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Sucre: Salariés et betteraviers font pression sur l'Allemagne

par Danielle Rouquié

PARIS (Reuters) - Des salariés de Saint Louis Sucre, filiale française du groupe allemand Südzucker, et des représentants de betteraviers ont manifesté mardi près de l'ambassade d'Allemagne à Paris pour protester contre l'arrêt d'une partie de la production sucrière en France.

Dans un contexte de chute des cours, Südzucker prévoit de réduire sa production de 700.000 tonnes, dont 450.000 en France, ce qui se traduira par l'arrêt de la production sur deux sites en France, à Cagny dans le Calvados (82 salariés) et à Eppeville (Somme), où 126 personnes travaillent.

Ces deux sites ne conserveraient que certaines activités, de stockage notamment. En terme d'emploi, seul le site de Cagny est effectivement touché : seuls huit postes sont maintenus. Les salariés d'Eppeville se sont vu offrir, entre autres, une proposition de reclassement sur un autre site de production.

La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) a monté un projet de reprise des deux sites via une coopérative dont le capital est détenu par les planteurs avec éventuellement d'autres investisseurs, indiquent Benoît Carton, directeur régional CGB de Normandie et Patrick Dechaufour, président de la CGB Calvados, Sarthe, Orne, venus manifester à Paris.

Les régions Hauts-de-France et Normandie interviendraient soit sous forme de subventions, via les aides du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), soit en entrant au capital, voire via des obligations convertibles.

La CGB doit rencontrer des banquiers vendredi.

Ce projet d'offre de reprise sera remis à Südzucker lors d'un rendez-vous prévu le 15 mai à Strasbourg entre les betteraviers et les représentants du groupe allemand.

Malgré la crise de cours du sucre, la CGB estime son plan viable, notamment parce que les charges de fonctionnement des deux sites français seraient beaucoup moins élevées que celles que leur impute Südzucker.

PRESSION POLITIQUE

"Pour pouvoir le faire valider, il faut amener les Allemands à négocier", explique Patrick Dechaufour. "Aujourd'hui, on discute avec les Allemands, mais on ne négocie pas".

"Il faudra que ça remonte dans les plus hautes sphères de l'Etat pour que le dossier avance", ajoute-t-il. "La pression politique pour nous est très importante."

La CGB avait manifesté le 12 mars dernier devant le siège de Südzucker à Mannheim dans le sud-ouest de l'Allemagne, en compagnie d'élus et de salariés de Saint Louis Sucre.

Le président de la CGB Franck Sander et son directeur général Pierre Rayé ont été reçus mardi matin à Bercy par le délégué interministériel aux restructurations d'entreprises Jean-Pierre Floris, à qui ils ont présenté le projet de reprise.

La CGB ne veut pas dévoiler le prix proposé pour racheter les deux sites, faisant valoir que des investissements seront nécessaires à Cagny et Eppeville, investissements qui seront à défalquer du prix d'achat.

Pour Loïc Touzé, délégué syndical Force ouvrière Saint Louis Sucre, le refus de Südzucker de céder ses sites français, "c'est clairement un problème de protectionnisme allemand".

"Le groupe Südzucker considère qu'il y a trop de sucre en Europe. Donc, ils veulent fermer les usines pour qu'il y ait moins de sucre en Europe pour pouvoir faire remonter les cours. Ils ne veulent surtout pas les céder. (...) Ils veulent démonter les usines et les ferrailler", estime-t-il.

Selon lui, ce sont les usines allemandes et polonaises qui produiront le sucre manquant quand les cours remonteront.

"Ce qu'il faut que Südzucker comprenne : fermer un site, ça va leur coûter 50 à 60 millions d'euros par site (en terme de dépollution et de désamiantage)", déclare le syndicaliste.

"Soit ils dépensent 50 millions pour fermer un site, soit ils acceptent une offre de reprise de quelques dizaines de millions d'euros et donc du coup, ils vont être les grands gagnants de l'histoire puisqu'ils feront une économie, ils encaisseront de l'argent."

Le sucrier Cristal Union (marque Daddy) veut lui aussi fermer deux sites de production en France d'ici fin 2020.

(Avec Sybille de La Hamaide, édité par Yves Clarisse)