"Suspension" de la retraite à 64 ans: avant le discours de Bayrou à l'Assemblée, ce qu'en pensent les partis
La réforme des retraites à nouveau sur la table. Moins de deux ans après son adoption par 49.3 à l'Assemblée nationale, la retraite à 64 ans est de retour dans le débat. À la recherche d'un accord avec la gauche pour éviter dans les prochains mois la censure, François Bayrou pourrait accepter de suspendre la réforme lors de son discours de politique générale.
La manœuvre qui lui permettrait de s'attirer le soutien d'une partie du Nouveau Front populaire, et probablement de rester à Matignon au moins quelques mois, divise l'ensemble de l'échiquier politique.
• Les socialistes et les communistes mettent la pression sur "la suspension"
Pivots des négociations en cours avec Éric Lombard, le ministre de l'Économie, les socialistes tentent de pousser leur avantage. Interviewé dimanche sur BFMTV, le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a affirmé attendre du patron du Modem qu'il s'engage à la "suspension" de la réforme des retraites.
Le patron des socialistes a assuré sur notre antenne qu'il y avait "une vraie discussion" en cours mais que le compte "n'y était pas encore". Jusqu'à présent, François Bayrou a publiquement indiqué ne pas avoir de "tabou" en la matière tout en disant "ne pas croire" que la réforme pourrait être abrogée.
Même son de cloche pour les communistes. Le secrétaire national du parti communiste a demandé sur notre chaîne ce lundi "un engagement clair" de la part de François Bayrou sur les retraites avant d'agiter la menace d'une motion de censure dans le cas où il ne serait pas entendu.
• Les insoumis continuent de brandir la censure, les écologistes hésitent
Au sein des insoumis, on ne goûte guère le changement de pied des socialistes. Il faut dire que La France insoumise a refusé d'entrer formellement en négociation avec le gouvernement avant d'entendre la déclaration de politique générale de François Bayrou ce mardi. Éric Coquerel s'est néanmoins rendu à Bercy vendredi avec sa casquette de président de la commission des Finances.
"Dans les négociations en cours, il n'y a pas d'abrogation de la réforme des retraites sur la table", a-t-il jugé à sa sortie de son rendez-vous.
Il a accusé les socialistes de "reniement" s'ils ne censuraient pas le gouvernement qui ne propose qu'un "compromis entre le rien et le rien".
Le mouvement pousse depuis des semaines pour une démission d'Emmanuel Macron, jugeant qu'il s'agit de la seule solution pour mettre un terme à l'instabilité politique. Quant aux écologistes qui ont participé à un rendez-vous commun à Bercy avec les socialistes ou les communistes, ils affichent eux aussi leur scepticisme.
La députée Sandrine Rousseau a demandé aux socialistes de réclamer plus de "clarté" au gouvernement sur BFMTV samedi soir. Son collègue Benjamin Lucas a menacé de voter la motion de censure "à titre personnel" sur BFMTV ce lundi.
La France insoumise, tout comme les écologistes, craint que François Bayrou n'évoque une éventuelle suspension de la retraite à 64 ans couplée à une conférence des partenaires sociaux, le temps de voter le budget, avant de réinstaurer la réforme.
• La macronie hésite
Défenseuse de la réforme des retraites quitte à se fâcher avec une partie de l'hémicycle comme lors des débats sur l'abrogation au printemps 2023, Yaël Braun-Pivet a mis de l'eau dans son vin. La présidente de l'Assemblée explique désormais qu'elle n'est "pas opposée" à un compromis, comme elle l'a expliqué ce dimanche sur France inter.
Dans le camp des proches de Gérald Darmanin, l'approche est bien différente. "Qui peut croire une seconde que nous pourrions nous permettre de détricoter la réforme des retraites dans un pays qui va emprunter plus de 330 milliards d’euros cette année?", s'est agacé le député Mathieu Lefèvre ce lundi sur RMC.
Quant à Élisabeth Borne, Première ministre à l'époque de la réforme, elle a expliqué que ce débat était "totalement irresponsable" sur France 3 en décembre dernier. La fin de la réforme des retraites mettrait en effet fin à l'un des rares marqueurs politiques de son passage à Matignon tout comme au second quinquennat d'Emmanuel Macron.
• Les LR vent debout contre
Si la droite a fait le service minimum à l'Assemblée nationale lors des débat sur la réforme des retraites, refusant de la voter, elle refuse désormais de revenir en arrière.
"Suspendre sans scénario alternatif la réforme des retraites revient à sauter dans le vide sans parachute. Ce sera sans la droite", a déjà menacé Laurent Wauquiez dans les colonnes du Parisien dimanche. Même son de cloche dans le même journal pour le président du Sénat Gérald Larcher qui a réclamé qu'il n'y ait "ni suspension ni abrogation" ce dimanche.
Quant au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, très allant sur la réforme quand il était président des sénateurs LR, il avance qu'il y "des choses à négocier" sur la loi et ne met pas son éventuelle démission dans la balance.
• Le RN très méfiant
Après avoir multiplié les pressions sur Michel Barnier, le RN se trouve pour l'instant dépourvu de levier sur François Bayrou. Jean-Philippe Tanguy et Sébastien Chenu n'ont été reçus à Bercy par Éric Lombard qu'en fin de semaine dernière avec des allures de service minimum.
À sa sortie, Sébastien Chenu a dénoncé "une escroquerie politique" en faisant croire à la possibilité d'une suspension de la réforme. "On ne voit pas bien où tout ça va aller, rien n'est clair", a dénoncé de son côté Jean-Philippe Tanguy.
Quant au président du parti Jordan Bardella, il a jugé ce lundi sur RTL "ne plus rien y comprendre". "Les mêmes causes produiront les mêmes effets", a encore avancé le député européen, menaçant de censurer François Bayrou.