JO 2024: "On voyait les volleyeurs italiens au basket ou à la natation", les Bleus racontent leur choix gagnant de rester cloîtrés au village olympique
L’initiative est venue des joueurs eux-mêmes. Et elle a évidemment été applaudi par le staff. Avant le début des Jeux olympiques de Paris 2024, les volleyeurs français ont scellé une sorte de pacte alors qu’ils se trouvaient en stage à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Avec la promesse de se montrer particulièrement studieux durant la quinzaine, en évitant de se rendre sur d’autres sites d’épreuves, de sortir le soir ou de se balader en ville pour profiter de l’ambiance. Comme ils l’avaient fait il y a trois ans à Tokyo, en raison de la pandémie de Covid, les Bleus sont restés dans leur bulle au village olympique de Saint-Denis. Et ils n’en sont sortis que pour venir enflammer l’Arena Paris Sud, jusqu’à leur deuxième sacre historique, ce jeudi, au terme d’une finale dominée face à la Pologne (3-0).
"On a eu des réunions. On s’est dit les choses. On savait comment on voulait aborder ce tournoi, explique Trévor Clévenot, auteur d’une compétition époustouflante. C’est tellement particulier les Jeux. C’est tellement dur qu’il faut créer notre bulle. Et on l’a fait. On a été hyper soudés et c’est magnifique de finir comme ça." "On s’est mis des règles sur le fait qu’on ne sortirait pas, pour rester entre nous dans le village, complète Kevin Tillie. On voyait toutes les équipes qui amenaient leur famille, qui partaient dans Paris. Et nous, on restait au village, concentrés. Ça paye derrière, donc c’est génial."
"On n’était pas là pour vivre les Jeux comme tout le monde"
Même satisfaction chez Jean Patry, meilleur marqueur de la finale (17 points) malgré un petit virus contracté il y a deux jours: "On savait que ce serait complétement différent ici à Paris, parce qu’il n’y a pas le Covid. Il y a beaucoup plus de possibilités de s’éparpiller et finalement, on a décidé tous ensemble de rester dans le village pour ne pas se disperser. On a vu que la famille d’autres joueurs ou d’autres équipes venait dans le village. Nous, on a trouvé ça un peu décalé parce qu’on joue quand même la plus grande compétition de volley. Ce n’est pas du tout le moment de s’éparpiller et de penser à d’autre choses que notre groupe. On n’était pas là pour vivre les Jeux comme tout le monde, en regardant des épreuves. Et ça fait partie de notre réussite, je pense."
"On a fait exprès de rester qu’entre nous au village, appuie Barthélémy Chinenyeze. En deux semaines, on a vu nos familles qu’une fois pendant une heure. On a vraiment décidé de rester soudés, comme on l’avait fait à Tokyo. On n’est jamais sortis, on était tout le temps ensemble. Ça a fait notre force par rapport à d’autres équipes. On a vu les Italiens qui sont allés voir la natation ou d’autres disciplines. Nous on s’est dit qu’on allait rester dans nos JO. Bien sûr qu’on aimerait bien aller voir d’autres sports, Léon Marchand ou je ne sais qui, mais on avait une compétition à gagner."
"Les Américains n’étaient jamais au village"
Antoine Brizard aussi salue les effets positifs de ce quotidien en vase clos: "A Rio, ils l’avaient un peu payé le fait de s’éparpiller (élimination en poules). A Tokyo, c’était un peu forcé (en raison du Covid), donc là ça nous tenait à cœur de rester bien concentrés sur notre tournoi. On voyait les Italiens allaient voir des matchs de basket, de beach… Ils n’étaient pas ensemble. Les Américains n’étaient jamais au village. On se disait que ça ferait peut-être la différence à la fin."
Durant toutes ses journées en Seine-Saint-Denis, le temps a tout de même paru un peu long. Les Bleus ont dû se trouver des occupations loin des festivités de Paris 2024. "On a regardé les Jeux, sourit Brizard. On s’est dit que c’était important qu’on se fasse chier ensemble, comme à Tokyo. On a maté la télé, on a fait de la récup et on a pas mal jouer à Undercover." Le jeu de société en ligne, dont le but est de découvrir l’identité des autres joueurs pour les éliminer, a bien occupé les volleyeurs. Le meilleur bluffeur de la bande? "Nicolas Le Goff, parce qu’il le prend personnellement, s’amuse Jean Patry. Il essaie de te convaincre, limite tu as peur. Il est pas mal à ce jeu."
"On fait tout ensemble, on ne se lâche pas"
Ces moments de groupe ont permis de souder encore plus les hommes du coach italien Andrea Giani. "On se connaît par cœur, confirme Barthélémy Chinenyeze. On s’amuse, même quand on chille tous ensemble sur un balcon. On joue à des jeux à la con, on écoute de la musique, on regarde des films et des séries. On fait tout ensemble, on ne se lâche pas. C’est ce qui fait notre force." Une force qui a permis à la bande de potes de marquer l’histoire du sport. De manière magistrale. "Ce groupe a quelque chose de spécial, souffle Earvin Ngapeth. Vraiment spécial. On aime passer du temps ensemble, souffrir ensemble, aller au bout de la terre pour jouer au volley ensemble."
"On est une belle famille. On est des frères, renchérit Trévor Clévenot. On vit tous les étés ensemble depuis dix ans. On se connaît par cœur, on se respecte. On sait se parler. L’énergie qu’on a sur le terrain vient aussi de ce qu’il se passe en dehors. Et ça se ressent." Derrière les tauliers, les remplaçants apportent également un supplément d'âme. "Ceux qui sont un peu moins sur le terrain sont d’une aide incroyable, salue Nicolas Le Goff. A chaque point un peu important, toute l’équipe rentre presque sur le terrain. Ça donne une force inimaginable."
"A Los Angeles, il faudra qu’on se trouve un nouveau jeu"
Reste à savoir comment évoluera ce groupe de champions dans les mois à venir. Certains profiteront peut-être du doublé inoubliable pour prendre leur retraite internationale. "On verra ce qu’il se passera, souffle Trévor Clévenot. Paris 2024, c’était un gros projet pour tout le monde. Il faut voir qui continue, qui arrête, au niveau des joueurs et du staff. Beaucoup de choses vont être remises en question avant de repartir sur un projet de quatre jusqu’à Los Angeles." D’ici là, "il faudra qu’on se trouve un nouveau jeu", glisse Barthélémy Chinenyeze, avant d’annoncer une fête mémorable pour cette nouvelle médaille d’or: "On ne va pas dormir pendant trois jours!"