JO 2024 (eau libre): pourquoi les nageuses rasent au maximum les murs dans la Seine

Des nuées d’éclaboussures le long des murs. Comme pour les épreuves de triathlon, les nageuses de l’épreuve du 10 kilomètres en eau libre ont longé les quais tout au long des six tours entre le Pont Alexandre III et le pont de l’Alma en passant sous celui des Invalides, ce mercredi. Le très fort courant était redouté et il a essoré la très grande majorité des 24 participantes de cette course remportée par la Néerlandaise Sharon van Rouwendaal devant l’Australienne Moesha Johnson et l’Italienne Ginevra Taddeucci.

"On se collait au maximum, on se tapait le mur"

"Beaucoup de nageuses étaient surprises de ce type de course", constate la Hongroise Bettina Fabian, 5e. "J’ai eu l’occasion de nager dans le Danube deux fois avant donc je savais ce qui allait se passer. Quand nous devions nager contre le courant, il fallait coller le mur parce qu’il n’était pas aussi fort ici. Et quand nous descendions (à l’aller) nous devions être au milieu du fleuve parce que c’était plus rapide. Il fallait nager intelligemment."

La Française Océane Cassignol, 7e, confirme avoir vécu plus de deux heures éreintantes. Et la recherche du bord a participé à cette immense fatigue. "C’était pire que ce qu’on pensait", souffle-t-elle. "C’est comme si on faisait de la musculation, on faisait deux coups de bras là où on en fait un normalement, c’était un double effort à faire. Coller la berge, prendre les ronces, c’était difficile, très technique, on longeait, on se collait au maximum, on se tapait le mur, c’était difficile."

Elle assure avoir subi la course "la plus dure" de sa carrière. "Le courant, c’est une chose que peu de gens aiment, moi j’aime plus les vagues mais on est des nageurs d’eau libre, on doit s’adapter", rappelle-t-elle. "C’était une course très difficile mentalement et physiquement comparé à celles en mer où on est porté par le sel. Là, on est dans un fleuve où il y a du courant.

"N’importe qui ne peut pas nager là-dedans"

L’équipe de France avait bien identifié ce point. "C’était annoncé", rappelle Stéphane Lecat, directeur de l’équipe de France de l’eau libre. "Nager contre le courant, c’est difficile, ça demande beaucoup d’effort et il faut aussi beaucoup de lucidité parce qu’il faut bien se placer. Ça fait trois ans qu’on travaille avec des gens de polytechnique sur le courant, le placement, réduire la résistance. On a fait le taf." Il a d’ailleurs noté d’autres points-clés lors de la course des filles qu’il transmettra aux garçons au départ vendredi.

Caroline Jouisse, 8e, pourra y apporter un écho. "Plus on est sur le bord, moins on sent le courant", explique-t-elle aussi. "C’était dur sur les deux bouées du fond, il fallait essayer de rejoindre le bord et vraiment de longer le plus possible pour avoir moins le courant. Dès qu’on se décalait un peu, on le sentait vraiment beaucoup plus fort." Les nageuses se sont alors livrées une drôle de guerre pour la place la plus collée. "Oui clairement, il fallait longer le mur", sourit-elle.

Toutes n’y sont pas parvenues à l’instar de l’Allemande Leonie Beck, double championne du monde du 5 et 10km en 2023 mais seulement 9e ce jeudi. "Le courant était trop fort pour moi, je n’ai pas été capable de le battre", a-t-elle regretté. "J’ai essayé de prendre le moins de courant possible mais même contre le mur, je me battais sur chaque mouvement de bras pour gagner un centimètre. C’était impossible."

La Monégasque Lisa Pou (14e) s’est aussi déportée le maximum à droite "sinon nous ne pouvions pas avancer". "C’était la survie tout le long", ajoute-t-elle. "Je ne m’attendais pas du tout à morfler autant. Je suis très contente d’avoir nagé dans la Seine parce que ça a attiré beaucoup de monde et ça fait plaisir que les Français s’intéressent à l’eau libre."

"Après, c’est bon, une fois dans la Seine mais plus jamais je pense, c’est fini!"

"Si vous ne voulez pas avoir de telles conditions, vous pouvez aussi bien faire un 10 km en piscine", tranche l’Australienne Moesha Johnson en argent après un gros combat avec Sharon van Rouwendaal. Mais elle concède avoir perdu son duel justement à cause du courant sous dernier pont des Invalides.

"En passant sous le pont, il y a ces piliers, et cela change vraiment l'intensité du flux de courant, et il y avait deux options", explique-t-elle. "Je savais que quelle que soit l'option que je prendrais, elle irait dans l'autre. Je suis restée fidèle à ma ligne, et c'est là que nous nous sommes battus pour nous positionner. A cause des courants, en gros, peu importe qui sortait en tête, c'était vraiment difficile de se dépasser. J'ai suivi ma ligne, je m'y suis tenue. Elle a suivi sa ligne, elle s'y est tenue, et c'est évidemment là qu'elle m'a probablement dépassé et réussi son coup."

Article original publié sur RMC Sport