Mercato: quelles conséquences sur les transferts après la décision de l'UE sur l'affaire Diarra/FIFA?
Bientôt une révolution du mercato? Peut-être. La décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans le litige entre l'ancien footballeur français Lassana Diarra et la FIFA pourrait avoir des conséquences importantes sur l'écosystème du football professionnel européen. Pas seulement sur les joueurs et les clubs, mais aussi pour les agents, les avocats et fédérations. Dans son arrêt du 4 octobre, la Cour a officiellement remis en cause deux points importants du règlement sur les transferts. Cela concerne plus précisément les ruptures de contrat (à durée déterminée) décidées unilatéralement par les joueurs. "Ces règles entravent la liberté de circulation des joueurs et restreignent la concurrence entre les clubs", peut-on lire dans le communiqué de presse.
· Cet arrêt signifie-t-il que les transferts seront bientôt interdits?
Non. La décision ne remet pas en cause le mécanisme consistant pour un club à payer afin de recruter un joueur sous contrat dans une autre équipe. Cela n'a pas échappé à la FIFA, qui déclare être "satisfaite que la légalité des principes clés du système de transfert ait été reconfirmée".
· Quelles sont les mesures dénoncées par la CJUE?
Premièrement, la solidarité imposée à un joueur et son nouveau club pour le paiement d'une indemnité au précédent club duquel le joueur est parti en cassant son contrat sans juste cause. Deuxièmement, le fait qu'un club risque une interdiction de recrutement lorsqu'il recrute un joueur qui a rompu son contrat de façon unilatérale. Troisièmement, l'impossibilité pour ce même joueur de disputer des matchs pour un nouveau club situé dans un pays étranger en raison d'un blocage du certificat international de transfert par la fédération du précédent club. Ces mesures existent depuis 2001. "La Cour juge que l'ensemble de ces règles sont contraires au droit de l'Union", dit le communiqué de presse.
· Comment réagissent les instances?
La FIFA dit avoir "pris note" de cette décision. Mais la fédération internationale temporise en déclarant qu'elle "analysera la décision en coordination avec d’autres parties prenantes avant de faire d’autres commentaires". Le syndicat mondial des joueurs professionnels exprime en revanche un sentiment de victoire: "Au nom des footballeurs professionnels du monde entier, la FIFPRO se félicite de ces résultats. La CJUE vient de rendre un arrêt majeur sur la réglementation du marché du travail dans le football (et plus généralement dans le sport), qui va changer le paysage du football professionnel".
· Quelles sont les éventuelles conséquences?
Si la FIFA change son règlement en supprimant les articles en question, un joueur qui décide de rompre son contrat sans juste cause ne serait plus exposé à une interdiction de jouer. Son nouveau club, lui, n'aurait plus à craindre une interdiction de recrutement ou le paiement d'une indemnité. Ce qui redonne du pouvoir aux joueurs, notamment à ceux qui sont mis à l'écart du groupe professionnel (ladite pratique du loft).
Mais il conviendrait de ne pas omettre les lois nationales en matière de droit du travail. En France, un salarié qui rompt un CDD en dehors des cas autorisés doit verser des dommages et intérêt à l'employeur en compensation du préjudice subi.
Antoine Kombouaré, entraîneur du FC Nantes, est allé encore plus loin en conférence de presse. Pour lui, un big bang est à prévoir: "À terme, et c'est mon idée, c'est que les joueurs pourront partir en payant simplement le contrat qui reste. S'il vous reste un an et demi de contrat, ça représente un certain montant. Si vous avez envie de partir, vous payez la somme d'argent qui reste sur votre contrat. Je pense que ce sera ça, et puis il n'y aura plus de transferts. Mais ce sera très compliqué pour les clubs. Parce que comment retrouver des ressources pour payer les joueurs?"
Par ailleurs, sans donner plus de détails, le cabinet d'avocats qui défend Lassana Diarra estime que "tous les joueurs professionnels" pourront à présent "demander une compensation pour leurs pertes" à la suite de cette décision.
· Est-ce totalement perdu pour la FIFA?
Rien ne permet pour l'heure d'affirmer que la FIFA sera obligée de supprimer purement et simplement les articles concernés pour le marché européen (le plus important sur le plan financier et médiatique). L'arrêt de la CJUE ouvre la porte à un ajustement si les règles sont suffisamment proportionnées et permettent "la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel". Pour Antoine Duval, chercheur senior au Centre de droit international et européen du sport de l'Institut ASSER à La Haye, il s'agit d'un "point positif" pour la FIFA.
"La question est de savoir comment protéger cette stabilité. Les fenêtres de transfert/enregistrement ne posent probablement pas de problème dans le cadre de cette jurisprudence. La limitation du nombre de transferts par an également", écrit sur X ce spécialiste, en outre plus dubitatif sur les "sanctions financières" actuelles.
· La révolution, s'il y a, est-elle imminente?
Non. L'arrêt de la CJUE permet aux juridictions nationales d'avoir les éléments nécessaires pour trancher. En l'occurrence, la CJUE a été saisie par cour d'appel de Mons en Belgique pour trancher l'affaire Diarra/FIFA. Il convient donc d'attendre que la justice belge se prononce pour qu'une jurisprudence s'établisse et soit récupérée par les autres juridictions nationales. La date de la nouvelle audience de la justice belge dans ce dossier n'est pas connue.