JO Paris 2024: Comment Tiktok et Instagram transforment les athlètes en nouveaux influenceurs
Une photo en bikini sur la plage, une autre en robe de soirée lors d'un gala, une troisième en talons aiguilles en couverture de Vanity Fair. Le tout, entrecoupé de nombreux clichés en justaucorps en pleine acrobatie. Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas du compte Instagram d'une influenceuse, mais celui de la gymnaste américaine Simon Biles, sextuple médaillée d'or aux Jeux olympiques.
Et depuis le début des JO de Paris 2024, la sportive multiplie les stories sur Instagram pour ses 10,1 millions d'abonnés. Elle réalise un "room tour" de sa chambre olympique et se filme en pleine dégustation de spécialités françaises, comme les pains au chocolat.
Et l'athlète américaine est loin d'être une exception. Entre deux épreuves, des dizaines de sportifs de nationalités différentes se sont mis à partager sur Instagram et Tiktok des extraits de leur quotidien au village olympique. Quitte à devenir de véritables influenceurs en herbe.
Capitaliser sur les JO
"Un événement comme les Jeux olympiques, c'est une occasion unique pour les sportifs de booster leur visibilité auprès du grand public et donc, d'accroître leur audience", analyse Jonathan Condessa, planneur stratégique à l'agence social média OTTA.
Sur les réseaux sociaux, les athlètes capitalisent ainsi sur l'engouement autour des Jeux pour partager un maximum de contenus sous le hashtag #Paris2024, gage assuré de visibilité.
Certains, comme la boxeuse irlandaise Jennifer Lehane embarque ses abonnés au salon de coiffure olympique à la manière d'un vlog. Téléphone à la main, elle se filme au bac de lavage ou dans le reflet du miroir du salon. "C'est bon! La crinière est domptée", plaisante-telle après son rendez-vous dans la vidéo visionnée plus de 400.000 fois sur Tiktok.
D'autres, comme le nageur norvégien Henrik Christiansen et la mongole Enkhkhuslen Batbayar, se découvrent une nouvelle passion pour les muffins au chocolat de la cantine olympique. Enfin, la joueuse de rugby américaine Ilona Maher met en scène le village olympique sur Tiktok comme s'il s'agissait d'une émission de téléréalité.
Si certaines de ces vidéos sont improvisées, comme la story de la partie d'échec entre athlètes du gymnaste irlandais Rhys McClenaghan, la grande majorité de ces contenus sont pensés en amont. Car depuis quelques années, les sportifs se mettent en scène, bien loin des terrains de sport.
POV, hauls et dégustations
"Les athlètes ont toujours eu une image de marque à entretenir", rappelle Jonathan Condessa. "Ce qui change, c'est que les publicités ne sont plus leur seul moyen de communication. Désormais, les jeunes sportifs passent par leur téléphone et filment les coulisses de leur quotidien."
Les codes des influenceurs sont respectés à la lettre. Au programme, des hauls (déballage) de leurs tenues sportives, des "Get ready with me", ces fameuses vidéos de préparation avec la cérémonie des Jeux ou encore des story times, ces contenus ou les créateurs de contenus racontent des anecdotes de leur quotidien olympique.
De son côté, la cycliste française Marie Divine Kouamé, suivie par 80.000 abonnés sur Tiktok, multiplie les formats. Elle alterne entre séances de dégustation, des "Get ready with me" avant une épreuve et des POV, ces mises en situation filmées à la première personne, sur le bateau de la délégation olympique.
Car pour certains sportifs, la création de contenus devient un travail à part entière, décisif pour leur carrière. "Full time athlete, part time tiktoker" ("athlète à temps plein, tiktokeur à mi-temps"), plaisante ainsi la canoéiste américaine Evy Leibfarth dans sa biographie Tiktok. A l'instar des influenceurs, elle s'inquiète du nombre de vues, fidélise sa communauté, choisit les bons hashtags... et signe des partenariats.
Baskets, sweat et sac à dos. Les produits s’amoncellent aux pieds d’Evy Leibfarth. La canoéiste américaine se filme régulièrement en train de déballer des sacs de sport et des valises toujours pleines à craquer de vêtements envoyés par les sponsors pour Paris 2024.
Financer une carrière
"C'est tout ce qu'on a reçu de la part de Nike pour la Team USA", présente la canoéiste suivie par 42.000 abonnés. "Il y a vraiment beaucoup de pièces", s'extasie-t-elle, avant de montrer à la caméra, comme une professionnelle, les différents items.
Nike, Lululemon, Skims, Asics ou encore Ralph Lauren figurent ainsi sur la liste des nombreuses marques qui ont opté pour la stratégie de l’immense sac rempli de tenues de sport et d’accessoires qui finira systématiquement dans un haul Tiktok.
Pour les professionnels du marketing, c’est l’assurance de toucher un nouveau public de fans engagés, souvent plus jeunes. Les communautés de niche - comme celles des athlètes - sont généralement plus engagées et, donc, à l'écoute des recommandations.
Pour les athlètes, c'est l'opportunité de financer leur projet sportif. En effet, les réseaux sociaux sont devenus indispensables dans la quête de visibilité, et donc de sponsors. Tout particulièrement pour les athlètes moins exposés.
"Les réseaux sociaux permettent aux sportifs de créer un lien avec leur public", note Jonathan Condessa. "Mais publier du contenu et nouer des partenariats permet surtout à une grande majorité de sportif de financer leur carrière." A condition, donc, de savoir monétiser son image.
Et l'effervescence autour de Paris 2024 et de son village olympique booste la visibilité de tout cet écosystème. Pour preuve, la joueuse de rugby américaine Ilona Maher a gagné plus de 400.000 abonnés depuis le 22 juillet. Elle cumule désormais près de 2 millions d'abonnés. "L'enjeu, c'est de maintenir cette popularité après les Jeux olympiques", souligne Jonathan Condessa. Car abonnés engagés rime souvent avec sponsors à la clé.