JO 2024 (pentathlon moderne): comment les cavaliers se préparent à devenir des "Ninja Warriors" pour les prochaines compétitions
Les 15.500 spectateurs du stade posé dans le jardin du Château de Versailles vont vivre un moment d’histoire dimanche sur les coups de 11h. Pour la dernière fois de son histoire, le pentathlon moderne s’ouvrira par l’équitation lors de la finale femmes avec les deux Françaises Elodie Clouvel et Marie Oteiza. Le scandale du cheval frappé lors des Jeux olympiques de Tokyo 2021 par l’entraîneuse de l’Allemande Annika Schleu (qui a concouru sous le nom Zillekens samedi) a poussé la Fédération internationale à mettre un terme à l’épreuve de saut d’obstacles après les Jeux olympiques de Paris 2024.
Monkey bar, roues, poutre... sur un parcours de 70m
L’idée de rafraichir cette épreuve historique des JO date de plusieurs années. Le scandale en mondiovision du cheval battu a scellé la disparition de l’équitation et son tirage au sort attribuant au hasard un cheval méconnu à chaque participant. "C’est la fin du pentathlon avec l’équitation et ça nous fait quelque chose", confie, ému, Jean-Baptiste Murcia, 11e de la finale samedi. A la place, les instances ont opté pour une discipline qui n’a strictement rien à voir: le parcours d’obstacles comme l’émission "Ninja Warrior". Cette modification intervient douze ans après une autre refonte, celle du tir et de la course en une seule épreuve combinée (la laser-run) mais aussi la réduction de son temps (90 minutes, contre plusieurs jours à ses débuts.
Désormais, les participants devront franchir huit éléments sur un tracé de 70 mètres, avec des "Monkey Bar" (ces échelles suspendues à l’horizontal), des roues qui basculent, des numéros d’équilibre sur une poutre ou un mur d’un mètre 50 à franchir dessus, puis dessous. Six éléments sont imposés par la Fédération internationale et deux sont laissés au choix de l’organisateur parmi un catalogue proposé.
Le nouveau format émeut l’ancienne école mais séduit la nouvelle. A l’origine (un peu malgré elle) de ce virage radical, l’Allemande Annika Zillekens fait plutôt partie de la première avec un regard curieux sur la suite. "Pour moi, pour l'ancienne génération, c'est un peu triste", explique-t-elle. "Pour nous, l’équitation fait partie du pentathlon et nous aimons nous entraîner avec les chevaux. Cette autre discipline est vraiment différente, il faut d’autres compétences. Mais j’ai vu que les jeunes générations s’amusent beaucoup avec les OCR (obstacle course racing, NDLR). Si vous posez la question à n’importe quel jeune athlète, il vous dira que c’est une bonne décision. Moi, je fais partie de l’ancienne génération, je vais arrêter maintenant, c'était ma dernière compétition. Ce sont donc les jeunes générations qui devraient être satisfaites de ce sport."
Sa compatriote Rebecca Langhrer n’a, elle, pas vécu cette dernière à cheval. Victime d’une chute à l’échauffement, elle n’a pas été autorisée à monter, sacrifiant toutes ses chances de qualifications pour la finale. "Je suis assez triste de devoir partir comme ça parce que j’adore monter et j'aurais adoré profiter de monter dans ce lieu", a-t-elle regretté avant de se projeter sur la mutation de son sport. "Je n’ai pas encore essayé les obstacles, mais je le ferai. Je veux faire au moins une fois des bons Jeux Olympiques dans ma vie. Donc je vais aller à Los Angeles."
A 26 ans, elle fait partie des athlètes qui vivront cette transition de plein fouet, comme la Française Marie Oteiza (30 ans). La Landaise ressent "un pincement au coeur" avec l'arrêt de l’épreuve qu’elle attend "le plus". "Notre sport a besoin de changements", relativise-t-elle. "Les catégories jeunes adorent cette nouvelle épreuve du parcours d’obstacles. L’objectif de ce changement était de rendre le pentathlon plus accessible partout dans le monde. Je pense que ça va marcher, les jeunes catégories ont déjà commencé cette épreuve et ça matche très bien." Concentrée sur son rêve de médaille olympique dimanche, elle ne s’est pas encore penchée sur ce bouleversement.
Le pentathlon, création du baron Pierre de Coubertin, n’a plus grand-chose à voir avec l’original. Dans l’esprit si, rétorque Valentin Prades, 16e. "Ça va faire appel à nos capacités d’adaptation, et c’est dans l’ADN du pentathlète, on est des sportifs à tout faire", ajoute-t-il. "C’est encore à l’image du soldat qui doit s’adapter à son temps. Il n’y a plus de chevaux pour se déplacer, maintenant il faut traverser les obstacles." S’il ne s’y est pas encore mis pour ne pas "ajouter un sixième sport" avant les JO, il s’y penchera après les vacances.
La Fédération a déjà planché sur le sujet en recrutant un nouveau cadre technique. Des jeunes s’y attelent sous les ordres de Simon Casse, responsable du pôle France jeune de la discipline. Lui voit ce "virage à 360 degrés" comme "une opportunité d’évoluer, de se moderniser, de toucher un nouveau public plus jeune, plus dynamique". Il a déjà constaté l’effet "Ninja Warrior". "C’est peut-être quelque chose de moins impressionnant et plus attirant (que le cheval)", analyse-t-il.
"On a fait des compétitions accessibles au public et ça attirait beaucoup de mode très vite"
Les obstacles présentent un aspect plus accessible à double titre: pour le public et les nouveaux pratiquants. "Sur les compétitions de juniors, on a déjà vu des athlètes qu’on ne connaissait pas avant. Ils sont peut-être un peu en retard sur la partie escrime ou natation mais à l’obstacle ont de l’avance. Ils viennent de l’obstacle et découvrent le pentathlon." Le format promet aussi de réduire la durée de l’épreuve par rapport à l’équitation (une minute pour franchir 10 obstacles). "En moyenne, mes athlètes dans la catégorie U22, passent le parcours entre 22 et 30 secondes", situe Vincent Casse. La France commence doucement à se structurer: elle compte deux parcours opérationnels à Perpignan et un autre à Paris, au Paris Racing multiathlon. De nouveaux terrains de jeux pour les téléspectateurs de ce show TV qui va révolutionner l’image du pentathlon.