JO 2024: pourquoi les "puristes" sont très critiques envers l’évolution de l’escalade

C’est une opposition de longue date. Celle entre les défenseurs d’une escalade accessible à tous... et les puristes de la discipline. "Les puristes? On va plutôt dire les historiques", glisse Alain Carrière, président de la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME).

Alors que les épreuves olympiques d’escalade se disputent jusqu’à ce samedi 10 août sur le site du Bourget, devant un public conquis, le dirigeant doit encore s'accommoder des critiques des "pro-montagne", qui ne voient pas d’un bon œil l’évolution de l’escalade.

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En France, la pratique suscite un énorme engouement grâce au développement des salles. Actuellement, 120.000 personnes sont licenciées dans l'Hexagone, un chiffre qui a doublé en l’espace de 12 ans. Cette donnée n’inclut pas les salles privées, qui se développent encore plus vite que les salles publiques et les clubs. Ni le nombre total de pratiquants, estimé entre un et deux millions. "On est le plus indoor des sports outdoor", lâche Alain Carrière. "L’escalade indoor est devenue une activité à part entière, qui vient de l’escalade mais qui est une activité en tant que telle et qui se pratique aussi dans les villes." Et ça ne plaît pas aux plus nostalgiques.

Nostalgiques de la "vraie" escalade

Les "historiques", eux, défendent l’escalade dans les grands espaces, le sentiment d’évasion, le goût du risque et l’impression de ne faire qu’un avec la nature. Ils ne conçoivent pas que cette pratique puisse être tarifée et organisée dans un espace clos. Pour eux, la mise en compétition des grimpeurs est également une hérésie. "L’escalade, c’est le dépassement de soi, c’est un défi que l’on se lance à nous-même. La mise en concurrence avec les autres, comme c’est le cas en compétition, ce n’est vraiment pas ma conception de l’escalade", grince Emma, venue assister aux épreuves olympiques pour faire plaisir à son compagnon.

"Il y a une résistance au changement", indique le président de la FFME. "L’escalade est un sport qui vient de la montagne. Il y a 50 ans, on allait en montagne pour grimper. Depuis les années 80, il y a un engouement pour l’escalade en falaise, donc on n’était déjà plus en haute montagne. Les nostalgiques de la 'vraie' escalade, qui se passe sur rocher, ce n'est pas notre approche à la Fédération. On vise une diversification des pratiques. L'escalade se pratique toujours en montagne mais aussi sur la résine ou en vitesse. On s’enrichit par la diversification des pratiques."

Le DTN de la Fédération française est lui-même... guide de haute montagne

Cette diversification des pratiques passe donc par l’apparition des épreuves d’escalade de vitesse, décriées par les puristes, qui estiment que cela n’a rien à voir avec de la "vraie" ’escalade. Mais aussi par l’accessibilité au plus grand nombre. La prolifération des salles en milieu urbain permet de pratiquer à la sortie du boulot, avec une paire de chaussons comme simple matériel requis. "En falaise, les gens osent forcément moins y aller. Il faut être accompagné. C’est autre chose, il faut apprendre", ajoute Alain Carrière. "Mais la plupart des pratiquants de notre Fédération font de la salle et de l’outdoor."

Même si tout semble opposer les défenseurs de la pratique en haute montagne et ceux ouverts à une pratique indoor, les dirigeants actuellement en poste à la FFME viennent eux même de l’escalade en pleine nature. Alors qu’Alain Carrière a découvert cette discipline dans les massifs, Pierre-Henri Paillasson, Directeur technique national (DTN) à la Fédération, est lui-même… guide de haute-montagne.

"Les gens aiment bien opposer, mais l’escalade renverse tout", clame le DTN. "Parmi les gens de très haut niveau, qui ont appris sur les murs d’escalade et les prises artificielles, il y en a énormément qui se sont retrouvés, comme moi, guide de haute montagne. L’opposition, ça ralentit l’évolution de notre sport, c’est tout", conclut-il. Ce n’est pas Oriane Bertone, qualifiée pour la finale de l’épreuve combinée aux JO de Paris (ce samedi 10 août) après avoir découvert l’escalade dans la montagne réunionnaise, qui dira le contraire.

Article original publié sur RMC Sport