Saint-Etienne: du 8-0 contre Nice à Nantes, récit d’une semaine pas comme les autres pour les Verts

Il y a d’abord, l’immédiat "après", dans les vestiaires à l’Allianz Riviera à Nice. Tandis que les supporters ont déserté l’enceinte depuis la 37e minute, instant du 6e des huit buts des Azuréens, les joueurs de l’AS Saint-Etienne, à peine rassemblés dans le vestiaire au coup de sifflet final – aucun ne répondra aux sollicitations médiatiques, sur un choix assumé par la direction - reçoivent une triple vague de prise de paroles. Celle du coach, Olivier Dall’Oglio. Il évoque sa responsabilité qu’il détaille huit jours plus tard en conférence de presse: "J’ai été trop ambitieux dans ma composition d’équipe." Puis Loïc Perrin. Le directeur sportif insiste avec sa fibre stéphanoise en insistant sur la honte qui le parcourt, quand Huss Fahmy, vice-président de Kilmer Sports Ventures, nouveau propriétaire des Verts, évoque son incompréhension devant la copie vierge rendue, avec l’espoir que ce "méga" accident, le seul de la saison, va titiller leur orgueil de compétiteurs.

Ekwah : "Se noyer dans le travail et sur le terrain"

Il y a ensuite, "l’après" du lendemain. Si le décrassage de samedi matin était au programme initial, sa durée et son contenu ont varié dans la nuit. Après quelques tours de terrains traditionnels pour évacuer, par le "sportif", les fatigues musculaires, le staff décide de passer par la case "vidéo". Et pas pour un simple survol, avec un leitmotiv : après la noyade, se noyer encore. Mais autrement : "Il faut se noyer dans la vidéo, il faut se noyer dans le travail aussi sur le terrain, et c'est ce qu'on a fait, explique Pierre Ekwah, le milieu de terrain stéphanois. En regardant le match, chacun de son côté peut voir exactement ce qui n'a pas marché, si ce n'est pas tout. La vidéo va bien nous servir et nous a déjà bien servi pendant cette semaine. Quand on voit les images après être sorti du terrain, c'est directement la honte qui nous frappe. Avec un tel score, on ne peut pas sortir heureux. Celui qui sort heureux n'est pas un compétiteur, et ici, on est tous des compétiteurs. On sait ce qu'on représente, donc c'est sûr que nous, on avait honte, et les supporters aussi ont eu honte."

Deux réunions avec les supporters

De très longues minutes passées, à revoir ce qui n’est pas allé, le choix ne faisait aucun doute pour Olivier Dall’Oglio, l’entraîneur des Verts : "C'est difficile, mais nécessaire, dit-il. De toute façon, il faut affronter les choses de face, il ne faut pas les contourner. Bien sûr, en revoyant le match, nous le découpons donc nous le voyons plus que deux fois, mais ça nous permet vraiment de cibler les objectifs pour les joueurs, que ce soit le plus clair possible. Ce n'est pas de gaieté de cœur, mais c'est nécessaire, et on le fait à fond."

Il y a aussi, "l’après", une fois, les "événements" digérés en famille, avec un dimanche "off" : c’est l’après, les yeux dans les yeux avec les supporters, qui dans un premier temps ont tagué les murs d’enceinte du centre d’entraînement de l’Etrat dans la nuit avant de franchir, pacifiquement et en deux vagues, le portail d’entrée pour un dialogue avec les acteurs, en deux temps, le lundi soir puis le mardi midi, dans un endroit tenu secret au centre d’entraînement. Secret mais assez grand car, tous les joueurs ont fait face à tous les supporters qui le voulaient et le pouvaient, explique un proche du groupe. Si tout reste "entre eux et nous" (Pierre Ekwah), on peut en imaginer la teneur, vive, franche, mais correcte et respectueuse, suivant les échos des uns et des autres.

Dall’Olglio : "Tirer le maximum de bénéfices de ce moment difficile"

Avec cette promesse sur une adaptation d’un propos prêté à Confucius, "la plus grande gloire, n’est pas de ne jamais tomber mais de se relever à chaque fois" : "Il faut savoir, quand on tombe, se relever, lance Olivier Dall’Oglio. Si on tombe sept fois, on se relève huit fois. Je crois que c'est un proverbe, donc il me plaît bien celui-là. Nous, on est tombés huit fois, donc il faut qu'on se relève neuf fois. Psychologiquement, il faut avoir cette force mentale. On sait très bien qu'on aura une saison difficile, comme d'autres équipes, et qu'on sera confrontés à des moments difficiles. Là, on en a eu un très difficile, il faut en tirer le maximum de bénéfices. Je pense que ce n'est pas plus mal."

Car peut-être que les joueurs, forts d’un premier succès face à Lille avec le premier but marqué (et seul en 450 minutes jouées …) pour le retour en Ligue 1 se sont vus trop beaux. Question cash : ce résultat a-t-il aveuglé certains ? "Peut-être bien, oui", n’hésite pas à claquer, comme réponse, "ODO" tout aussi "cash." Il reprend : "Cela fait partie des discussions, en effet. Il faut une remise en question totale à chaque match. Peut-être que là, on est rentré en se disant, plus tranquille : "on est armé." La preuve que non. Il faut prendre cela en compte. Ils en ont pris conscience, j’espère qu’il faut mettre de l’agressivité, de la communication entre eux, du respect des consignes et cette volonté de gagner des duels, Sans cela, ce sera compliqué. Il faut suivre les courses adverses, même si les gars en face sont plus puissants. Nous sommes passés dans un niveau supérieur à tous les niveaux. Nous avons aussi nos armes, mentales et de ne rien lâcher."

"Pas la peine de "gueuler" dans tous les sens"

Il y a enfin, "l’après", à moyen et long terme, sur la base de la confiance dans le staff : "Oui, la question classique ! (rires)", coupe Olivier Dall’Oglio qui préfère sourire, fort du soutien des nouveaux dirigeants, en "présentiel" à l’Etrat cette semaine. Le calme de la préparation de la saison dans une saison d’apprentissage pour les nouveaux dirigeants nord-américains, venus aux côtés du milliardaire canadien, Larry Tanenbaum ne se dément pas : "Le calme extérieur ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’effervescence, cela bosse beaucoup à tous les niveaux, toute la journée, de façon très intense pour apporter aux joueurs un maximum de solutions. Cela ressemble à une ruche, mais ce n’est pas la peine de faire tomber la ruche et de "gueuler" dans tous les sens", image "ODO".

Un entraîneur qui ramène tout le monde à l’essentiel de la saison, en l’occurrence, la 15e place, celle du premier non-relégable : "Aujourd'hui, l'objectif est de se maintenir, rappelle Olivier Dall’Oglio. On sait très bien que ça va être compliqué. On voit bien qu’aujourd’hui, les équipes qui sont montées de Ligue 2 en Ligue 1 sont celles qui sont le plus en difficulté. En tant que staff, on a besoin de temps. On me donne le temps, donc moi je suis là, je suis présent. On travaille main dans la main avec les dirigeants, on se voit tous les jours, donc il n'y a aucun souci de ce côté-là." Et comptez sur lui : "On va trouver des solutions. En fait, c'est une mission à tenir jusqu'au bout, une mission qui est difficile au départ. L'équipe doit avancer, l'équipe va progresser, ça c'est sûr. Tout peut arriver. Moi, je n'ai pas de réponse à tout, mais je suis assez déterminé à mener cette mission au bout."

Une opération maintien qui débute ce dimanche après-midi à Nantes (17h), dans une affiche "vintage" : "Il faut jouer avec cette peur qui doit nous mettre le couteau entre les dents pour nourrir un petit stress qui nous permettra de répondre aux critiques", résume en guise de bande annonce d’une première rencontre de "l’après" qui en dira beaucoup aussi, sur les ressorts que possède ce groupe, qui doit avant tout montrer que même renouvelé et simple promu, les joueurs ont malgré tout le niveau de la Ligue 1.

Article original publié sur RMC Sport