JO 2024: comment les nageurs en eau libre appréhendent le piège du courant de la Seine
La scène se déroule en mai dernier. Réunis sur une péniche au pied de la Tour Eiffel, les nageurs internationaux de l'équipementier Arena scrutent l’eau brunâtre sous leur pied. "Je suis très heureuse de ne pas être une nageuse d’eau libre…", rigole la Suédoise Sarah Sjöström, nageuse la plus médaillée de l’histoire aux championnats du monde, qui a décroché les titres olympiques du 50m et du 100m la semaine dernière dans les eaux plus calmes de la Paris La Défense Arena. Avant de suggérer: "Ils auraient pu les faire nager en Polynésie française, ça aurait été mieux! Avec les requins!"
La championne du monde du 10km à Fukuoka, Leonie Beck, est plus enthousiaste: "Je pense que notre sport va avoir l’un des plus beaux spots de ces Jeux à Paris", assure l'allemande. "Nager dans la Seine ce sera incroyable. Je pense que c’est une bonne publicité pour notre sport. J’ai juste hâte de nager en plein milieu de la ville, de Paris avec cette vue sur la Tour Eiffel!" Et quand elle se penche sur le bord de la péniche pour regarder l'eau, ce n'est pas la qualité qui l'interpelle. "La première chose que j’ai vu surtout c’est qu’il y a beaucoup de courant", dit-elle dans un sourire. "Et je me suis dit, ok on est supposé nager là-dedans (rire)!" On lui suggère alors que dans quelques semaines le débit estival sera plus clément et que les pluies abondantes du moment (en mai dernier) étaient responsable de ce fort courant: "J’espère que ce que vous dites est vrai..."
Sauf que le débit de la Seine était encore ce mardi trois fois plus important qu'en temps normal début aout. "Ça va être du sport!", résume Stéphane Lecat le patron de l'eau libre française. Il va y avoir une grosse différence entre la descente et la remontée. D'habitude on ne nage pas contre le courant. Il n'y a pas de parcours en coupe du monde où on a ce type de choses. Techniquement il faut s'y prendre différemment, il faut accepter de nager contre le courant donc c'est des sensations complètement différentes. En termes de gestion physique il faudra vraiment être prudent."
Selon les premières estimations après l'entraînement de mardi, le retour face au courant sur cette boucle de 1600m pourrait prendre deux fois plus de temps que l'aller avec le courant dans le dos.
"L'eau n'est pas très claire et il y a beaucoup de courant"
Sur la péniche également en mai dernier, le tenant du titre olympique du 10km l'allemand Florian Wellbrock reste stoïque: "C'est la première fois que je viens à Paris, et la première fois que je vois le fleuve. L'eau n'est pas très claire et il y a beaucoup de courant. Sur le retour on va faire du sur place! Je suis excité à l'idée de nager ici."
Comme sa compatriote, il a noté le fort courant. "Ça fait partie du jeu de devoir s'adapter aux différentes conditions et d'être prêt à tout. Bien sur il y a des choses que l'on ne peut pas anticiper mais ça fait partie du jeu." Et le double champion du monde se projettait déjà sur sa préparation. "J'ai dans ma ville une rivière un peu similaire à ça. On a aussi un "flume" (bassin qui reproduit du courant) où l'on peut s'entraîner tous les jours dans cette situation je pense que je serai bien préparé." Mais même préparé, il avoue être un peu dans le flou sur les conséquences tactiques sur la course: "Pour être honnete, je n'en ai aucune idée... Normalement nous nageons dans des lacs, les océans... Ce sera ma première course dans un fleuve avec du courant. Donc c'est une nouvelle situiation pour tous les athlètes et personne ne sait ce qu'il se passera dans la course. Bien sur ce sera important d'avoir une tactique car c'est de l'eau libre, mais c'est aussi important d'avoir un plan B pour réagir si les choses ne se passent pas comme prévu. C'est vraiment excitant."
Ce mardi matin, alors qu'il sortait du premier entraînement dans la Seine, Marc-Antoine Olivier avat la confirmation que le courant jouerait fortement sur la course de vendredi. "C'est de l'eau libre, c'est de l'adaptation et ça peut être un de mes points forts, assurait le vice-champion du monde en février dernier du 10km. Avec le courant on peut s'épuiser plus facilement et ce sera d'autres stratégie. Tout le monde aura sa petite stratégie et j'ai hâte de voir ce que les autres nageurs vont mettre en place. Et comment moi je vais m'adapter. J'ai un bon plan dans ma tête et on a assez d'expérience pour tout mettre en place pour que ça fasse une belle course. La préparation a été très bonne. Je suis très content d'arriver à ce niveau-là vendredi et j'ai hâte d'y être."