Tirage au sort en live, remontada, exploit: le scénario fou de la victoire de l'équipe de France de judo en finale des JO 2024

Au pays de l'invention du cinéma, Alfred Hitchcock s'en est mêlé. Il n'y a qu'un maître du suspense qui aurait pu inventer un scénario pareil, ce samedi 3 août 2024, dans une Arena-Champ de Mars totalement folle, pour un accomplissement total: l'or olympique par équipe pour l'équipe de France de judo. L'affaire était pourtant très mal embarquée face au Japon, dans une affiche rêvée.

Maxime-Gaël Ngayap Hambou a ouvert le bal pour les Bleus.. et perdu au golden score face Murao. Le golden score qui va devenir un petit leitmotiv de cette ultime épreuve d'ailleurs. Après la défaite de Romane Dicko en deuxième combat, face à Takayama chez les +70kg, Teddy Riner a remis les Bleus dans le coup... mais la défaite Sarah-Léonie Cysique a perdu Natsumi Tsunoda, donnant une double balle de match aux Japonais.

Vint alors le premier grand moment de cette finale entre deux équipes qui se connaissent parfaitement: Joan-Benjamin Gaba, lui la médaille d'argent surprise en -73 kg, avait face à lui l'immense défi d'affronter une légende, Abe, ce qui se fait de mieux dans le judo.

"Arrive Abe, la star du judo, invaincu, double champion olympique. On se dit que Joan ne peut pas battre Abe, c'est quand même un dieu du judo, magnifique, splendide", raconte Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo. "On a beaucoup de respect pour tous les champions. Ça se joue sur ce combat. On sait que s'ils nous battent, 100 millions de Japonais vont se régaler, 60 millions de Français vont pleurer. Ils font un combat incroyable. Joan ce héros, il fait un combat incroyable. Il défie un titan et il y a un an, il n'était même pas champion de France. Il fait son combat, ça va à la baston, il manque plusieurs fois de chuter, il provoque Abe, ça continue, golden score, ça y va. Et là Gaba te met un stop sur Abe, c'est fou qu'il aille le chercher. C'est dans ces moments que tu écris des histoires incroyables. Aujourd'hui, il a écrit son histoire. C'est quelqu'un qui est dur au mal, qui a envie. Aujourd'hui il a été porté par le public, qui était fou, qui scandait son nom. Il le dit lui-même, 'je ne peux pas perdre ici, à Paris, avec ce public, je suis chez moi!'."

Chez lui oui, devant un public dont la ferveur n'a jamais faibli. 3-2 pour les Bleus, toujours sous la menace avec cette nouvelle balle de match pour le Japon. Entre alors en piste Clarisse Agbégnénou, si déçue par sa médaille de bronze individuelle, elle qui ne visait que l'or. "Clarisse fait un combat... c'est la finale des championnats du monde hein, une cliente en face", poursuit Nomis. "Mais en grande championne, elle ne rate pas les événements. Elle en a raté un en individuel, elle a été recherché sa médaille. Là... il faut se rendre compte d'où elle vient! Enceinte, son bébé, elle allaite, il faut se rendre compte de ce qu'elle a fait, c'est juste incroyable! Pour toutes les femmes qui regardent, c'est fou! Même pour nous, c'est fou qu'elle en soit à ce niveau! Elle gagne ce combat, elle nous remet à égalité, on était en transe!"

L'incroyable tirage au sort

3-3 et dans ces cas là, tout se joue au golden score. Qui pour le faire? C'est un tirage au sort qui décide. Sur l'écran de l'Arena-Champ de Mars, une sorte de roue apparaît, avec toutes les catégories. Tout le monde voulait que Teddy Riner vienne conclure. Le verdict tombe: catégorie +90 kg... et donc Teddy Riner! "Je n'ai pas fait le tirage au sort. Mais même si je l'avais fait, je n'aurais pas pu faire mieux!", résume le président de la Fédération française de judo, qui en dit plus sur ce tirage miraculeux: "Ils appuient sur un bouton, ça a été fait par la Fédération internationale, contrôlé par le CIO pour qu'il n'y ait pas de triche. Et ça défile toutes les catégories. Comme la roulette. Et la roulette tombe sur Teddy. Franchement ils doivent être verts! Ce n'est vraiment pas de chance!"

Pas de chance en effet. Mais la tâche fut difficile. Plus de six minutes de combat entre deux hommes épuisé, des pénalités contestable... puis la délivrance! Ippon sur un dernier mouvement magistral de celui qui a conquis sa troisième médaille d'or individuelle la veille. Légendaire.

"On ne voulait qu'une chose: qu'il prenne son temps. Parce que Saito, on savait qu'il allait décliner. C'était la tactique", assure Nomis. "Mais c'est Saito qui a fait les premières attaques dangereuses, il ne faut pas se relâcher parce qu'il sait faire du judo, on l'a vu pendant toute la compétition. Imagine si Teddy perd ici, contre les Japonais, sur le moment décisif de la finale? C'est une autre histoire... Ce n'était pas possible, ce n'était pas écrit! Que lui gagne, que notre grand champion, notre star, notre capitaine nous apporte le point... on a fini sur nos deux capitaines, c'est magique. Et avec la manière! On n'a rien compris à l'arbitrage mais il a marqué ippon, il est allé chercher le point. Et il a gagné sur le point, c'est le judo! Il a écrit quelque chose avec un scénario incroyable." Fou, génial, intense, merveilleux. On n'a plus de superlatifs en stock.

Article original publié sur RMC Sport