Stade rennais: la révolution de l’effectif par Massara à l’épreuve du feu

"Je pense à coup sûr qu’on n’a jamais vécu un mercato comme ça." Dans les bureaux du club breton, c’est peu de dire que l’été a été sportif. "11 arrivées et 16 départs à gérer. C’est costaud !", rembobine-t-on. Les ventes de joueurs ont été gérées entièrement par le président Olivier Cloarec avec une réussite certaine – 130 millions d’euros estimés dont Désiré Doué vendu 50 millions d’euros plus bonus facilement atteignable au PSG, qui devrait devenir à moyen terme la plus grosse vente de l’histoire du club, dépassant celle de Doku à Manchester City (60 millions).

Dans le sens des arrivées, Frederic Massara lui aussi a charbonné et façonné à sa main le nouveau Stade rennais. "Il est arrivé en plein mois de juin avec un chantier colossal. On savait qu’il fallait faire un renouvellement important mais dans ces proportions honnêtement non! C’était une grosse charge de travail hyper lourde", que Massara a mené dans le sérieux et la discrétion, fidèle au portrait qu’on dresse de lui. "Très grand travailleur", "grand professionnel", "grand connaisseur", "rigoureux" sont les qualificatifs revenant le plus souvent quand on évoque l’homme de 55 ans, né à Turin d’un père italien et d’une mère française, expliquant sa maitrise parfaite de la langue.

"Il n’est pas forcément charismatique et préfère l’ombre à la lumière médiatique", dit-on aussi de lui, mais ses compétences sont reconnues de tous, ses états de service plaidant pour lui en tant que directeur sportif à Palerme, la Roma ou au Milan AC.

"Il a laissé une très bonne image en Italie", abonde Johann Crochet, le spécialiste Serie A de RMC Sport. "Un acharné de travail qui ne compte pas ses heures, qui maitrise parfaitement les codes du métier, un adepte du scouting aussi qui préfère développer des joueurs prometteurs des championnats moins regardés que d’aller chercher des stars. C’est ce qu’il a fait à Palerme ou Rome notamment."

Carte blanche et aucun frein financier sur ce mercato

Choix impulsé par François-Henri Pinault pour prendre la suite de Florian Maurice après quatre ans de mandat, Frederic Massara est un profil inédit pour le Stade rennais, le premier étranger à prendre les rênes du sportif. Il arrive avec une expérience des grands clubs et un carnet d’adresse différent qui s’est vu de manière claire cet été. "Je regarde la Ligue 1 en priorité", avait-il assuré début juillet lors de sa présentation officielle. Finalement, toutes les recrues viennent de l’étranger, avec un mélange de joueurs plus ou moins établis (Ostigard, Hateboer, Kamara), de jeunes talents attendus (Gronbaek, James, Ahamada, Faye), de joueurs à la relance (Jota) mais aussi d’illustres inconnus (Andres Gomez, Meister) amenant légitimement des questionnements, voire des doutes.

"Les recrutements des années précédentes étaient sans doute sur le papier plus rassurants", reconnait-on autour du club. Mais ce choix de s’écarter de la Ligue 1 serait plus subi que volontaire. Le Stade rennais a tenté de recruter des joueurs français et étrangers de Ligue 1 assure-t-on, mais la crise des droits TV notamment a souvent rendu les prix demandés démesurés. Reste aussi que les choix made in France de la saison dernière avec Le Fée et Blas en tête d’affiche n’ont pas été suivis des faits. Cette année, sous l’impulsion de Massara, il y a une prise de risques peut-être, mais aussi la volonté d’amener une autre mentalité et de bouger le vestiaire.

Pas de pression ni de sujet autour de Stephan

Sur ce mercato, le Stade rennais aura investi près de 80 millions d’euros, faisant de lui le 4e club le plus dépensier de Ligue 1 derrière le PSG, Lyon et Marseille. Massara a eu "carte blanche et aucun frein financier", insiste-t-on pour remodeler l’effectif comme il le souhaitait, en accord total sur les profils de joueurs avec son entraîneur Julien Stephan. "On ne se connaît que depuis trois mois, mais on a passé tellement de temps ensemble pendant ce mercato que j’ai l’impression de le connaître depuis trois ans", déclarait Stephan la semaine dernière en conférence de presse.

"C’est quelqu’un de très avenant et de collectif avec qui on échange et partage beaucoup. On a beaucoup discuté sur beaucoup de sujets. C’était très intéressant et enrichissant pour moi qu’il puisse me faire partager toute son expérience et ce qu’il a vécu dans d’autres contextes, d’autres championnats et d’autres clubs". La relation entre les deux hommes est décrite comme constructive et fluide. Si l’arrivée d’un nouveau directeur sportif va souvent de paire avec un nouvel entraineur, Massara n’a pas eu le choix puisque Stephan avait été prolongé jusqu’en 2026 en mars dernier.

La question de l’avenir de Stephan n’aurait de toute façon jamais été un sujet lors des discussions avec la famille Pinault et le Franco-italien. Et si l’entraineur rennais s’est plaint à plusieurs reprises depuis le début de saison des critiques trop sévères le concernant et du manque de patience qu’il ressentait autour de lui et de l’équipe, en interne au sein du club breton il n’y a pas de sujet. Frederic Massara a d’ailleurs assuré Stephan de son soutien sans faille dans un entretien à Ouest France et L’Équipe. "L’entraîneur et son staff ont travaillé dans des conditions particulières. Ce n’est pas habituel. Chaque année, des changements, il y en a. Mais quand on change cinq joueurs, on considère déjà que c’est une révolution. Alors, quand on bouleverse la moitié de l’effectif, imaginez-vous. C’est le foot, après deux matchs difficiles, on tombe sur tout le monde. Mais tombez sur moi, c’est moi d’abord" a-t-il déclaré.

Ce que Julien Stephan a apprécié. "Je le remercie de le reconnaître publiquement car c’est la vérité. Tout le monde ne l’aurait pas fait et ça ressemble bien à l’homme, au professionnel qu’il est, c'est-à-dire très intègre et sincère".

Malgré les discours, les résultats resteront évidemment le juge de paix. Avec deux victoires à domicile et deux défaites à l’extérieur en quatre matchs, le bilan des Rennais est mitigé pour le moment. Si Massara, comme Stephan, appelle à la patience, les progrès de l’équipe seront évidemment scrutés dès ce samedi soir face à Lens après avoir battu facilement un faible Montpellier 3-0 le week-end dernier. Dans un nouveau système, le 3-4-3, où seulement deux recrues estivales étaient titulaires au coup d’envoi. La révolution rennaise doit maintenant aussi se voir sur le terrain.

Article original publié sur RMC Sport