XV de France: "Dans ma tête, je suis numéro quinze", affirme de Thomas Ramos avant la tournée d’automne
Vous n’avez pas pu passer à côté de la date anniversaire de l’élimination en quart de finale de Coupe du monde face à l’Afrique du Sud. Un an plus tard, est-ce toujours présent dans vos mémoires?
Ça fait un an que tout le monde continue à nous en parler, régulièrement ou pas. Est-ce que c'est toujours présent? Dans ma tête, non. Mais bizarrement, en voyant des choses sortir récemment, certaines interviews aussi, ou même en voyant des extraits du documentaire des Sud-Africains sur les réseaux sociaux, je ne sais pas pourquoi, j'ai eu envie de regarder le match. Bizarrement, je me suis refait le match et j'ai essayé de le regarder avec un œil différent, un peu moins à chaud. Et j'ai essayé de voir aussi ce qu'on aurait pu mieux faire sur ce match-là. Je ne voulais plus trop en entendre parler, mais d'un coup, ça m'a pris et j'ai voulu me refaire le match. D'un côté, ça m'a fait du bien aussi de le reregarder, je me suis rendu compte que tu ne regardes pas le match de la même façon un an après. Tu peux avoir quelques regrets sur le match parce qu’on n’a pas exploité, je pense, la capacité totale de nos qualités sur un match comme ça. En face, c'était une grosse défense, qui montait fort, mais en fait, fort au milieu de terrain. Et quand tu reprends le match, à des moments, tu as des espaces dans les couloirs. C'est affolant. C'est-à-dire qu'avec un peu plus de justesse et de précision, à certains moments, et des choix différents aussi de notre part, on aurait pu aller jouer dans ces couloirs et certainement avoir des avancées significatives qui auraient pu nous sortir de situations délicates. Donc ça, c'est un point qui ressort qui est flagrant. Les regrets, non, parce qu'après, de toute façon, c'est passé. Si on ne l'a pas fait, c'est qu’on avait certainement analysé autre chose aussi à ce moment-là. Mais en tout cas, si on est amené à les rejouer, je pense que ce sont des choses qu'il faudra regarder et ne pas avoir peur d'aller jouer un cran plus loin face à des équipes qui montent fort.
Ça veut dire qu’au-delà de la déception, vous pouvez tirer des leçons pour progresser?
Oui, je pense, bien sûr. On a beaucoup tiré sur l'arbitrage sur ce match-là, forcément. Mais aujourd'hui, on voit que dans tous les matchs, il y a des décisions arbitrales qui sont discutées. Et ça fait partie de notre jeu, de notre sport, et du sport en général en fait. Dans tous les sports, l'arbitre est discuté, donc ça, je n'ai même pas envie de revenir là-dessus. Non, ce qu'il faut retenir, c'est qu'on avait préparé notre match forcément d'une façon. Et quand tu regardes aussi un petit peu les Sud-Africains dans leur compte rendu, même si c'est facile de dire après, « oui, on avait prévu ça », mais quand tu regardes un petit peu leur documentaire, ils avaient quand même analysé pas mal de choses qu'on avait préparées ou qui étaient quand même assez vraies dans notre jeu. C’est la preuve que les autres nations bossent bien aussi. Et d’ailleurs, ils sont champions du monde. Donc, il n'y a pas de hasard.
Personnellement, après ce match, avez-vous également tiré des leçons? On pense notamment à la façon de tirer les transformations après le contre de Kolbe...
Non. Mais je me demande toujours comment il a réussi à faire ça, on va dire très honnêtement. Parce qu'en plus, en revisionnant le match l'autre jour, je me suis rendu compte qu'il monte également sur ma première transformation en coin, qui est exactement placée au même endroit. Et c’est impossible qu'il me contre. Donc, vraiment, la deuxième, il monte et pourtant, moi, j'ai exactement la même routine. Donc, non, ça ne m'a pas fait évoluer dans ma routine, si ce n'est de reculer peut-être un peu plus et ne pas me coller à la ligne des 22. Mais on sent que ça donne des idées à d’autres. J'ai vu un joueur qui s'est fait contrer la dernière fois, en top 14, je crois. C'est des matchs de haut niveau qui se jouent sur des détails. Et malheureusement, sur ce match-là, on a eu une réorganisation de fond de terrain sur des ballons de turnovers imprécises et deux, on n’a pas été assez réactifs. Eux, ils se sont nourrit de deux, trois ballons pour pouvoir nous faire mal. Et nous, alors, en début de match, on est tueur, il n'y a pas de problème. Mais après, on a eu des temps forts où on ne marque pas et c'est ceux-là qui nous font mal. Parce qu'eux, à chaque temps fort, ils ont marqué. Et en deuxième mi-temps, c'est vrai que le match était un peu plus haché, avec moins d'occasion. Mais même en début de deuxième mi-temps, on arrive à avoir du Momentum, à aller dans leur camp et à provoquer les choses, sans grande réussite, parce qu'on a perdu soit les ballons par des en avant ou par des ballons grattés. Et malheureusement, ça nous stoppe dans notre avancée.
On peut parler de cicatrice pour vous?
Franchement, personnellement, je n'ai pas de problème. Autant ça me faisait, entre guillemets, un peu vulgairement chier d'en parler la saison dernière. Autant là, déjà, on a eu la chance de gagner l'année dernière avec notre club. Donc, la chance de basculer sur quelque chose d'énorme encore une fois et de gagner deux titres. Tu penses forcément aussi aux objectifs du club quand tu rentres d'un événement comme celui-ci. Et puis, il y a l'été qui est passé. On se rend compte aussi qu'il y a des choses bien plus graves dans la vie. Donc bien évidemment que l'instant et le match est passé, digéré, et tout ce qu'on veut.
"Ce qu’il manque, c’est de gagner des Tournois des VI nations"
Mais n’est-ce pas dur, après une Coupe du monde à domicile, de repartir pour un nouveau cheminement de quatre ans vers celle en Australie?
Non. Personnellement, là, je prends entre guillemets année après année. Un, parce qu'on avait tellement parlé de cette Coupe du Monde en 2023, certainement parce qu'elle était en France, mais en fait, on a fait un focus dessus très tôt après la Coupe du Monde de 2019. Que ce soit les joueurs, le staff ou tout le monde. Je pense que c'est aussi peut-être bien de penser année par année, de se fixer des objectifs saison après saison. Et puis si on est bon, on ira en Australie, si on n'est pas bon, d'autres iront à notre place. Mais en tout cas, je pense aussi que pour arriver en confiance dans une Coupe du Monde, c'est bien de faire des saisons, si ce n’est complètes, mais aussi riches en résultats en équipe de France. Et aujourd'hui, c'est peut-être ce qu'il nous manque. De gagner des titres. Parce que des titres, il n'y en a qu'un à gagner durant une saison en équipe de France, c'est le Tournoi. Et aujourd'hui, sur les cinq dernières années, on en a gagné qu’un. Donc c'est peut-être ce qu'il nous manque aussi pour franchir un cap.
C’est indispensable pour espérer être champion du monde?
Evidemment que gagner trois matchs sur la tournée de novembre, c'est bien, c'est important. On est en France et il faut gagner les matchs. Ça c'est une évidence. Par contre, oui, c'est sûr qu'aujourd'hui, ce qu'il manque à ce groupe France et à la génération qu'on est depuis quelques années maintenant, c'est de gagner des Tournois des VI Nations. Lorsqu'on s'engage dans une compétition comme celle-ci, on est tous d'accord pour dire qu'on s'engage pour la gagner. Mais il y a aussi cinq autres nations qui s'engagent pour faire le mieux possible. On voit que le niveau se resserre aussi d'année en année. Il n'y a plus de petites équipes ou vraiment d'équipes qui dominent. Les Anglais reviennent fort, on a vu l'année dernière notre résultat face à l'Italie. Lors du dernier Tournoi, on l'a eu quand même assez dur. Donc voilà, il faut se maintenir au meilleur des niveaux pour pouvoir rivaliser avec ces équipes-là. Et surtout, essayer de gagner tous les matchs pour aller chercher un nouveau tournoi.
Devez-vous quelques part prendre exemple sur les Springboks, qui sont double-champions du monde et qui n’ont pas l’air de s’en satisfaire?
Je ne sais pas comment ils fonctionnent. Mais c'est sûr que, rugbystiquement, ce ne sont pas les meilleurs joueurs. Par contre, ils y mettent un cœur et une envie folle. Et ça, c'est certainement une des choses qu'on doit aussi apprendre d'eux. C'est que, que ce soit du un au quinze, dans le combat, ils sont exceptionnels. Ils sont prêts à laisser une épaule ou un genou sur le terrain. Donc sur ça, c'est sûr que c'est une nation qui n'a pas peur de s'engager. Et je pense que nous, au niveau rugby, on est peut-être certainement très à l'aise. Mais parfois, on manque de rigueur dans des zones où on perd des ballons peut-être trop facilement. Donc voilà, c'est peut-être sur ces points-là qu'il faut qu'on apprenne d'eux. Tout en gardant notre instinct naturel de français et de joueur de rugby.
Restez-vous favoris pour le titre mondial?
Les années qui arrivent vont nous le dire. C'est ce que je te disais tout à l'heure. Si on arrive à gagner des compétitions sur les trois Tournois qui restent avant la Coupe du Monde, peut-être qu'on arrivera avec un statut de favori. Si on ne gagne pas de Tournoi sur les trois années qui arrivent, à mon avis, ce sera difficile d'être parmi les favoris de cette Coupe du Monde.
"Mon objectif a toujours été d'essayer d'être titulaire à l’arrière en équipe de France"
Le rassemblement à Marcoussis est prévu ce week-end. En l'absence de Romain Ntamack, votre nom revient pour évoluer à l’ouverture. Est-ce que ça vous fait réfléchir?
Ça me fait réfléchir, non. Personnellement, non. Un, je n'y suis pas encore. Deux, j'ai un dernier match à jouer avec le Stade Toulousain (face à Toulon avant d'être potentiellement à Marcoussis. Donc non, pour le moment, je ne me projette pas du tout sur ce qui va arriver. Je suis concentré sur mon dernier match avec le Stade. Et après, on verra ce qu'il en est. Aujourd'hui, ce que je sais, c'est que mon poste est numéro 15, que je prends beaucoup de plaisir à ce poste-là. Et que mon objectif a toujours été d'essayer d'être titulaire à l’arrière en équipe de France.
On aimerait s'installer à ce poste?
Oui, bien sûr. C'est un poste où il y a eu pas mal de changements sur les cinq dernières années. Avec peut-être quatre ou cinq joueurs qui y sont passés. J'ai la chance depuis l'année avant la Coupe du Monde de pouvoir être titulaire à ce poste-là. Donc bien évidemment que j'ai envie de continuer à y être.
C'est difficile de placer le curseur entre l'envie personnelle et les besoins de l'équipe?
Oui, c'est exactement ce qui s'est passé au Tournoi des VI Nations. Romain (Ntamack) était blessé, Matthieu (Jalibert) s'est blessé ensuite, donc Fabien (Galthié) et Patrick (Arlettaz) m'ont juste demandé si pour le besoin de l'équipe à ce moment-là, je me sentais de jouer dix. Et de dépanner à ce poste-là. C'est pour ça qu'on m'a vu à l’ouverture sur les deux derniers matchs du Tournoi. Parce que je leur avais dit que je me le sentais. Mais comme je le répète, si Matthieu ne se blesse pas, il aurait terminé le tournoi à l'ouverture et moi à l'arrière. Donc c'était comme le mot le dit, un dépannage.
"D'être amené à jouer dix m'a aussi apporté de la confiance dans le fait de vouloir donner un peu plus mon avis et participer un peu plus aux échanges. Après, quand il faut dire quelque chose, je sais que je suis capable de le dire. Quand il faut rester à sa place, je sais aussi rester à ma place"
Le problème c'est que vous gagnez ces deux matchs à ce poste-là...
Après, sur la fin du Tournoi, on a eu un meilleur état d'esprit au niveau collectif. L'envie de vouloir faire mal à l'adversaire qu'on n'avait pas eu en début de compétition. Certainement aussi, il faut le dire, un paquet d'avants plus conquérant. Donc quand tu joues à la charnière avec des avants qui avancent ou une équipe qui avance, c'est toujours plus simple que de jouer avec une équipe qui recule. Et ça, je pense que toutes les charnières pourront le dire. Mais je ne suis pas parti de ces deux matchs-là en me disant que j'avais envie de m'installer au poste de numéro dix en équipe de France, loin de là. Mais la seule chose que je peux dire vraiment, c'est que dans ma tête je suis numéro quinze. Et on le voit même ici à Toulouse, je joue bien plus souvent en quinze qu'à l'ouverture. Ça m'arrive de jouer à l'ouverture lorsqu'il manque les habitués du poste.
Peut-on affirmer que vous êtes devenu un cadre chez les Bleus?
Je ne sais pas. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que je me sens forcément un peu plus à l'aise. Et c'est toujours plus simple de prendre la parole lorsque tu es titulaire. Quand tu es remplaçant, ou quand tu es 24e, ou quand tu es moins intégré dans le groupe, c'est forcément plus dur de prendre la parole. Là, notamment sur le dernier Tournoi, d'être amené à jouer dix m'a aussi apporté de la confiance dans le fait de vouloir donner un peu plus mon avis et participer un peu plus aux échanges. Après, quand il faut dire quelque chose, je sais que je suis capable de le dire. Quand il faut rester à sa place, je sais aussi rester à ma place. Je pense qu'aujourd'hui, quand tu es international, pour beaucoup, ce sont des joueurs qui sont "cadres" ou "leaders" dans leur club. Donc forcément, beaucoup de joueurs peuvent se retrouver "cadres" ou "leaders" dans un groupe France. Après, peut-être que je suis devenu un peu plus leader de jeu, c'est peut-être une évidence en enchaînant les matchs et en ayant des responsabilités. Mais après, je sais aussi quels rôles ont les capitaines potentiels dans l'équipe. Donc, il faut savoir aussi rester derrière ces joueurs-là, ceux qui sont installés depuis bien plus longtemps que moi. Je pense que je sais à quel moment je peux prendre la parole et à quel moment il faut la laisser aux autres.