Stanislas : « Complément d’enquête » montre toute l’ampleur de l’homophobie de l’établissement privé catholique

Les « dérives » du collège-lycée catholique élitiste sous contrat ont été soulignées par un rapport d’inspection de l’Éducation nationale, dévoilé en janvier 2024 par Mediapart.
THOMAS SAMSON / AFP Les « dérives » du collège-lycée catholique élitiste sous contrat ont été soulignées par un rapport d’inspection de l’Éducation nationale, dévoilé en janvier 2024 par Mediapart.

ÉDUCATION - « Pour eux, l’homosexualité c’était une maladie, c’était le diable, c’était contre-nature. » Le témoignage de cette ancienne élève de Stanislas, établissement scolaire privé du 6e arrondissement de Paris, est sans appel : « J’entendais des injures homophobes à longueur de journée. » Pauline (un nom d’emprunt) s’exprime pour la première fois publiquement dans l’émission « Complément d’enquête », diffusée ce jeudi 10 octobre sur France 2.

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L’expérience de la jeune fille, qui a passé neuf ans de sa scolarité à « Stan », illustre l’une des « dérives » du collège-lycée catholique que pointait le rapport d’inspection de l’Éducation nationale, dévoilé en janvier 2024 par Mediapart. Les enquêteurs y décrivaient notamment un « climat propice au rejet de l’homosexualité ». Un constat bien en deçà de la réalité, selon Pauline.

Dans le magazine d’investigation, elle décrit un harcèlement homophobe permanent, de la part du personnel de l’établissement comme des élèves. Elle dit avoir subi, de la part d’un préfet (un type de surveillant), « de nombreuses remarques à caractère homophobe » sur son comportement et son habillement. Jusqu’à l’incident du « pull de la discorde », un pull rayé multicolore qu’elle porte à l’époque au lycée. Le vêtement n’est pas du goût des responsables de l’établissement, qui estiment qu’il peut « offenser certains camarades » de par sa ressemblance avec le drapeau arc-en-ciel LGBT.

« Les gays nous font chier, les homos nous dégoûtent »

Alors « accusée de militantisme LGBT », elle aurait reçu de nombreux blâmes avant d’être renvoyée « du jour au lendemain » de l’établissement fin 2022, malgré de très bonnes notes et un prix d’excellence tout juste obtenu. Convoqués par la direction, ses parents se voient dire que leur fille « ne correspond pas à l’esprit de Stanislas » et a un comportement « toxique envers ses camarades ». Un « choc immense » pour la lycéenne, qui a depuis porté plainte pour « discrimination » contre trois responsables de l’établissement.

La direction récuse les accusations de discrimination et d’homophobie. Le rapport de l’inspection, lui, ne relève qu’un seul « fait avéré d’homophobie justifiant un signalement au Parquet » et ne fait état d’aucun témoignage d’élève estimant qu’il avait été stigmatisé ou victime d’homophobie. Or, France 2 a pu recueillir la parole d’une dizaine d’anciens élèves homosexuels, qui dénoncent tous la même chose : des propos homophobes tels que « Les gays nous font chier, les homos nous dégoûtent » et des incitations à « aller contre sa sexualité » ou avoir recours à des thérapies de conversion – interdites par la loi depuis 2022.

Selon l’avocat de Pauline, Vincent Brengarth, la plainte de la jeune fille n’aurait « même pas dû exister », si les pouvoirs publics avaient « pris leurs responsabilités en décidant eux-mêmes d’avoir des conclusions, des demandes de sanction et une demande d’enquête pénale ».

« Un univers sexiste, homophobe et autoritaire »

Si « Complément d’enquête » s’intéresse à cette école privée sous contrat, c’est parce qu’elle a été médiatisée, en janvier 2024, par celle qui était alors ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, qui y scolarise ses enfants. Alors que des enquêtes de L’Express et de Mediapart décrivaient déjà « un univers sexiste, homophobe et autoritaire », la ministre expliquait avoir fait ce choix du fait des difficultés de remplacement des enseignants dans le public.

Dans la foulée de la publication du rapport d’inspection, la Mairie de Paris avait décidé, en janvier 2024, de suspendre sa subvention annuelle à Stanislas, de près d’1,4 millions d’euros. En avril dernier, un rapport parlementaire sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat, qui concerne environ deux millions d’élèves regroupés au sein de 7 500 établissements, a dressé le constat d’un système opaque.

Les députés soulignent des manques de contrôles qui conduisent à des détournements de fonds publics et l’institution d’une « ségrégation socio-scolaire ». Selon les estimations de « Complément d’Enquête », Stanislas bénéficierait au total d’environ 12 millions d’euros par an d’argent public.

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