PSG, Allemagne, Miami… Pourquoi les maillots roses sont devenus aussi tendance

PSG, Allemagne, Miami… Pourquoi les maillots roses sont devenus aussi tendance

C’est l’histoire d’une belle revanche. Celle d’un maillot largement décrié au moment de sa sortie… devenu un best seller historique. Après avoir embrasé l’Allemagne, avec en toile de fond un débat entre deux visions de la société presque irréconciliables, la tunique rose portée par la Mannschaft à l’Euro 2024 est devenue le kit extérieur le plus plébiscité de l’histoire de la sélection allemande. Sorti en mars dernier, il a battu le record du plus grand nombre de maillots vendus entre le moment de sa sortie et le début d’un grand tournoi.

Quelques semaines plus tard, c’est au tour du PSG de voir la vie en rose avec son tout nouveau maillot third, dévoilé mardi. Designé par la marque Jordan, partenaire du club de la capitale depuis plusieurs saisons, il entend "incarner la volonté des supporters et des athlètes de s’imposer avec assurance, sur et en dehors des terrains", selon la communication officielle du club. Un "symbole d’appartenance et de fierté", toujours pour reprendre le discours du PSG, qui aurait donc une vocation sociale. Sachant que l’on part de loin au regard de la représentation historique de cette couleur dans la culture populaire.

Le rose "n’est pas une couleur pour le foot"

Pendant longtemps, le rose a été souvent qualifié de "couleur de filles", en opposition au bleu, dévolu aux garçons. Pourtant, ce cliché n'a aucun fondement historique. Autrefois, le rose était ainsi considéré comme une teinte masculine, les rois étant souvent représentés dans cette couleur au Moyen-Âge, tandis que le bleu - couleur de la vierge Marie - était associé aux femmes. "Dans les grandes lignes, le rose a toujours été une couleur aristocratique qui n’était pas genrée à la base, ça a évolué par la suite", explique Pierre-Alain Perennou, responsable éditorial du site spécialisé Footpack. Dans la situation actuelle, le côté où elle est associée à la féminité est un raisonnement caduc." Pas chez tout le monde.

Au plus fort de la polémique sur le maillot de la sélection allemande, Bild, journal le plus lu de l’autre côté du Rhin, estimait d’ailleurs, dans un éditorial, que le rose "n'est pas une couleur pour le foot". Des réactions indignées qui mettent en lumière des stéréotypes de genre particulièrement persistants dans le sport. Mais pourtant bien éloignés de l’évolution des mentalités.

"On voit beaucoup revenir le rose dans les collections masculines, donc on s’éloigne vraiment beaucoup du côté girly", indique Albane Desazars de Montgailhard, analyste en tendance pour Tagwalk, un moteur de recherche destiné à la mode. Elle cite plusieurs grandes marques qui ont mis en avant le rose dans leur collection masculine lors de la dernière saison, comme Dries Van Noten (25 % des looks avaient du rose pour la collection printemps-été 2025), Gucci (17 %), JW Anderson (16 %), Hermès (10 %) ou encore Prada (8 %). Preuve que le rose est devenu extrêmement tendance pour la gente masculine.

Le Stade Français a ouvert la brèche

En France, le premier club sportif à avoir cassé les codes est évidemment le Stade Français. Les rugbymen parisiens ont arboré leur fameuse tunique rose pour la première fois en 2005, à une époque - pas si lointaine - où le choix de cette couleur, aux antipodes de la virilité qui colle à la peau du rugby, était une énorme transgression. "Je me souviens de la tête des joueurs adverses dans les couloirs du vestiaire. Ils étaient décomposés", s’est souvenu Jérôme Fillol, joueur du Stade Français au moment de l’introduction de ce maillot si particulier, dans les colonnes de Midi Olympique.

"De notre côté, nous savions que nous allions jouer en rose, mais entre avoir l'information, découvrir physiquement les maillots et, surtout, les porter, il y a un pas... Je me souviens de l’allure de nos petits cochons du pack…", ajoute l’ancien demi de mêlée.

Par sa volonté d’apporter une touche de modernité et d'originalité au club, tout en attirant un public plus large, notamment des familles et des jeunes, Max Guazzini, président du Stade Français jusqu’en 1991, a ouvert une brèche dans laquelle l’Olympique Lyonnais (2011-2012), le Real Madrid (2014-2015), Manchester United (2018-2019) ou encore le FC Barcelone (2020-2021) se sont engouffrés.

L'effet Beckham

Cette saison, avant le PSG, le dernier club en date à avoir franchi le pas est l’AC Milan, tandis que l’Inter Miami de Lionel Messi, fondé en 2018 sous l’impulsion de David Beckham, a carrément choisi le rose comme couleur principale.

"Il y a ce côté mode associé à Beckham", constate Pierre-Alain Perrenou.

"Quand tu fais venir Lionel Messi et que tes maillots sont à dominante rose, tu utilises la couleur pour le côté mode." Aux JO de Paris 2024, c’est même l’équipe de France de handball qui est passée au rose, avec une tunique particulièrement remarquée lors de la phase de groupes face à l’Argentine.

Le PSG est lui-même coutumier du fait. À l’occasion de la saison 2020-2021, Kylian Mbappé, Neymar & Co ont porté un maillot blanc orné d’une bande rose (maillot extérieur) ainsi qu’une tunique qui proposait un mélange de rose et de violet fluo (quatrième maillot). "Le PSG a pris l’habitude de sortir des troisièmes et quatrièmes maillots avec des couleurs originales depuis quelque temps, avec plus de prises de risque", rappelle le compte La Source parisienne, qui a dévoilé sur X le maillot rose du PSG version 2024-2025 deux semaines avant son officialisation. Avec derrière, un intérêt commercial.

"Le rose marque plus les esprits"

"Au PSG, ils ne font pas beaucoup d’erreurs sur ces choix. Je pense que c’est bien calculé", ajoute Pierre-Alain Perrenou. "C’est un maillot third, le but est de convertir d’autres personnes que les supporteurs pour qu'elles achètent ton maillot et faire parler de toi. Et ça le fait grave parce que peu d’équipes l’ont comme couleur principale." La Source parisienne acquiesce: "C’est une couleur qui vise un public plus jeune, plus fashion mais aussi plus street. Beaucoup de jeunes en Île-de-France portent des survêtements aux couleurs fluo ou flashy", constate le compte suivi par plus de 130.000 personnes sur X.

"Les mentalités évoluent. Les gens sont plus ouverts. Chacun essaye de sortir du lot et de porter des choses moins classiques", complète Albane Desazars de Montgailhard. "Le rose marque plus les esprits, le coup est plus visible, ça rentre dans l’esprit des gens." Et c’est bien pour ça que les services marketing des clubs n'ont jamais été aussi enclins à opter pour une couleur autrefois considérée comme la transgression ultime.

Article original publié sur RMC Sport