Orteils fracturés, hématomes, blessures génitales: qu'est-ce que le boosting, ce dopage des athlètes paralympiques par automutilation

Aux Jeux paralympiques de Paris, 2.000 échantillons urinaires et sanguins sont prélevés dans le cadre de la lutte contre le dopage. Avec toujours comme objectif de vérifier l'absence de substances interdites ou non-prévues dans le cadre d'une autorisation thérapeutique. Mais les contrôles réalisés avant le début d'une épreuve peuvent aussi servir à contrôler la pression artérielle des athlètes. Car un résultat anormal peut être la conséquence d'une forme très particulière de dopage: le boosting.

Spécifique aux athlètes souffrant d'une paralysie liée à une atteinte à la moelle épinière, cette pratique consiste à s'automutiler. Compte tenu de ce handicap qui affecte le système nerveux, la douleur de ces actes n'est pas ressentie et il n'y a donc pas d'influence négative sur la performance sportive. Par contre, le corps identifie tout de même ce qu'il se passe et provoque des contractions musculaires autonomes. Cela augmente le rythme cardiaque et oxygène mieux le sang. Alors, l'organisme est plus apte à produire des efforts et à les encaisser.

Plusieurs méthodes existent pour aboutir à cette réaction en chaîne, comme se fracturer le gros orteil, se frapper le corps (y compris les parties génitales) jusqu'à provoquer un hématome, restreindre l'urine. C'est pourquoi les contrôleurs cherchent d'éventuelles traces de blessures suspectes lors des contrôles.

Des gains de performance considérables

En 1996, le phénomène était déjà identifié et Libération rapportait le témoignage frappant d'un para athlète britannique: "Certains athlètes sont munis d'un cathéter pour pouvoir uriner. Avant une épreuve, on boit généralement beaucoup. Ils n'ont qu'à bloquer le tuyau avec un petit bouchon: la vessie se remplit vite, gonfle et se bloque, ce qui produit une attaque réflexe (le phénomène de contraction autonome, ndlr). Il y a aussi ceux qui se tortillent les testicules et s'assoient dessus, ou ceux qui fixent une pointe sur le siège de leur fauteuil. Il y a même des athlètes qui se brisent volontairement des orteils ou des os des jambes."

Les bénéfices sportifs peuvent être considérables. Des médecins ont rapporté que les gains de performance pouvaient être de 10% sur une course en fauteuil roulant de 7,5 kilomètres. D'autres ont constaté qu'un athlète en hypertension était capable d'avoir un chrono 5% plus rapide qu'au moment où sa pression artérielle est à des niveaux normaux.

Des risques graves pour la santé

Mais si la douleur de l'automutilation n'est pas ressentie, les risques médicaux sont loin d'être nuls. Le pronostic vital peut être engagé, car l'augmentation critique de la pression artérielle peut aboutir à une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral.

Entre 2007 et 2009, l'agence mondiale antidopage a mené une étude sur cette pratique déclarée illégale en 1994. 16% des 99 sportifs interrogés avaient admis avoir eu recours au boosting pour "améliorer leurs performances à l'entraînement ou en compétition".

À la fois pour préserver l'intégrité des compétitions sportives, mais aussi pour préserver la santé des athlètes, le Comité international paralympique a décidé en 2016 d'interdire toute participation à une épreuve en cas de pression artérielle supérieure à 160 mmHg. Avant cete révision, aucun athlète des Jeux de Pékin 2008 et de Londres 2012 n'avait été contrôlé au-dessus de la limite légale. Il n'était toutefois question que de 41 tests en la matière dans la capitale britannique, 37 en Chine. Pour l'heure, à Paris, aucun cas n'a été recensé ou dévoilé.

Article original publié sur RMC Sport