"Une vie arrêtée": un adolescent tombé dans le trafic de drogues raconte son calvaire

Devant la cour d’assises à Aix-en-Provence, un adolescent, tombé dans le trafic de drogue, livre le récit d'un calvaire et "d'une vie qui s'est arrêtée" (Franck Fife)
Devant la cour d’assises à Aix-en-Provence, un adolescent, tombé dans le trafic de drogue, livre le récit d'un calvaire et "d'une vie qui s'est arrêtée" (Franck Fife)

Torturé, brûlé avec des cigarettes et un chalumeau, un adolescent tombé dans l'enfer du trafic de drogue à Marseille est apparu tétanisé devant la cour d’assises, à Aix-en-Provence, à laquelle il a livré lundi le récit d'un calvaire et "d'une vie qui s'est arrêtée".

"J’essaie de plus trop y penser mais j’y arrive pas trop", a lâché Mathieu (prénom modifié pour préserver celui qui était seulement âgé de 16 ans au moment des faits).

En août 2019, des acteurs du réseau de revente de stupéfiants de la cité Félix-Pyat à Marseille lui avaient infligé des sévices au seul motif que l’adolescent était venu vendre en "freelance", sans autorisation, quelques grammes de cocaïne et de cannabis qu’il avait dissimulés lors d’une interpellation quelques jours plus tôt sur un autre point de vente.

Le jeune garçon, qui a passé sa vie en foyers et en familles d’accueil, a confié avoir "un peu" peur, ne serait-ce que de regarder les quatre accusés jugés pour enlèvement et séquestration accompagnée de tortures et d’actes de barbarie.

Dans une veste bleue de survêtement, sa longue silhouette animée de gestes incontrôlés, Mathieu avait fait deux apparitions dans la salle d’audience depuis l’ouverture du procès mais sans pouvoir y rester. "J’y arrive pas, j’étais bloqué", a-t-il confié à la présidente Nourith Reliquet, "navrée de [lui] faire revivre tout cela".

Dans son récit fait de très courtes phrases, Mathieu fait le distinguo entre "les coups, normaux" donnés par un groupe d’une quinzaine d’agresseurs avec leurs poings et une barre de fer et les tortures subies dans la nuit du 12 au 13 août 2019.

Fouillé, questionné sous le regard d’une dizaine de spectateurs, soupçonné de travailler pour un réseau adverse, l’adolescent a réitéré devant la cour les reconnaissances de certains de ses agresseurs faites durant l’instruction.

"Pourquoi êtes-vous formel?", lui demande la présidente. "Je les ai vus assez longtemps", rétorque-t-il, détaillant le rôle des accusés, ceux des "coups normaux". L’un d’eux qui a reconnu quelques coups s’excusera à la fin de la déposition de la victime.

Parmi ces quatre hommes âgés de 22 ans à 30 ans, l’un d’eux est pointé par Mathieu comme l'un des deux tortionnaires qui l’ont brûlé au chalumeau alors qu’il avait les yeux bandés et qu’un torchon lui avait été fourré dans la bouche pour étouffer ses cris.

Interrogé par son avocat Me Xavier Torré sur les conséquences de son calvaire, Mathieu a décrit "une vie qui s’est arrêtée". "Je fais rien de spécial, je sors peu, je réagis bizarrement, je fais des trucs pas sensés". Le verdict est attendu vendredi.

ll/iw/or