JO 2024: le kayak cross, cette nouveauté spectaculaire où la France a toutes ses chances
Samedi, l’équipe de France a fait carton plein au tour préliminaire: les deux Français et deux Françaises engagés ont terminé en tête de leur match. En kayak cross, quatre concurrents (ou trois samedi pour les séries qui concernaient les mieux classés) s’élancent en même temps d’une rampe à plusieurs mètres au-dessus de l’eau, les 23 portes à éviter sur le slalom sont remplacées par huit bouées qui peuvent être touchées par les concurrents et ce n’est plus le chronomètre qui est juge, mais la seule place à l’arrivée.
>> EN DIRECT - Toutes les infos sur les JO 2024
Une nouveauté qui séduit les spectateurs venus garnir les tribunes de Vaires-sur-Marne comme Grégoire, qui assiste à sa première compétition du genre: "Je découvre et c’est vraiment un plaisir, c’est top! Ce qui me plait dans le cross, c’est la bagarre!, s’enthousiasme ce Parisien. C’est différent du slalom, plus spectaculaire, oui, c’est le mot parce qu’ils peuvent se donner des petits coups, c’est vraiment cool." Les contacts entre pagaies et embarcations sont en effet autorisés, mais avec interdiction de toucher le corps des autres kayakistes.
Julien a lui découvert en regardant sur ses billets qu’il n’allait pas assister à du slalom, mais à du kayak cross: "Il y a de l’affrontement, c’est très fun à regarder. C’est un peu le même style que le ski cross ou le BMX." Et son fils de 14 ans à ses côtés, Alexandre, acquiesce: "Je ne connaissais pas, c’est cool! Souvent, ça se casse la gueule (sic), c’est ce qui change du slalom individuel." Le kayak cross impose aussi une figure à réaliser dans une portion du parcours, un esquimautage où les concurrents doivent effectuer une rotation latérale à 360 degrés en mettant la tête sous l’eau, une manœuvre de sécurité à laquelle sont habitués les slalomeurs qui a été intégrée au kayak cross pour son aspect visuel spectaculaire là encore.
Une discipline qui n’a pas fait l’unanimité au départ
Tony Estanguet, le triple champion olympique de canoë devenu président du comité d’organisation de Paris 2024, est un promoteur de longue date du kayak cross. Alors vice-président de la Fédération internationale de canoë-kayak, il avait fait en sorte de l’introduire en démonstration sur la Coupe du monde de Pau, dans son fief, en 2015. Deux ans plus tard, le kayak cross était intégré aux Championnats du monde, qui se déroulaient également à Pau. Jusqu’à se faire une place dans le programme olympique, pour la première fois à Paris. Mais pour les slalomeurs, cette nouvelle spécialité a nécessité un changement de culture.
Qualifié d’office pour la kayak cross aux JO grâce à sa sélection pour le K1 slalom, où il a décroché jeudi une médaille d’argent, Titouan Castryck n’était pas des plus enthousiastes quand il a débuté le kayak cross: "Je ne suis pas forcément trop le profil, ça convient mieux à des profils plus lourds et très puissants, reconnaît le Breton. On passe de bateaux de 9 kilos en slalom à 18 kilos en cross, ça donne une petite larme à l'œil au début quand même de monter dans des bateaux si lourds et de ramer avec un poids comme ça aux jambes. Donc quand on m’en parlait, j'étais plutôt froid pour aller me faire bouger et "prendre tarif"." Mais le kayakiste de 19 ans s’est ravisé: "C'est une chance de de nouvelle médaille olympique, donc forcément tout le monde est motivé, même si c'est une discipline qu’au début, on a un peu rejeté."
Pour Boris Neveu, la perspective est différente. A 38 ans, le Bigourdan qui s’est construit un solide palmarès en K1 (deux fois Champion du Monde, Champion d’Europe notamment), a vu dans le kayak cross un nouveau défi, et une seconde chance de disputer les JO de Paris après n’avoir pas été sélectionné par le staff tricolore pour le K1. "Cela fait 20 ans que je fais du slalom... Avec le cross, on a plein de choses à apprendre, à trouver, à faire évoluer comme le matériel, les techniques, la préparation aussi, souligne Boris Neveu. Cet aspect de confrontation directe, où il y a des contacts, s'habituer à aller pousser l'autre dans les plots, l'empêcher d'avoir une porte, partir plus vite sur la rampe de départ... Des petites choses comme ça, des stratégies, où on ne maîtrise pas tout, où il faut savoir s'adapter, c'est vraiment sympa! Cela demande moins de précision, de finesse de navigation que le slalom, on est plutôt sur de la force explosive." Le Pyrénéen est vice-champion du monde en titre de kayak cross, et a remporté la Coupe du monde de Vaires-sur-Marne dans la spécialité en octobre dernier.
La France en haut de la hiérarchie internationale
Depuis près de trois ans, le staff tricolore s’est doté d’un entraîneur consacré uniquement au kayak cross avec Frédéric Rebeyrol. Les résultats sont là: ces trois dernières saisons, il y a toujours eu un Français sur les podiums en compétitions internationales, et les Françaises commencent aussi à se montrer. Camille Prigent a ainsi remporté deux médailles d’argent aux Championnats d’Europe et à la Coupe du monde d’Augsbourg au printemps, tandis qu’Angèle Hug a remporté la Coupe du monde de Prague qui faisait office de tournoi de qualification olympique, permettant à l’Ardéchoise d’être sélectionnée in extremis pour les JO également.
https://serviciel.bfmtv.com/iframe/eyJ0eXBlIjoiam9fdGFibGVhdV9tZWRhaWxsZXMiLCJpZCI6ImpvX3BhcmlzXzIwMjRfdGFibGVhdV9tZWRhaWxsZXMiLCJlbnRpdHkiOiJ0b3BfMTAifQ%3D%3D
"Aujourd'hui, on est plutôt en haut de la hiérarchie internationale, avec les Anglais, estime Frédéric Rebeyrol. Nous avons intégré très tôt le kayak cross dans nos modalités de sélection." Les séances spécifiques kayak cross permettent de se focaliser sur la confrontation directe avec les adversaires, propre au kayak cross: "On doit s'entraîner à avoir des temps forts, des temps faibles, à prendre une décision, à l'assumer et s'y engager pleinement. La grande différence, c'est d’accepter que l'autre puisse te gêner dans ton "run", et intégrer stratégiquement qu’on puisse aller gêner l'autre dans son "run", donc on fait des séances spécifiquement sur l'attaque, sur la prise d'information et sur la prise de décision, être capable d’évaluer à quelle distance est l'adversaire, ses forces et ensuite se lancer dans l'action."
Les chances de médailles sont réelles côté tricolore, Camille Prigent a notamment à cœur de faire mieux que sa sixième place en finale du K1 la semaine dernière: "C’est un jeu avant tout le cross, on ne contrôle pas tout et ça dépend aussi des adversaires, mais bien sûr que j’ai des ambitions en termes de résultats. Ce bassin colle un peu, ne va pas très vite, il faut beaucoup faire avec notre force et c’est quelque chose qui m’avantage. J’ai la forme en ce moment, je sens que je peux faire la différence là-dessus surtout sur un run de plus de 70 secondes." Les manches éliminatoires ont lieu ce dimanche après-midi, puis lundi il faudra enchaîner les quarts de finale, la demi-finale, puis la finale pour être parmi les premiers médaillés olympiques de l’histoire en kayak cross.