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Le suicide de Lucas montre que l’homophobie est toujours un problème à l’école

L’homophobie est toujours présente à l’école
FangXiaNuo / Getty Images L’homophobie est toujours présente à l’école

HOMOPHOBIE - Ce vendredi 27 janvier, le procureur d’Epinal a annoncé que quatre élèves du collège Louis-Armand de Golbey, dans les Vosges, allaient être jugés pour « harcèlement scolaire ayant entraîné le suicide ». Ce suicide, c’est celui de Lucas, 13 ans, qui s’est donné la mort début janvier, après avoir subi, selon les témoignages de ses proches, du harcèlement et de l’homophobie à l’école. La mort de l’adolescent a bouleversé l’opinion et rappelé, jusque dans l’Hémicycle, que l’homophobie est toujours présente dans les cours de récré.

Lucas était ouvertement homosexuel. Tout comme Paul*, qui a fait son coming out à l’âge de 12 ans. C’est d’abord à ses parents qu’il a confié ne pas être attiré par les filles, mais plutôt par son meilleur ami. Voyant que cela ne posait pas de problème à la maison, le jeune garçon a donc pris la décision de le dire à celui qu’il aimait. « Et là, ça a été le drame », explique Richard, son père.

L’ami en question a violemment repoussé Paul et a révélé la sexualité du jeune adolescent à d’autres camarades. Très vite, tout l’établissement est mis au courant et Paul commence alors à subir du harcèlement lié à son orientation sexuelle. Dans un premier temps, il décide de ne pas en parler à ses parents. Mais les insultes s’aggravent et le collégien prend peur. « Il nous en a parlé à partir du moment où il sentait que la violence physique pouvait arriver. Et nous, on était sous le choc. On ne comprenait pas pourquoi dans notre entourage ça ne posait aucun problème, mais qu’à l’école c’était invivable », explique le père de Paul au HuffPost.

Des dispositifs de lutte contre les discriminations insuffisants

Son coming out, Lily l’a fait à 14 ans. « Je sortais avec une fille du collège. Et même si on ne s’exposait pas plus que ça, ça s’est vite su et les autres se sont déchaînés », raconte la jeune fille, qui est aujourd’hui au lycée. Pourtant, à l’école, les élèves avaient assisté à un cours d’informations sur les discriminations liées à l’orientation sexuelle.

« Pendant ce temps d’échange, tout le monde était d’accord pour dire que c’était mal de rejeter quelqu’un parce qu’il aime les personnes du même genre que lui. Ça ne les a pas empêchés de le faire quand même », constate Lily, qui tient à souligner que ces harceleurs étaient une minorité. « Mais la majorité était silencieuse la plupart du temps. »

« Les dispositifs de lutte contre les discriminations mis en place dans les écoles par l’Éducation nationale ne sont pas suffisants », avance Timothée Gaydon, professeur de lettres modernes et fondateur de l’association Queer Éducation. Composé de membres du personnel éducatif, le groupe milite pour que les thématiques queer soient intégrées au programme du ministère. « Ces dispositifs ne permettent pas de déconstruire les rapports de domination structurels reproduits par l’école », souligne l’enseignant.

C’est notamment pour cela que les parents de Paul ont fini par le changer d’établissement, malgré plusieurs signalements auprès du corps enseignant et de la direction. « On nous disait qu’ils allaient aborder les thématiques LGBT+ en cours d’éducation sexuelle, mais ça n’a rien changé. Le mal était fait et bien installé », décrit Richard. Dans son nouveau collège, l’adolescent va mieux et se sent enfin intégré.

« L’école promeut un certain modèle de la masculinité »

La dernière campagne de communication du ministère de l’Éducation nationale contre l’homophobie et la transphobie à l’école a eu lieu en 2019. Le ministère y citait une étude de l’Ifop réalisée en 2018 selon laquelle « 18 % des lycéens ou étudiants LGBT+ [déclaraient] avoir été insultés au cours des 12 derniers mois ». De son côté, l’association SOS Homophobie rapportait une hausse de 38 % des signalements d’actes homophobes ou transphobes en milieu scolaire.

« Les jeunes filles font plus leur coming out que les garçons, mais ce sont eux qui semblent davantage être victimes d’homophobie », avance Timothée Gaydon. Cela est en partie dû, selon lui, au fait que « l’école promeut un certain modèle de la masculinité ».

Maintenant élève en classe de première, Lily est plus épanouie dans sa scolarité. « Au lycée, il y a quelques filles ouvertement lesbiennes et je n’ai pas le sentiment que ça pose vraiment un problème. Par contre, les garçons homos se font plus discrets parce qu’il y a souvent des petites réflexions déplacées sur eux quand on va à la cantine par exemple », commente la jeune fille.

Timothée Gaydon affirme qu’il existe une hiérarchie chez les élèves, avec au sommet la virilité telle que la société la conçoit. « Les homosexuels ne sont même pas en bas de cette pyramide, ils n’en font simplement pas partie, raconte-t-il. Comme si lorsqu’on est homosexuel, on n’était pas un homme. »

Dans le cas du jeune Lucas, et dans toutes les affaires d’homophobie à l’école en général, « il y a une réelle responsabilité politique », estime le professeur. « L’Éducation nationale a un vrai rôle à prendre car, pendant longtemps, elle a mis en avant certaines existences qu’elle jugeait plus légitimes que d’autres. Donc aujourd’hui, l’enseignement est encore extrêmement normatif, souligne Timothée Gaydon. En quelque sorte, le suicide de Lucas est aussi lié à l’inaction de l’État. »

*Le prénom a été modifié.

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