Spécial vins - Côtes-du-Rhône : les héroïques de saint-joseph
Les visionnaires passent toujours pour des dingues, voire des dingues dangereux. Saint-joseph n'a pas échappé à la règle. L'appellation s'est créée en 1956 – l'année du grand gel, de Romy Schneider en Sissi impératrice et des chars soviétiques en Hongrie. Ici, c'était plutôt peinard. Depuis le phylloxéra et la guerre de 14, qui avait supprimé pas mal de bras et les corps qui vont avec, on cultivait la vigne dans les creux de vallée et sur les plateaux. On vendait des petits vins de comptoir, « vite bus, vite pissés », comme le veut le dicton, dans les bistrots lyonnais. La vie aurait pu en rester là.
Mais, à la fin des années 1980, quand le vin d'AOC et de qualité faisait une remontada face au litre étoilé, quelques visionnaires ont pensé que les temps, « they are changing », et que, si on ne voulait pas disparaître dans les oubliettes du rouge sans âme, il fallait opérer une véritable révolution, quitte à se faire pas mal d'inimitiés.
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En 1991, par vote au sein du syndicat d'appellation, il fut décidé de reconquérir les coteaux abrupts – là où autrefois se récoltaient les grands raisins de syrah qui font les superbes rouges du Rhône Nord – et d'arracher ou de transformer en vin de France ou de pays les vignes des zones plates. Attention aux dégâts économiques et humains ! L'appellation passait de 6 800 à 3 400 hectares. Et on avait tout juste vingt ans pour réaliser ce grand déplac [...] Lire la suite