John Textor règle ses comptes avec Nasser Al-Khelaïfi, Jean-Michel Aulas et le foot français, l'interview intégrale dans Rothen s'enflamme

Bonjour John Textor, comment allez-vous?

Il est tôt, on est samedi (au moment de l’entretien, NDLR) donc je devrais dormir mais je me sens bien. (Il sourit)

Il y a beaucoup de choses qui se passent actuellement. Commençons par l’actualité avec la confirmation vendredi dernier des sanctions de la DNCG, avec une relégation en Ligue 2 en fin de saison et l'interdiction de recrutement. Comment réagissez-vous à ça ?

Ce n’est pas correct. Vendredi, il n’était pas question de la relégation, mais plutôt de l’appel pour l’interdiction de recrutement à titre conservatoire, qui ne fait pas sens à l’heure d’aujourd’hui. Personne ne s’attendait à ce qu’on revienne sur la décision de toute façon.

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Il n’y a aucun appel qui a fonctionné dans ce genre de demande. Ce que j’ai apprécié, c’est de pouvoir parler à la commission à propos du modèle de la multi-propriété. La DNCG n’avait pas forcément très bien compris comment ça fonctionnait et surtout l’entrée des capitaux qu’on peut attendre avec notre modèle. On a d'ailleurs plus d’entrées potentielles de capitaux que n’importe quel club français. Ça a intéressé la commission. Je crois qu’ils étaient plutôt contents des progrès que nous avons fait. La semaine dernière, on a apporté 60 millions d’euros. On en mettra 25 millions de plus la semaine prochaine. Les ventes de joueurs prévues se passent très bien. Donc la relégation dans ce contexte n’a pas de sens, ce n’est pas un avertissement approprié à mes yeux, surtout dans une période où il y a énormément de clubs qui ont beaucoup de difficultés avec les droits TV. Aucun d’entre eux n’a eu de sanction pourtant, juste nous. Vous pourrez juger par vous-mêmes pourquoi c’est arrivé, mais nous ne descendrons pas.

On vous a beaucoup critiqué dans l’émission ou même ailleurs parce qu’on ne vous comprend pas avec vos ambitions et votre modèle de multi-propriété. Est-ce que vous êtes un génie incompris ou un danger comme à Bordeaux ?

Je ne suis probablement pas un génie ni un danger. Je pense que c’est comique de dire : “oh il est Américain, comme Joe DaGrosa (l’ancien propriétaire de Bordeaux, NDLR)”. Vous me faites une blague c’est ça ? Mais bon, allez, c’est une blague, c’est ça ? Il est Américain et moi aussi, c’est pour ça ?

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Non, c’est parce qu’on est traumatisé par ce qui est arrivé à Bordeaux… Donc beaucoup de gens ont envie de vous suivre mais ont aussi peur.

On va avoir le temps de parler de tous ces sujets. Mais depuis que je suis arrivé, je suis comparé à Joe DaGrosa et je n’en ai vraiment pas envie d’être comparé à lui. Juste parce que c’est un autre Américain qui vient de Floride. Je l’ai rencontré deux fois, donc arrêtons de parler de Bordeaux. Les Girondins n'étaient pas solvables deux ans avant la relégation et puis c’était une relégation sportive et pas administrative si je ne me trompe pas, c’est ça ?

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Expliquez-nous votre projet à Lyon, avec vos idées et vos ambitions ?

Je vais le faire. Mais Pour être clair, ce que la DNCG a dit "c’est ok, vous êtes un grand club, vous perdez beaucoup d’argent chaque année." C’est vrai. Quand l’OL a commencé l’année, c’était prévu de perdre de l’argent et il était prévu de compenser les pertes en vendant des joueurs de l’équipe première ou des jeunes du centre de formation. C’est comme ça que le club survit depuis des années.

C’était le cas avant vous...

Bien sûr. C’est un club qui a énormément de personnel et qui dépense énormément et qui n’a pas les revenus de la Ligue des champions depuis plusieurs saisons. Quelques mois avant mon arrivée en novembre 2022, je me souviens que L’OL avait besoin d’une injection de 86 millions de ma part, sans quoi le club aurait été insolvable. Pourtant à l’époque, la DNCG ne s’était pas autorisée à formuler un avertissement à Jean-Michel Aulas et il n’y a pas eu de commissaires qui ont refusé de valider les comptes de Lyon. Si je n’avais pas payé à l’époque ces 86 millions, qu’est ce qui se serait passé ? Lyon aurait peut-être été relégué. On me réserve un traitement différent par rapport à Jean-Michel Aulas. Aulas a juste été capable de faire des promesses pour dire que tout allait bien se passer. Alors que moi personne ne fait confiance si je fais le même genre de promesses.

Est-ce que vous pensez qu’on ne comprend pas votre modèle de la multipropriété en France. Est-ce que ce modèle est l’avenir du football ?

C’est une méthode de compétition parmi d‘autres. Je pense que tout le monde est challengé quand on veut gagner un championnat en Europe. Dans chaque championnat européen, plusieurs clubs dominent et trustent les premières places. C’est le cas en Allemagne, En Angleterre…

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Parfois, ces équipes ont un argent illimité, parfois les fonds viennent d’états pétroliers. Si on veut faire autre chose que regarder ces équipes gagner, sans pouvoir rien n’y faire, je pense qu’il faut réinventer les modèles. La multipropriété en fait partie, j’en suis persuadé. Et moi je veux aider les gens à comprendre l’intérêt de la multipropriété. Je trouve ça obscène que la DNCG ne nous accorde pas de crédit, parce que les financements qu’on apporte à l’OL sont légaux d’un point de vue du droit européen. L’argent du PSG qui vient d’un état étranger, qui subventionne illégalement un business privé, et qui fausse l’intérêt sportif. C’est illégal !

La DNCG et la ligue acceptent cette violation des lois européennes. Donc le PSG peut nous botter les fesses sur le terrain tous les ans. Moi, qui arrive avec un autre modèle et d’autres sources financières, ils me dénigrent.

Quand vous parlez du PSG et des équipes qui dominent, ce n’est pas une surprise pour vous. Pourquoi essayer aujourd’hui de tout remettre en question ?

Je connaissais la situation, mais je ne connaissais pas vraiment la protection institutionnelle dont jouissait un certain club et le pouvoir d’une certaine personne sur les instances à l’image de l’ECA et de l’UEFA. En juillet, j’étais complètement choqué car on a parlé des droits TV et le président de la ligue, qui devait mener les débats, n’a quasiment rien dit... C’est Nasser qui a mené les débats, alors qu’il n’aurait même pas du être présent, en tant que patron d’une chaine de télévision directement impliquée dans les débats.

S’il y avait une voix discordante, Nasser Al-Khelaïfi “aboyait” sur cette personne, il y avait beaucoup d’intimidation aussi. Le président de la Ligue était assis, sans rien dire comme un petit "toutou".

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La ligue est d’une manière assez folle dominée par cet homme. Et ça je n’en avais pas conscience. L’influence du PSG sur la Ligue et même sur la DNCG est quelque chose qui mérite d’être regardé de plus près. Ça va surement faire fulminer le grand patron de La DNCG, mais il y a une forme d’incorrection, il faut que la DNCG soit particulièrement précautionneuse pour garder son indépendance vis-à-vis de la ligue.

Je pense même que la DNCG ne devrait pas être gérée par la ligue. La DNCG ne devrait pas appartenir à la Ligue. Par exemple, les adresses mails des gens de la DNCG sont hebergées à la Ligue. Ils disent aussi que tout est confidentiel. Mais cette année, On n’avait pas encore fini notre présentation que les médias annonçaient déjà les sanctions. C’était une présentation détaillée de 2h, pour indiquer d’où provenait les fonds. La réunion a commencé à 11h. A midi, les sanctions dont la relégation fuitait. Il restait 1h de réunion.

Il y avait des fuites, qui venaient directement des présidents de clubs, qui appartiennent au board de la ligue. Et surtout, ils connaissaient les sanctions en avance. Donc on ne peut pas me dire qu’il n’y a pas de lien entre la ligue et la DNCG. Entre certaines personnes qui voulaient sanctionner l’OL et la DNCG. On m’a dit de ne pas en parler. Mais vous avez compris que je n’ai jamais eu peur de parler de quoique ce soit.

Pour être clair, derrière les sanctions de la DNCG, il y a Nasser Al-Khelaïfi pour vous ?

Vous savez si je n’avais pas de preuve je ne me permettrais pas de dire des choses aussi absurdes. Ce que je dis, c'est que certaines décisions ont été prises avant même que l’on passe la porte de la DNCG. Nous avons un modèle économique très complexe. Pour l’expliquer, nous avons fait un schéma pour montrer comment on faisait pour réduire nos dépenses. Durant l’année on va rapidement réduire de 50 millions la masse salariale. D’ici la fin de l’année on sera rentable en tant que club.

Nous ne sommes pas Bordeaux ou Montpellier. On est sur le chemin de la rentabilité tout en ayant des résultats sportifs solides. Alors qu’on m’explique pourquoi des décisions ont été prises avant même que je fasse ma présentation. Pourquoi on décide d’encadrer les finances, de nous mettre sous tutelle ? Pourquoi on nous menace de relégation ?

On a mis des liquidités dans ce club que les autres clubs ne peuvent pas mettre. On a des actifs qu’on peut activer et on est rentables. Alors pourquoi nous menacer de relégation ? Pourquoi prendre des décisions avant de nous entendre, et pourquoi tout faire fuiter aux journalistes?

Qu’est-ce que font tous les autres présidents puisque vous êtes le seul à vous opposer à Nasser Al-Khelaïfi ?

Je ne m’oppose pas personnellement à lui, on a déjà passé de bons moments ensemble d’ailleurs au début. Ce n’est pas personnel. Je pense que ce n’est pas vrai de dire que je suis le seul dans ce cas. Il y a aussi deux ou trois clubs qui ont une voix discordante. Mais il y a aussi six ou sept clubs qui ont des préoccupations, mais qui ont peur de les exprimer. Je ne pourrais pas dire pourquoi. J’ai demandé à Nasser Al-Khelaïfi à plusieurs reprises “qui se soucie de la Ligue 1 s’il n’y a plus de compétitivité?” Mais ça ne semble pas le préoccuper outre mesure. Ce n’est pas personnel. Je pense juste que le manque de compétitivité détruit ce championnat.

Est-ce que ce qui s’est passé lors de la crise des droits TV, avec votre échange de SMS avec Nasser Al-Khelaïfi, a des conséquences sur la vie de l’OL ? Peut-on imaginer un transfert entre vos deux clubs ou est-ce que c’est fini ? Peut-on avoir un transfert avec un club de Ligue 1 proche du PSG ?

Je ne pense pas que l’olympique lyonnais doive suivre un modèle ou il vend ses meilleurs joueurs au PSG. Ce n’est pas un modèle pour un championnat compétitif. Ça ne marche pas dans les autres ligues de faire des transferts avec ses plus gros concurrents. Ce ne fait pas partie de notre business plan.

Vous avez vendu Barcola au PSG pourtant !

Quand je suis arrivé, il y avait trois jeunes joueurs issus de notre centre de formation qui voulaient partir. Ils étaient gentils, j’ai parlé avec eux, mais il parlait de l’OL comme d’un club de formation. C’était un non-sens. Je veux des joueurs qui veulent jouer pour l’équipe et être compétitifs avec nous dans le championnat. Si des jeunes de notre Académie veulent jouer pour le PSG, qu’ils partent ! Je veux qu’ils rêvent de devenir le prochain Juninho, Benzema ou Fekir. Je n’ai eu aucun souci à prendre les 45 millions d’euros de l’homme charmant de Paris pour un jeune joueur qui ne voulait plus être là. Je veux construire une équipe pour qu’elle soit championne. C’était différent. Donc je maintiens que vendre les meilleurs au PSG n’est pas notre modèle.

Et j’ai envie d’être clair. Nasser Al-Khelaïfi dit à tout le monde qu’il aide le football français. Mais il est un petit peu comme le beau gosse de l’école, avec les plus beaux vêtements et la plus belle voiture. C’est vrai qu’il est un peu le centre du monde dans le football français et il est vraiment convaincu qu’il aide tout le monde en achetant nos joueurs. Je me souviens qu’il avait parlé d’un bonus pour le temps de jeu Barcola et il disait qu’il m’avait aidé. Mais non, c’est une négociation, une entraide. Il fournit de l’argent et nous un joueur, on est sur un pied d’égalité. Il a cette idée qu’il a le club le plus riche du pays et que les miettes qu’il laisse tomber sont une aide pour football français. C’est totalement fou de penser ça. Je l’invite à suivre le droit européen et qu’on arrête avec ces clubs qui ont des financements illimités d’Etats étrangers alors que tous les autres clubs français rivalisent avec des fonds propres. S’il veut investir avec son argent personnel, ou s’il veut mettre l’argent d’Arctos, le fond qui possède 20% du PSG, pas de problème. Il pourrait alors lutter à armes égales avec les autres clubs français, Monaco, Marseille, Nice, Lyon... Et ce sera plus sain. Car bon nombre d’équipes pourront battre le PSG. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de réactions en France, avec tout le respect que j’ai pour vous. C’est une violation des lois. Si tout le monde était sur un pied d’égalité, peut-être que plus de monde regarderait la Ligue 1 et que le PSG ne gagnerait pas chaque année.

On est très critique sur le niveau du football actuel et le spectacle, où on ne peut pas même pas voir les matchs parfois. Quelles sont vos idées pour sauver le football français ?

Cela fait deux ans que je suis là en France. Je ne me suis pas beaucoup exprimé sur le football français, je ne suis pas encore très impliqué dans les instances ou en contact avec les autres présidents. Je prends mon temps, j’essaie d’apprendre et de regarder. Il y a beaucoup d’aspects et d’enjeux politiques, beaucoup de choses qui se passent en coulisses en dehors du terrain. Ce ne sont pas forcément des choses agréables. Je peux partager quelques idées pour le futur, mais j’apprends toujours.

Je vais parler d’idées globables qui peut-être sont applicables ici. Notre idée avec Eagle Football est que la communauté qui vit autour du club de football est plus importante que le club lui-même, au niveau de l’esprit mais aussi économique. Je sais que certains supporteurs de l’OL n’aiment pas quand je parle de Botafogo. Je n’en parle pas seulement parce que j’aime le club mais aussi car c'est pour moi un exemple de ce qu’on pourrait construire ici en France. Il faut se servir de ce lien entre le club et sa communauté, c’est ce qu’on a fait à Botafogo où on est passé de 20 à 120 millions de dollars de recettes en l’espace de deux ans et demi sans vendre le moindre joueur. On utilise un nouveau modèle d’adhésion. Les billets pour aller au stade sont quasiment gratuits, on peut devenir membre de la communauté avec une participation. Selon celle-ci, vous avez accès à des places pour le match mais aussi à des places pour des concerts par exemple. Avec les billets les moins chers, qui sont proche de la gratuité, on s’assure de remplir le stade. Et c’est cette image que j’envoie au reste du monde. J’avais un stade de taille olympique qui était quasiment vide. Mais si je veux que mon produit soit mondial, qui va croire que j’ai une équipe compétitive si on voit à la télévision que mon stade est vide ? un stade vide c’est horrible à la télé.

Pour faire grandir la marque, la faire passer de marque brésilienne a marque mondiale, on a baissé le prix des billets, ça a rempli le stade. Mais je prends plus sur les maillots, je prends plus des droits télés, des sponsors, de la publicité. Nos revenus ont été multipliés par 6. Donc je vais peut-être essayer de ramener ça au football français.

Ces idées sont transposables en France ?

Oui, je pense qu’on peut tout à fait les transposer.Enfin, si on me laisse faire. Je remarque qu’aux Etats-Unis, personne ne vous dit comment diriger votre entreprise alors qu’en France, il y a un panel 18 personnes de la DNCG qui vous jugent, vous et votre modèle et disent ‘quand on vous fera confiance, on vous laissera faire’. Pour l’OL, il faut bien voir que le stade est plein, les supporteurs sont là et la communauté existe au-delà de Lyon que ce soit dans la région ou dans toute la France. Mais on peut faire mieux, on peut améliorer le produit. Je pense que le club devrait être plus proche de cette communauté de supporteurs et qu’on fasse quelque chose qui ressemble à ce qu'on a pu faire au Brésil.

Quand je suis arrivé ici, même les fans savaient que je venais du monde du divertissement et du numérique. Il y a une banderole qui a été déployée pour dire "Textor, on ne veut pas de la reconnaissance faciale." Au Brésil, on se sert de la reconnaissance faciale et on en a fait l’une des clés de notre succès et la pierre angulaire du projet d’une certaine manière. Le visage de tous nos adhérents a été scanné. Le visage devient le billet d’entrée puisqu’il est scanné à l’entrée du stade. Et très bientôt, c'est grâce au visage qu’on pourra acheter à la vitesse de la lumière une bière, un Coca-Cola ou un hot-dog par exemple. Sans sortir la carte de crédit. Vous pouvez ainsi vite payer et continuer à regarder le match. Grace au scan des visages, on fait entrer les supporters dans nos communications digitales, les réseaux sociaux. On peut les faire entrer dans les jeux video... C’est la génération selfie. Ils sont sur Instagram, Au Brésil, les gens adorent ce genre de choses et veulent essayer tout ça. Alors que dans mon stade en France je prends des banderoles contre ça. Il faut faire peut-être un peu plus de pédagogie. Je dois apprendre à nos fans que ces nouvelles technologiques peuvent être appréciables et apporter plus de sécurité. Qui déclenchera une bagarre s’il sait qu’il y a une reconnaissance faciale ? Qui entonnera des chants racistes ou nazis ? Je ne sais pas comment ça peut être adapté à la France, mais il y a moyen de faire quelque chose d’intéressant.

Il faudrait davantage communiquer sur la France à l’étranger plus que sur le football français pour mieux vendre le produit Ligue 1 ?

On doit comprendre que notre produit est aussi ce que le reste du monde voit. On maitrise parfaitement l’économie du stade. Nous avons des matchs et des revenus qui en découlent, des billets ou du merchandising. Ça c’est la partie facile. Le truc, c’est de trouver comment intéresser les gens à travers le monde. Pourquoi regarder le football français et pas autre chose. En premier lieu, il faut plus de compétitivité, avec la bataille pour le titre de champion chaque année. Avec plusieurs équipes très fortes en haut du classement, comme en Premier League. Mais pas une seule équipe. On doit régler ça d’abord. Ensuite, il faut comprendre que le championnat doit raconter une histoire. Vous qui êtes à la radio ou à la télévision, vous devez créer une histoire qui parle aux gens, pour qu’ils restent à l’écoute ou continuent de regarder. Je regarde les matchs de Ligue 1 aux Etats-Unis je regarde BeIN Sport. Je n’ai pas envie d’attaquer BeIN, mais je vois que la production est assez peu qualitative. Il y a six ou sept chaînes de BeIN Sport mais seules deux ou trois sont utilisées de manière simultanée. Si un match déborde, on loupe les premières minutes du match suivant. Quand le PSG nous a battus l’an dernier, d’ailleurs Barcola avait été très bon, on était à 2-0 pour Paris quand la diffusion a commencé. Je pense qu’il n’y a personne en régie pour prendre les décisions, c’est un ordinateur qui décide des séquences. Aux États Unis quand on regarde le match en streaming, la publicité peut arriver en plein pendant le match, c’est un ordinateur qui doit prendre cette décision, pas un humain. La pub peut partir alors qu’un joueur s’apprête à tirer un penalty.

Et quand vous regardez les publicités, même quand c’est l’OL qui joue, elles sont à la gloire du PSG. Il n’y a qu’une personne qui commente en cabine, ça s’entend qu’il n’est pas au stade. Ils ne mettent même pas l’argent pour un deuxième commentateur ou un consultant. Ça manque de vie ou de dynamisme. La qualité du produit est terrible, il n’y a aucune plus-value de production. Quel que soit le diffuseur, la ligue doit exiger des standards de diffusion partout dans le monde.

Il faut qu’on raconte des histoires: Pourquoi regarder ce match ? Le Havre par exemple ? Ou ça se trouve ? Normandie ? Quelle météo il fait ? Est-ce les filles sont jolies ? Pareil pour le Paris FC avec un milliardaire qui le rachète, qui est-il, avec qui il s’entend ou non. La femme du propriétaire de Rennes est Salma Hayek, ça aussi on devrait pouvoir en parler. Parlez-moi des villes, des gens, des joueurs. La raison pour laquelle la NBA est si bonne est qu’elle fait ça très bien, avec le lien entre le sport, les habits, la musique et la culture. C’est ça la vibe. On devrait faire quelque chose qui ressemble à ça dans le football. Le produit qu’on montre au monde doit être sexy, tout le monde aime la France en plus. Vous adorez vous moquer de nous les Américains, on est obèses, on s’habille mal, on achète tout et n’importe quoi quand on est en France. Mais on adore la France ! Alors pourquoi on n’arrive pas à représenter la France à la télévision, à la radio ? Parce que le produit montré par la Ligue à la télévision, de manière générale, est nul. Personne ne s’en soucie, on n’en tire aucun revenu. Donc que le produit soit meilleur et peut-être que les gens le regarderont.

Pour en revenir au sportif, quelles sont les ambitions de l’OL pour la fin de saison ? A vous entendre, une qualification en Ligue des champions vous ferait énormément de bien financièrement mais si ce n’est pas le cas, ça pourrait être difficile ?

On a démontré à la DNCG notre business plan. D'ailleurs, c’est la première fois qu'un président de club fait cette présentation et qu’elle est en plus diffusée sur Youtube. Je vous encourage à aller la regarder.

Grace à nos revenus actuels, mêmes s’ils baissent à cause des droits télé, grâce à la baisse de notre masse salariale, et si on se base sur nos revenus moyens grâce à la vente de joueurs, nous sommes un club très rentable. On n’a pas besoin de la ligue des champions pour atteindre la rentabilité. Et c’est une grande amélioration pour l’OL.

Nous avons rationalisé les revenus du club pour survivre financièrement si on ne joue pas la ligue des champions. D’un point de vue sportif, évidemment qu’on a envie d’y aller en Ligue des champions, que ça soit moi ou les supporteurs., Il faut voir aussi qu’on a énormément de joueurs dans l’effectif, l’interdiction de transfert ne va pas beaucoup nous toucher en janvier. On a des joueurs comme Zaha qui ne jouent pas alors qu’ils le méritent. Le modèle de la multipropriété nous est très utile puisqu’on a pu faire venir trois joueurs avant l’interdiction de recrutement. Il y a d’autres joueurs qui pourraient rejoindre le club: Thiago Almada, Luis Henrique, Igor Jesus, même si lui je le vois plus aller en Premier League. Mais Thiago et Luis Henrique étaient là il y a peu. On verra, mais avec l’interdiction de transferts, on a de quoi faire.

On a l’impression que tout le monde est à vendre. Est-ce que Cherki et Fofana, qui sont les deux valeurs marchandes importantes de l’OL, vont finir la saison ?

Les gars, Je peux vous dire quelque chose ? C’est des conneries ! Vous ne faites pas attention aux chiffres que je vous présente. J’ai parlé de nos finances pendant deux heures à la DNCG et vous pouvez voir cette présentation sur Youtube. Vous avez vu les gros titres "Lyon est dans le dur" et vous avez fait le raccourci "tout le monde est à vendre." Mais qui a dit que tout le monde était à vendre ? C’est vous qui avez dit ça. Je parle de la presse en général.

Notre plan a toujours été le même. Vendre les joueurs qu’on avait prévu de vendre avant les annonces de la DNCG. Quand vous dîtes "tout le monde est à vendre", laissez-moi vous expliquer comment marche un club de football. Quand un club décide de vendre un joueur, il les met sur le marché pour les sortir de l’effectif, mais en même temps, d’autres clubs le contacte pour acheter des joueurs qu’il ne veut pas vendre. Donc c’est des offres, qu’il faut considérer, on réfléchit et oui, peut-être que finalement je vais vendre un joueur que je ne voulais pas vendre. Moi je suis intéressé par la vente des joueurs que je veux vendre si je peux les remplacer par plus fort. Et ça, ça n’a pas changé malgré les conneries liées à la DNCG. Je lis partout que tout le monde est à vendre. J’ai des clubs en Turquie qui me contactent avec des offres insultantes pour mes meilleurs joueurs parce qu’ils croient qu’on est désespérés. On leur a dit de dégager. Tout ça pour dire que ce n’est pas le cas. Toute mon équipe n’est pas à vendre.


Cherki et Fofana finiront la saison donc ?

Cherki, ça fait deux ou trois ans qu’il a envie de partir. Cela n’a rien à voir avec la DNCG ! Il voulait aller au PSG l’année dernière, il m’a envoyé un message pour me le dire: "Je veux vraiment aller au PSG."

Mais Cherki c’est la première fois depuis deux ou trois mois qu'il explose comme ça et qu’il est régulier en faisant gagner l’équipe. Peut-être qu’il a envie de finir la saison maintenant ?

Il faudrait lui demander s’il veut finir la saison. J'aime Rayan, je lui ai dit qu'il ne pouvait pas jouer pour nous ni s'entraîner avec nous s’il ne prolongeait pas. Il a un contrat longue durée parce que je l’ai mis en dehors de l’équipe. Il est revenu dans le groupe, Je l’ai vu dans les vestiaires, j’ai plaisanté avec lui et je lui ai dit: “tu vois, regarde comme tu joues bien avec ton contrat!” Il est revenu ensuite dans l’équipe, ça se passe très bien. Donc oui j’espère qu’il veut rester. Mais personne ne l’a poussé dehors à cause de la DNCG. Il était l’un de ceux qui voulait partir. Il a finalement prolongé et il joue très bien, c’est fabuleux, c’est le football. Pour parler de Fofana, personne ne m’a appelé pour lui et je n’ai appelé personne non plus. Toute l’équipe n’est pas à vendre. Le problème est que nous avons 29 joueurs alors qu’il en faudrait 24. Ces gars ont faim. Les joueurs de ce niveau ne sont pas heureux quand ils ne jouent pas ou quand ils ont peu de temps de jeu. Certains joueurs ne sont pas heureux avec leur temps de jeu. Maxence Caqueret par exemple. Super joueur. Mais j’ai dû le vendre.

Si Nasser Al-Khelaïfi veut recruter Cherki ou Fofana, il n’y aurait pas de problème ?

Aujourd’hui ? Non, absolument pas. Je ne veux pas vendre un joueur de cette qualité à Nasser tant qu’on ne se sera pas serré la main, partagé une bière et décidé ensemble d’aider le championnat de France. C’est évident, ma relation avec Nasser n’est plus ce qu’elle a été, mais les hommes restent des hommes, on peut passer outre. Mais pour l’instant non, je ne lui vendrai personne.

Où en êtes-vous avec Jean-Michel Aulas ? Il dit qu’il regrette d’avoir vendu l’OL contraint et forcé !

Chacun peut regarder cette interview et se faire sa propre opinion. Pour moi, ce n’est pas une interview honnête. J’ai été très déçu d’autant plus qu’on s'était mis d’accord avec Jean-Michel Aulas pour faire table rase du passé... Manifestement, lui n’a pas tourné la page. Il a dit que je ne m’y connaissais pas trop en football, mais j’ai embrassé quelques jolis trophées en Amérique du Sud donc je dois effectivement ne pas y connaître grand-chose… Il a dit que je n’étais pas un manager, mais j’ai bâti plusieurs entreprises qui valent plusieurs milliards. Il a dit que je n’étais pas le premier choix, mais le gars qui l’était ne pouvait pas apporter l’argent. Je suis sûr que Jean-Michel Aulas a eu plus d’une opportunité pour acheter le club avant même le processus qui a conduit à mon arrivée. D’ailleurs Arctos, le fond qui a racheté une partie du PSG, était le favori de Jean-Michel pour racheter l’OL avec lui. Et finalement ils n'y sont pas allés. Je suis déçu de son interview. Pour cette interview, j'avais d’ailleurs enregistré une vidéo pour le féliciter de son élection à la fédération.

parce qu’on a passé du temps ensemble à travailler pour le bien du club. Dire que je ne suis pas un bon manager, pas quelqu’un de bien, c’est sûr que ça n’aide pas beaucoup. Mais je fais de mon mieux avec l’OL, on est bien classé en championnat et en Europa League. Je fais aussi tout ce qui est en mon pouvoir pour demander aux autorités françaises que notre terrain de jeu suive les lois européennes afin d’avoir une compétition équitable pour tout le monde ici. Peut-être qu’on se retrouvera autour d’un verre de vin avec Jean-Michel pour parler de cette Interview. Mais il faut qu’il mette le passé derrière lui. J’ai été invité à acheter ce club, et j’aide ce club. On est en Europa League et on va retourner en Ligue des champions.

Est-ce que Pierre Sage est votre meilleure idée à Lyon et est-ce qu’il est là pour longtemps ?

Il restera aussi longtemps qu’il gagnera, c’est le sport. C’était une décision controversée. Les dirigeants doivent réfléchir à qui pourra être le prochain entraîneur. Si vous avez un problème avec le coach, vous regardez à l’extérieur si quelqu’un est disponible. Mais c’était un moment difficile en plein milieu de la saison, c’était difficile de convaincre quelqu’un de venir dans cette situation. Donc a regardé à l’intérieur du club et Pierre Sage était l’un des noms avec son poste à l’Académie. Moi j’ai appris a aimé le football avec des matches de jeunes. Et je pense qu’il y a des grands tacticiens à tous les niveaux. Je pense que les joueurs ont besoin d’un plan qu’ils peuvent comprendre, de pouvoir parler et communiquer. Se mettre sur la touche, ça demande du courage, et réussir à faire passer le même message à des pros qu’a des jeunes joueurs aussi.

Et j’ai eu le sentiment que Pierre avait ce courage. Il sait communiquer et il a tout ce qu’il faut pour être un leader. J’ai rencontré Pierre Sage à l’Académie et on a parlé de football, je me suis dit qu’il était vraiment intelligent. Il n’est pas comme Artur Jorge à Botafogo qui est très énergique sur son banc de touche, qui emmène les gens. Pierre a un style différent, mais qui nous convient à Lyon. Nous avons besoin de calmer la toxicité dans le vestiaire pour le moment. Nous avons besoin que les joueurs se concentrent sur le plan de jeu et sa personnalité était la bonne à ce moment. Il continue d’être la bonne personne actuellement. Jusqu’à présent, tout va bien.

Est-ce qu’on a une chance de revoir Karim Benzema sur le terrain à l’OL ou dans un autre rôle ?

Je pense qu'il est au courant que j'ai essayé de le récupérer l'année dernière (en janvier 2024). J'ai eu au téléphone le président de son club en Arabie saoudite et je lui ai parlé des rumeurs comme quoi il serait mécontent à Al-Ittihad. Mais ça coûte forcément trop cher. Les sommes saoudiennes sont astronomiques. Mais Il sait qu’il est le bienvenu sur le terrain, peu importe son âge, il pourrait même montrer son niveau en fauteuil roulant ! C’est un membre important de la famille, il serait le bienvenu aussi dans un rôle en dehors du terrain. C’est la même chose pour Juninho, il a encore fière allure ! Il pourrait encore nous mettre des coups francs d’en dehors de la surface. Tous ces gars sont les bienvenus.

Article original publié sur RMC Sport