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Colbert, Christophe Colomb, Léopold II : ces statues qui posent question

Aux États-Unis, plusieurs statues de Christophe Colomb ont été déboulonnées ou décapitées. En cause, le rôle du navigateur dans le génocide des Amérindiens.
Aux États-Unis, plusieurs statues de Christophe Colomb ont été déboulonnées ou décapitées. En cause, le rôle du navigateur dans le génocide des Amérindiens.

Christophe Colomb, Léopold II de Belgique, Colbert, Faidherbe... À l’heure où les manifestations contre le racisme de multiplient, les hommages rendus à ces personnages historiques interrogent partout dans le monde.

Aux quatre coins du globe, des statues de personnages historiques sont déboulonnées, décapitées ou tout simplement remises en question. Christophe Colomb aux États-Unis, Léopold II en Belgique, Colbert en France... la liste est longue. L’élément déclencheur de ce mouvement est la mort de l’Américain George Floyd, tué lors de son interpellation, qui a conduit à une vaste crise sociale aux États-Unis et un questionnement profond sur le racisme dans bien d’autres pays.

Une actualité qui conduit à regarder l’Histoire - et ceux qui l’ont faite - d’un autre oeil.

Christophe Colomb et les Amérindiens

Aux États-Unis, les statues de Christophe Colomb sont prises pour cibles depuis quelques jours. L’une d’elles a été décapitée mardi 9 juin, à Boston. Ce même jour, une autre était entraînée au fond d’un lac à Richmond (Virginie).

Le navigateur italien, qui a vécu dans la deuxième moitié du XVe siècle, est surtout connu pour avoir “découvert l’Amérique”. Entre 1492 et 1502, il entreprend cinq expéditions qui le mèneront aux Antilles, à Cuba, à Haïti, en Guadeloupe, à Porto Rico puis sur le continent américain.

Ces voyages dans des zones déjà habitées ont conduit à des affrontements avec les indigènes vivant sur place et ont mené à la colonisation des terres. Cette découverte a surtout ouvert la voie à la conquête de l’Amérique par les européens, qui s’est accompagnée du génocide des Amérindiens.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’image de Christophe Colomb est remise en question outre-Atlantique : plusieurs villes et États ont cessé depuis plusieurs années de célébrer le “Colombus day”. À la place, la journée est consacrée aux populations amérindiennes.

La guerre de Sécession et ses généraux

L’histoire des États-Unis est profondément marquée par la guerre de Sécession, qui a déchiré le pays en deux entre 1861 et 1865. À l’époque, une forte rivalité opposait les États du nord et du sud, les premiers étant en pleine industrialisation, les seconds défendant l’esclavage et le libre-échange. Les tensions se sont encore accrues lorsque Abraham Lincoln, fervent anti-esclavagiste républicain, a été élu président.

Refusant ce dirigeant, mais aussi de mettre fin à l’esclavage, sur lequel ils avaient bâti toute leur économie, plusieurs États ont décidé de faire sécession. Ils se sont organisés en États confédérés d’Amérique, ont élu leur propre président - Jefferson Davis - et ont installé leur capitale à Richmond. Ils ont lancé les hostilités contre le nord en 1861.

En 1865, les États du sud sont finalement battus. Cette même année, l’esclavage y est aboli. La guerre civile a causé des dommages humains considérables : 617 000 personnes sont mortes. Depuis, des soldats et généraux des deux camps continuent d’être honorés et le drapeau de la Confédération est encore présent dans certaines villes, symbolisant notamment la défiance vis-à-vis du pouvoir fédéral, rappelle RTL.

Mais toutes ces références aux sudistes renvoient également, inexorablement, à l’esclavage. Le questionnement sur le sujet est loin d’être nouveau. Comme le rapporte le site de l’association Southern Poverty Law Center, 114 monuments rendant hommage à des confédérés ont été gommés du paysage américain depuis 2015. Mais il reste encore énormément de statues, rues ou écoles rendant hommage à Robert Lee, Jefferson Davis, Braxton Bragg, Henry L. Benning, Thomas “Stonewall” Jackson, Pierre Gustave Toutant de Beauregard...

La présidente de la Chambre des représentant, Nancy Pelosi, a demandé, ce mercredi 10 juin, à ce que les statues des généraux confédérés soient retirées du Capitole.

Colbert et le code noir

En France aussi, la présence de certaines statues est remise en question. C’est notamment le cas de celle de Jean-Baptiste Colbert, trônant devant l’Assemblée nationale. Ministre d’État de Louis XIV, intendant des Finances et chargé des travaux du château de Versailles, il a collectionné les casquettes. Colbert s’est également illustré en rédigeant de nombreuses ordonnances afin de légiférer sur la vie des Français dans de nombreux secteurs.

C’est dans ce cadre qu’il a préparé le Code noir, régissant la traite des esclaves aux Antilles, en Guyane et sur l’île de Bourbon. Ce texte, qui sera promulgué après la mort de son auteur, définissait ce qu’avaient le droit de faire les propriétaires français. Il a notamment instauré un statut intermédiaire pour les esclaves, entre celui d’“homme libre” et de “bien meuble”, et maintenu la mutilation comme punition. D’autres colonies ont ensuite adopté un code du même genre. De quoi susciter le débat autour des statues de Colbert depuis plusieurs années déjà.

L’ambivalent général Faidherbe

La question se pose depuis mai 2018, date du bicentenaire de sa naissance : faut-il, oui ou non, conserver les statues du général Louis Faidherbe, qui ornent des places à Lille et à Saint-Louis (Sénégal) ?

Le débat revient dans l’actualité. Originaire de Lille, Louis Faidherbe a vécu au XIXe siècle. Militaire prestigieux, il est notamment connu pour avoir réussi à repousser l’invasion prussienne lors de la guerre de 1870, qui fut une grande défaite pour la France. Il avait aussi la particularité d’être un fervent républicain dans une armée où les idées monarchistes étaient les plus répandues.

Sa carrière l’a conduit au Sénégal, où il a été envoyé pour “pacifier” la région... qu’il a soumise “par la force”, ce qui implique notamment la destruction totale de plusieurs villages, comme le précise le magazine Geo.

Interrogé sur le sujet par l’AFP en 2018, l’historien Amadou Bakhaw Diaw, dont les propos ont été repris par Le Point, décrivait toute l’ambivalence de ce personnage : “tantôt il est perçu comme un colon conquérant face à la résistance armée des royaumes sénégalais, tantôt comme le créateur de l'État du Sénégal moderne et le libérateur des Noirs sénégalais face aux exactions des Maures”.

Le débat sur le maintien de la statue avait été jugé “légitime” en 2018 par Martine Aubry, la maire de Lille, sans qu’elle ait pour autant été retirée depuis.

Mahé de la Bourdonnais, “l’esclavagiste”

À Saint-Denis de la Réunion, le débat sur la statue de Bertrand François Mahé n’est pas tout à fait récent : dès 2015, le monument avait été recouvert d’un panneau portant l’inscription “je suis esclavagiste”.

Bertrand François Mahé, aussi appelé comte de la Bourdonnais, était gouverneur des Mascareignes (un archipel constitué de la Réunion, de l’île Maurice et de l’île Rodrigue) au XVIIIe siècle. Il a notamment participé aux développement des colonies dans ces îles, en s’appuyant sur le travail des esclaves.

Léopold II, bâtisseur aux millions de morts

La ville d’Anvers a fait le choix de déboulonner, mardi 9 juin, une statue de Léopold II, roi de Belgique de 1865 à 1909. Comme d’autres figures historiques, cet ancien monarque a une image des plus ambivalentes. Surnommé le “Roi Bâtisseur”, il est connu pour avoir modernisé la Belgique et notamment ses ports, voies ferrées, routes… Léopold II a également oeuvré à l’urbanisation de grandes villes du pays.

Mais une autre facette assombrie son règne. Il a voulu faire de la Belgique l’une des grandes puissances coloniales. Sans l’appui du gouvernement belge, il a donc décidé d’acheter lui-même le Congo et d’y installer de nombreuses sociétés, s’appuyant notamment sur l’exploitation du caoutchouc.

Mais cette “colonisation privée” a eu des conséquences humaines et économiques terribles. L’exploitation du pays a coûté la vie à des millions de personnes, comme le précise France info. Dès 1909, une commission officielle du gouvernement Belge estimait déjà que la population du Congo avait diminué de moitié, rappelle L’Obs.

Le marchand d’esclaves qui a enrichi Bristol

La statue d’Edward Colston qui se trouvait dans la ville anglaise de Bristol a été arrachée par des manifestants, dimanche 7 juin. Si cet homme, ayant vécu au XVIIe siècle, avait droit à un monument, c’est qu’il a participé au développement de la ville de Bristol, notamment grâce à des dons généreux.

Mais le problème, c’est l’origine de sa fortune : Edward Colston était marchand d’esclaves. Il aurait été responsable du transport de plus de 80 000 d’entre eux, en provenance d’Afrique.

Autant de personnages historique dont le rôle dans la colonisation ou l’esclavage est aujourd’hui dénoncé par certains.

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