La paralysie musicale : pourquoi nos goûts se figent avant 30 ans ?

Au festival Aluna, en Ardèche.  - Credit:ANDBZ/Abaca
Au festival Aluna, en Ardèche. - Credit:ANDBZ/Abaca

Sous les néons tamisés d'une soirée en famille, une dispute éclate. Les uns fredonnent Jul, les autres plaident pour l'immortelle voix de Brel. « Ce n'est plus de la musique, c'est du bruit », grommelle grand-père en s'éloignant. Une scène banale, presque universelle. Faut-il en vouloir à papy ? Évidemment, non. Il a ses raisons.

Nos goûts musicaux ne doivent rien au hasard. Seth Stephens-Davidowitz, spécialiste américain en science des données, s'est lancé, en 2018, dans une vaste analyse des habitudes des auditeurs de Spotify, intrigué par ses propres désaccords musicaux avec son frère cadet. Il remarque immédiatement que l'année de naissance joue un rôle crucial dans la popularité d'une chanson.

Grâce aux données de Spotify, il a décortiqué les écoutes de milliers d'utilisateurs. Les résultats sont sans appel. Prenez « Creep » de Radiohead, par exemple. Ce tube torturé est la 164ᵉ chanson la plus populaire parmi les hommes de 38 ans aujourd'hui. Pourtant, il disparaît complètement des playlists des générations nées dix ans plus tôt ou plus tard. Pourquoi ? Parce que les fans de « Creep » avaient environ 14 ans lorsque le morceau est sorti, en 1993.

La paralysie musicale : un mal précoce

Cette observation est loin d'être isolée. Seth Stephens-Davidowitz a découvert que dans l'immense majorité des cas, la musique qui nous marque le plus correspond à notre adolescence. Chez les hommes, l'âge critique pour développer des goûts durables se situerait entre 13 et [...] Lire la suite