Rennes: jeune défense à la peine, mercato sans effet, Genesio démuni… les raisons de la crise
L’état de grâce a duré une journée. Au cœur d’un été emballant sur le marché des transferts, Rennes a débuté la saison par un large succès face à Metz (5-1) le portant symboliquement en tête du championnat. Les Bretons étaient alors considérés comme de sérieux prétendants au podium après deux quatrièmes places qualificatives. Les choses ont bien changé depuis.
Après 12 journées, Rennes est 13e de Ligue 1 avec un point d’avance sur Lorient, barragiste, et deux sur Clermont, premier relégable. Engluée dans une série de cinq matchs consécutifs sans victoire (un nul, quatre défaites), l’équipe est à huit points de Lille, 4e et occupant de la dernière place qualificative pour la nouvelle formule de la Ligue des champions.
Erreurs invraisemblables, expulsions… la jeune défense craque
Aborder la saison avec une défense aussi jeune (21,5 ans de moyenne d’âge, Arthur Theate et Adrien Truffert, 23 ans, sont les plus âgés) et des ambitions aussi élevées était osé. Après plus d’un tiers de championnat, le pari est pour le moment perdant. La jeune arrière-garde enchaîne les erreurs invraisemblables: un doublé de boulettes pour Warmed Omari à Lorient (2-1), un penalty provoqué par Lorenz Assignon au Panathinaïkos (1-2), un dégagement manqué du même Assignon à Nice (2-0) couplé à un carton rouge d’Omari, une autre exclusion de Jeanuël Belocian face au Panathinaïkos (3-1) en Ligue Europa, puis celle de Guéla Doué face à Lyon (0-1) pour un geste insensé dès la 5e minute de jeu. Il y eut aussi ces manques d’engagement coupables face au Havre (2-2) et Strasbourg (1-1), sapant à chaque fois l’avantage de l’équipe.
Un mercato à la fois ambitieux… et risqué
Les difficultés rennaises peuvent s’expliquer par l’importante refonte de l’effectif cet été. Le club a beaucoup dépensé (60 millions d’euros) pour s’offrir des recrues séduisantes (Enzo Le Fée, Ludovic Blas), à fort potentiel (Fabian Rieder et Bertug Yildirim) ou confirmée (Nemanja Matic). Il a aussi rempli ses caisses avec les trois départs marquants de Jérémy Doku (60 millions à Manchester City), Lovro Majer (35 millions à Wolfsburg) et Lesley Ugochukwu (30 millions Chelsea). Plusieurs autres joueurs en fin de cycle sont partis (Tait, Meling, Traoré), contribuant à démanteler une bonne partie de l’ossature de la saison dernière.
Mais c‘est surtout l’inaction assumée de la cellule de recrutement en défense qui interroge. Les dirigeants n’ont volontairement pas compensé le départ de l’omniprésent capitaine Hamari Traoré (parti libre à la Real Sociedad) par une recrue expérimentée pour ne pas gêner la progression de Lorenz Assignon, nouveau titulaire. Ce dernier a bien débuté la saison avant de marquer le pas. La question se pose aussi en charnière où Omari ne rassure pas. Malgré le potentiel de ces jeunes formés au club, ces passages à vide coûtent cher à Rennes.
Un style de jeu illisible
Au-delà des résultats, Rennes est surtout méconnaissable dans le jeu après avoir proposé un football ultra offensif et emballant (3e meilleure attaque la saison dernière, 2e en 2021-22 avec 82 buts inscrits, record du club). Trop pour Bruno Genesio. L’entraîneur assume un plus grand pragmatisme pour limiter les déséquilibres qui ont coûté trop de défaites à son goût la saison dernière (12). Il s’est alors réjoui des nuls heureux à Lens (1-1), face à Lille (2-2) et à Brest (0-0) en sortant la formule: "Ces matchs, nous les aurions perdus l’année dernière". Seul problème: Rennes ne sait plus gagner en Ligue 1 (deux victoires en 12 matchs) par manque d’efficacité dans les deux surfaces, autre rengaine rabâchée par l’entraîneur rennais.
L’animation offensive est grippée, Amine Gouiri et Arnaud Kalimuendo (deux buts chacun) marquent trop peu alors que Martin Terrier a encore besoin de temps pour retrouver son meilleur niveau. Hormis lors du succès face au rival nantais (3-1), le Roazhon Park n’a pas eu d’occasions de vibrer cette saison après le football champagne des récents exercices.
"Quand tu regardes un match de Rennes, tu ne peux pas dire que les mecs ne font pas les efforts", analyse Daniel Riolo, journaliste de l’After sur RMC. "Mais on ne comprend rien à leur façon de jouer. Il ne se passe rien."
Genesio et les cadres sans ressort
L’équipe manque globalement de leadership depuis le départ d’Hamari Traoré, voire ceux de Majer, Tait ou Meling. Promu capitaine, Benjamin Bourigeaud, repositionné dans l’axe du milieu de terrain après avoir formé une doublette redoutable à droite avec Traoré, semble isolé dans ce rôle. Il est aidé par Nemanja Matic dans un autre style à base de calme, de vice et d’expérience quand Steve Mandanda semble plutôt en retrait.
Bruno Genesio semble, lui, sans ressort. Il a tenté des choses (maintien d’Omari après ses deux boulettes, Arthur Théate sur le banc, Ibrahim Salah écarté puis réintégré) sans effet. A cran face à Lyon, l’entraîneur est menacé et le sait. La question de son maintien sera discutée cette semaine en haut lieu. Il peut s’appuyer sur un bilan positif depuis son arrivée en mars 2021 en remplacement de Julien Stéphan: trois qualifications européennes de rang et un jeu spectaculaire. Le beau parcours des Bretons en Ligue Europa (premier de son groupe et bien parti pour se qualifier au tour suivant) lui offre un peu de crédit.
"Quand tu as les ambitions de Rennes, que tu as fait ce mercato, qui tu as augmenté ton budget, que ambitionnes le podium, que tu tournes à un moyenne d’un point par match et que tu es en deuxième partie de tableau, n’importe quel président doit se poser la question: ‘est-ce qu’il y a un problème avec le coach? Est-il toujours entendu? Lui-même doit se demander: ‘est-ce que j’arrive à faire passer un message, mon groupe est-il réceptif? Moi-même, est-ce que j’arrive à analyser pourquoi ça ne marche pas."