"Le médecin vérifie à l’intérieur du pantalon": une boxeuse témoigne sur les "tests de féminité"
Une dernière marche avant la finale des JO 2024. Déjà assurée d’être médaillée, la boxeuse algérienne Imane Khelif va affronter la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng ce mardi soir à Roland-Garros, en demi-finales des -66 kg. Victime de harcèlement sur son genre, elle a averti que cela pouvait "détruire des individus et diviser les peuples" et a appelé à "respecter les principes de la Charte olympique". La sulfureuse Fédération internationale de boxe amateur (IBA), en guerre avec le CIO qui lui a retiré l’organisation des compétitions olympiques et accusée de corruption et de liens très étroits avec la Russie, continue de souffler sur les braises.
"Cette polémique me choque, explique Maïva Hamadouche, consultante boxe RMC, ce mardi matin. Je suis assez solidaire avec elle. Et surtout, je me désolidarise du comportement des boxeuses. Pour moi, elles surfent un peu sur cette polémique, notamment l’Italienne qui a abandonné, qui s’est jetée au sol en pleurant une minute après la fin du combat. Je trouve ça dommage parce que nous, les boxeuses, on fait beaucoup d’efforts pour avoir de la légitimité sur le ring et ne pas être discréditées. J’aimerais bien que ces boxeuses-là puissent avoir le cran de porter haut les couleurs de la boxe féminine et de faire face à l’adversité."
"Pas de doute sur le fait qu’Imane soit une femme"
Emilie Sovinco, boxeuse française, n’a pas non plus de doute sur le genre d’Imane Khelif. "Elle n’est pas apparue depuis dix jours, ça fait des années qu’elle est sur le circuit, comme d’autres sportives qui sont dans le même cas. C’est juste que là, ça éclate au grand jour parce qu’on a une médiatisation hors norme. Il n’y a pas de doute plus que ça sur le fait qu’Imane soit une femme, soit née femme. Ce qui interroge les gens qui sont en dehors de la boxe, c’est pourquoi elle a une allure si masculine."
Après avoir disqualifié l’Algérienne aux championnats du monde l’année dernière, l’IBA multiplie les accusations et les propos transphobes. "Quand la disqualification est arrivée aux championnats du monde, sous l’égide de l’IBA (après des tests sanguins, NDLR), ça a été un peu une surprise, explique Emilie Sovinco. Tout le monde était un peu sous le choc. Mais il y a d’autres athlètes qui étaient dans ce cas-là. Il y a des athlètes qui ont des allures ultra masculines ou un taux de testostérone un peu supérieur à la normale. C’est comme ça."
"La première fois, j’avoue que je n’étais pas très bien"
Avant de monter sur le ring, Emilie Sovinco a elle-même déjà dû se soumettre à un "test de féminité" choquant. "Ça peut arriver, dans les cas où il y a des plaintes des entraîneurs ou des doutes des superviseurs, pendant les pesées, témoigne la boxeuse française. Moi, on ne met pas ma féminité en doute. J’ai déjà fait deux tests de féminité, si on peut appeler ça des tests de féminité... On s’est retrouvé avec des athlètes à l’apparence quand même très masculine. Je pense que les arbitres, lors des pesées, avaient des doutes. Les femmes, on nous autorise encore les shorts. Je peux comprendre que les arbitres aient des doutes, donc dans ce cas-là on soumet tout le monde, par souci d’équité, au test de féminité."
"Les tests que j’ai subis, ce ne sont pas des prises de sang, poursuit Emilie Sovinco. On arrive à la pesée, on part derrière avec le médecin. Le médecin vérifie à l’intérieur du pantalon. La première fois, j’avoue que je n’étais pas très bien. Je ne l’ai pas vu arriver, ça m’a fait un petit choc."
"Moi, ça ne m’est jamais arrivé, assure Maïva Hamadouche. Après, avec les traits masculins, pas de poitrine, il y a des fois où on a un petit doute. Des prises de sang, pourquoi pas. Mais aller vérifier dans le pantalon, c’est très intrusif et très choquant pour toutes les boxeuses qui l’ont vécu."