Tour de France (10 étape): "Il manquait la cerise sur le gâteau", le public frustré par l'absence d'Alaphilippe, l'enfant du pays
Le peloton avait visiblement besoin d’un peu de rab de repos. Encore groggy au sortir d'une première semaine délicieuse, épicée par les trois victoires françaises et les prémices d’une féroce bataille à trois têtes pour le maillot jaune entre Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard et Remco Evenepoel, le Tour de France a repris en douceur. Pas question de forcer à la veille de retrouver la montagne.
Ce mardi, la 10e étape tracée entre Orléans et Saint-Amand-Montrond, à travers la Sologne, s’est donc résumée à une longue sieste de plus de quatre heures. Un temps espéré pour booster le spectacle et piéger les étourdis dans un jeu de bordures, le vent a décliné l’invitation, et il a fallu attendre le sprint pour sortir (légèrement) le téléspectateur de sa torpeur avec un succès sans trop de surprise du revanchard Jasper Philipsen.
"Le Tour sans Julian, ce n'est pas pareil"
De quoi laisser sur sa faim un public berrichon déjà frustré par l’absence de l’enfant du pays: Julian Alaphilippe. Né à Saint-Amand-Montrond il y a plus de 32 ans, le double champion du monde, qui a ensuite grandi à une heure de route, du côté de Montluçon, était espéré dans cette cité de 9.000 âmes. Mais il a préféré faire l’impasse cette année sur la Grande Boucle, axant son programme autour du Giro et des Jeux olympiques de Paris, malgré le forcing de Remco Evenepoel pour l’avoir à ses côtés. Tout au long de la journée, des pancartes "Allez Julian" ont tout de même fleuri au bord des routes et des innombrables ronds-points du Loiret, du Loir-et-Cher, de l’Indre et du Cher.
"Accueillir le Tour, c’est magnifique. Mais accueillir le Tour sans Julian, ce n'est pas pareil. Il manquait la cerise sur le gâteau. Sa victoire sur le Giro était géniale et on est convaincus qu’il va réussir quelque chose de grand aux JO, mais ça reste dommage de ne pas le voir ici", regrette Luc, 43 ans, résident de Saint-Amand-Montrond présent sur la ligne d’arrivée avec ses deux enfants habillés de la tête aux pieds aux couleurs de Soudal-Quick Step. Même déception chez Maryline, 37 ans, et sa fille Amélie, 14 ans, venues de la Nièvre en camping-car: "On aime tout chez Julian. Sa simplicité, son état d’esprit, sa combativité… C’est l’un des rares gars qui court à l’instinct sans calcul. Il ne regarde jamais son capteur de puissance, c’est du vélo à l’ancienne. Il manque un petit quelque chose au Tour de France quand il n’est pas là." Benoît, 38 ans et "fan absolu" d’Alaphilippe, a lui-même hésité à venir.
"Une déception de plus"
Il n’habite pourtant qu’à "deux kilomètres à vol d’oiseau" du final de l’étape, et son patron lui a offert son après-midi, mais le forfait du chouchou local a eu du mal à passer. "Je suis dégoûté. Il aurait dû changer d’équipe et débarquer sur le Tour avec l’envie de tout casser. Son histoire avec Patrick Lefevere est en train de mal finir. Et qu’il ne soit pas là sur le Tour, alors qu’il passe sur ses terres, c’est une déception de plus", lâche-t-il, amer. Ses amis retiennent davantage "les supers résultats des Français depuis le départ qui font quasiment oublier Julian". "Romain (Bardet) en jaune pour son dernier Tour, c’était complètement dingue. Vauquelin et Turgis ont également assuré. Et je vois bien le petit Paul Lapeira en claquer une cette semaine. Oui, ça fait toujours bizarre un Tour sans Julian, mais d’autres sont là pour prendre la relève", relativise Romain, 33 ans, dans son vieux maillot rose de la T-Mobile.
Installé dans sa chaise pliante, un bob "Cochonou" vissé sur la tête, Robert est sur le même registre. "Après le Tour d’Italie, il se serait cramé en venant ici. Il vaut mieux qu’il récupère en vue des Jeux. Et puis de toute façon, il n’aurait rien pu faire sur cette étape. Pas d’inquiétude, il aura bien d’autres occasions de nous faire rêver", sourit le jeune retraité. Claude, "pur berrichon" qui vient de fêter son 75e anniversaire, est lui catégorique: "Julian nous manque. C’est notre idole. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais il méritait d’être là. Maintenant, il faut qu'il aille chercher l'or aux JO, et qu'il revienne sur le Tour l'an prochain pour finir sur le podium." Voilà Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard prévenus.