« La mort n’a jamais été aussi taboue qu’aujourd’hui »
Redonner une place à nos morts : tel est le titre du livre et l'ambition portée par Marion Waller. Forte de huit années à la tête des services funéraires parisiens, l'urbaniste interroge notre rapport à la mort dans une société qui la dissimule. Dans cet essai stimulant et documenté, Marion Waller pointe un paradoxe : si la mort reste taboue, elle n'en est pas moins au cœur de nos vies. Il est donc grand temps d'imaginer collectivement un meilleur accompagnement de nos défunts.
Le Point : Pourquoi estimez-vous que la mort est aujourd'hui taboue dans notre société ? Qu'est-ce qui vous a amené à ce diagnostic ?
Marion Waller : Ce qui me frappe, c'est notre rapport profondément distant à la mort. Nous en parlons très peu, nous nous y préparons à peine, et dans l'espace urbain, elle est presque invisible. Les lieux associés à la mort sont dissimulés, comme si on cherchait à l'occulter.
Lorsqu'on est confronté au deuil, on se retrouve dans un état de sidération, comme démunis face à cette réalité. Il est crucial de se rappeler que cela n'a pas toujours été le cas. Il n'y a rien de fatal ou de nécessaire dans cette mise à l'écart de la mort.
La mort avait-elle une place plus centrale dans les villes auparavant ?
Autrefois, la mort était un événement public. Les cortèges funéraires étaient des moments sociaux où même les enfants participaient naturellement, suivant le convoi jusqu'au domicile du défunt. Je ne suggère pas un retour nostalgique à ces pratiques, mais plu [...] Lire la suite