humanité. "Dans l'Arakan, il n'y a pas que les musulmans qui soient inquiets", a dit Aung San Suu Kyi. "Les Arakanais sont préoccupés eux aussi. Ils sont préoccupés par le fait que la population arakanaise diminue en pourcentage". ANNAN EN RENFORT La dirigeante a identifié dès le début de son mandat l'Arakan comme l'une des zones nécessitant une attention toute particulière, confiant à Kofi Annan la tâche de proposer des solutions à long terme pour régler les questions posées par les divisions ethniques. L'équipe composée de neuf commissaires, six Birmans et trois étrangers, a rencontré vendredi des dirigeants locaux, des représentants des communautés et des musulmans hébergés dans des camps de réfugiés à proximité de Sittwe, la capitale de l'Etat. "Il y a eu des mesures de sécurité, mais les mesures de sécurité ne doivent pas entraver l'accès à ceux qui ont besoin d'aide humanitaire", a déclaré Kofi Annan après la réunion. "Nous en avons discuté et je m'attends à ce que des progrès soient réalisés. Certaines agences ont pu s'y rendre, mais il y a beaucoup de besoins et je pense que nous verrons des progrès dans les tout prochains jours". Selon les Nations unies, environ 30.000 personnes ont fui les zones de combats et si près de 20.000 ont pu obtenir une aide, 130.000 autres ne reçoivent plus l'aide alimentaire ni le soutien dont elles bénéficiaient avant le regain de violence. Aung San Suu Kye s'est pliée jeudi aux pressions internationales qui réclamaient la formation d'une commission chargée d'enquêter sur l'origine de la violence et sur les accusations de violations des droits de l'homme qui auraient été commises par l'armée au cours de ses opérations. Sa décision de placer à sa tête l'ancien vice-président Myint Swe, ex-chef des renseignements, a toutefois surpris. Myint Swe s'est notamment illustré en 2007 dans la répression à Rangoun de manifestations menées par des moines bouddhistes. (Nicolas Delame pour le service français, édité par Gilles Trequesser)