Silence de cathédrale, supplice de la photo officielle... Dans les coulisses de l'incroyable défaite de l'OL face à l'OM
Un OL-OM sème très souvent les germes de la suite de la saison: ce fut vrai dans les heures "d’après" le 4 février dernier où l’OL, vainqueur à l’arrachée (1-0) dans une période délicate, avait enclenché une série de 13 matches dont 10 victoires. Le début d'une remontée fantastique conclue en mai à une belle 6e place synonyme d'Europe.
Qu'en sera-t-il de l'incroyable débâcle de l'OL ce dimanche face au rival marseillais (2-3), pourtant réduit à 10 dès la 5e minute? Les attitudes lyonnaises des jours et semaines qui viennent vont être particulièrement observées pour comprendre de quel bois cette saison 2024-2025 sera faite.
Des joueurs marqués et abasourdis
Le directeur global du football d’Eagle Football Michael Gerlinger qui sort des vestiaires la tête basse, juste derrière Matthieu Louis-Jean, le directeur du recrutement, qui le suit avec un regard dans le vide. Le furtif passage de deux dirigeants de l’OL devant la zone mixte où s’installent les journalistes en dit long sur l’atmosphère de cet après-match.
C’est tout un club qui est marqué par un scénario aussi cruel en ce dimanche 22 septembre 2024 qu’il avait été heureux à de nombreuses reprises au cours du "miracle" du premier semestre. Dans le vestiaire, les joueurs rivalisent de visages tristes et abattus, quand l’entraîneur Pierre Sage prend, lui, la parole pour remobiliser tout le monde. Mais a-t-il été entendu, tant dans les têtes repassent en boucle ces secondes marquantes, à 11 contre 10 qui plus est?
"C’est forcément inaudible", imagine un proche du staff.
Aucun joueur n’a ainsi pris la parole dans le silence de cathédrale du vestiaire. Logiquement, la nuit ne sera pas totalement réparatrice. "Tu imagines bien comment se déroule une nuit d’après défaite, alors celle-là", se contente de répondre un joueur. Heureusement, la séance de reprise est programmée en fin d’après-midi, juste après la photo officielle où il faudra prendre la pose en souriant dans le théâtre même – les tribunes et les coursives du Groupama Stadium – où le match a déroulé, il y a moins de 24 heures, son plus mauvais épilogue.
Défait dans le temps additionnel après avoir mené à 11 contre 10, produit 22 tirs et obtenu (et manqué) un pénalty, face à un adversaire qui d’ordinaire repart bredouille du Rhône (un seul succès en 18 matches depuis 2007 jusqu’à celui de ce dimanche soir), l'OL a la gueule de bois en ce lundi matin.
La sortie de Rayan Cherki
Sitôt le match terminé, Rayan Cherki tient des mots forts. "C’est une honte", lance-t-il. "Ils sont à dix depuis la 5e minute. Ça fait des années et des années qu’ici on mène et on ne fait que reculer. Tout le temps. Encore. Le match passe, on a 3500 occasions, mais malgré ça, on ne fait que reculer. Il va falloir, quand on mène, enterrer les équipes qui viennent jouer ici".
Il "fait du Rayan", commentent en chœur des habitués du groupe avec deux courants de pensée. Le premier n’en goûte guère l’acidité: "c’est incompréhensible de se dédouaner ainsi. Personne ne peut comprendre sa réaction. C’est 'moi, moi, moi'. Avec cette sortie, il se dédouane. C’est cata’". Le deuxième, plus à froid, en souligne l’aspect "sain": "il dit ce qu’il pense et tout le monde devrait avoir cela en tête pour se rebeller".
Jordan Veretout passe quelques minutes (de réflexion) plus tard et affine son sentiment, plus collectif. "Déçu, frustré, énervé, parce que voilà, tu n’as pas le droit de perdre ce match. Quand tu joues à 11 contre 10 tout le long du match, et que tu as la chance de mener au score, il faut savoir tuer le match. C’est dur parce qu’en deuxième mi-temps, ils viennent trois fois dans notre camp et ils marquent trois buts. Donc c’est une erreur professionnelle ce soir."
En conférence de presse, Pierre Sage remet les choses en place. "Je n'ai pas vraiment de sentiment de honte. Je pense que c'est un mot fort, mais on a de bonnes raisons de s'en vouloir, ça c'est sûr. À l'inverse, je n'ai pas de raison d'en vouloir aux joueurs, car ils ont livré un match correct avec la volonté de gagner. En fait, ce soir, je ne suis pas déçu d'avoir perdu, je suis déçu de ne pas avoir gagné. C'est plus ce sentiment qui m'a envahi, à titre personnel."
Ascenseur émotionnel inverse pour les supporteurs
Quelques sifflets dépités, râleurs sur les buts encaissés "comme des U15", pestant contre le manque de rythme donné par leurs joueurs malgré la supériorité numérique, surtout à partir du moment où l’OL mène, les 53.228 spectateurs ont quitté le stade sans démonstration d’énervement. Comme groggys ou détachés. Ou KO.
"J’ai pris en pleine tête le scénario qu’ont vécu les autres équipes tout au long de la 2e partie de la saison dernière", témoigne un supporteur ultra. Pas de renversement à la Brest (4-3 à la 90e+16), ou à la Lille (3-4 à la 90e+4) ou plus récemment, face à Strasbourg, le 30 août dernier (1-3 à la 61e et 4-3, 633 secondes plus tard).
Seul mouvement d’humeur indirect envers les dirigeants, une banderole déployée en seconde mi-temps par le Kop Virage Nord qui abrite les Bad Gones pour rendre hommage à un ancien des leurs, Anthony Lopes.
"Un Gone, ici depuis ses 8 ans, mérite un meilleur traitement. Force à toi Anthony, peut-on y lire.
Anthony Lopes, désormais n°4 dans la hiérarchie, n’a pas manqué de partager le cliché sur ses réseaux sociaux, tandis que son pote Baptiste Couilloud, demi de mêlée du Lou, en a fait de même en remettant une photo perso avec un maillot de Lopes parmi les fans. Lucas Perri, dont la fin de match interpelle, ne l’a peut-être pas vu au cours de la partie, mais ce soutien à son ex-concurrent ne passe pas inaperçu tant en interne qu’en externe, l’écho donné par les réseaux sociaux l’amplifiant.
La Ligue Europa comme thérapie
"Heureusement, il y a l’Europe qui revient..." Cette phrase lâchée par un membre du staff donne la clé et les ingrédients du rebond déjà attendu dès ce jeudi pour le retour de la Ligue Europa à Lyon, 30 mois après son dernier passage le 14 avril 2022 en quart de finale de l’épreuve (0-3 et une élimination sèche après une manche aller, plutôt réussie, 1-1).
"Une grande équipe ne perd jamais deux fois de suite", rappelle un historique du club paraphrasant Gérard Houllier, entraîneur entre 2005 et 2007.
Le résultat face aux Grecs, dès ce jeudi à 20h45 au Groupama Stadium, en dira beaucoup sur la capacité de réaction des leaders du groupe et donnera le ton de ce retour en Europe, que l’institution n’a jamais bradée. Ne pas changer ses habitudes à ce niveau-là serait de bon aloi face au 3e du championnat grec, lui aussi battu ce week-end (à l'Aris Salonique, 2-1) avant son voyage en France après un début de saison réussi. Au contraire de l’OL...