Dans l’œil du déni

De g. à dr., Hitler et Goebbels aux Jeux olympiques de Berlin, surnommés les Jeux de la honte, en 1936.   - Credit:/AP/SIPA / SIPA / /AP/SIPA
De g. à dr., Hitler et Goebbels aux Jeux olympiques de Berlin, surnommés les Jeux de la honte, en 1936. - Credit:/AP/SIPA / SIPA / /AP/SIPA

Si le déni avait une forme animale, ce serait l'éléphant dans la pièce. S'il avait une forme textile, ce seraient les habits neufs de l'empereur sur lesquels toute la bonne société s'extasie, jusqu'à ce qu'un enfant tende le doigt et s'écrie que le roi est nu. C'est tout ce qu'on se cache les yeux grands ouverts. Tous ces angles morts qu'on a pourtant sous le nez.

Parce qu'elle est libérale, notre histoire adore mettre en avant les voyants ignorés. Ceux qui perçaient à jour le déni de leurs contemporains et furent trop longtemps – et injustement – honnis. Avant la grandiose réhabilitation dans un soupir : « Ah, si seulement on les avait écoutés plus tôt ! » Victor Serge dénonçant le stalinisme avant même qu'il devienne un nom commun. Victor Klemperer consignant secrètement les symptômes de la contagion nazie. Simon Leys et ses coups de Klaxon dans le désert sur la Chine détruite par Mao Zedong.

Écrivain, historien et réalisateur, Jérôme Prieur concentre son dernier livre, Regarder et ne pas voir (Seuil), sur une figure peut-être autrement plus parlante pour décrypter les fracas de notre civilisation. Pas celle, justement, de l'héroïque et tragiquement solitaire briseur de déni, mais de celui qui s'y vautre. Le mouton, la tête dans le guidon du troupeau.

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