JO 2024 (cyclisme): et si Paris obtenait sa classique ou changeait son étape du Tour après le succès de la course olympique?

Un tracé long (273 kilomètres), une triple ascension de la butte Montmartre dans une ambiance survoltée et des drapeaux belges, français et néerlandais un peu partout. Il régnait un petit air de classique sur la course en ligne hommes des Jeux olympiques de Paris 2024 remportée par Remco Evenepoel devant les deux Français Valentin Madouas et Christophe Laporte, ce samedi. Le casting n’avait certes pas grand-chose à voir avec les Flandriennes ou les Ardennaises. Seulement 90 coureurs, dont quatre maximum par équipe, avaient pris le départ dans un peloton avec des différences entre les grosses et petites nations. Malgré cela, assister une course avec un tel enjeu dans les rues des Paris est une rareté disparue depuis la fin des années 1980.

"Je n’ai jamais vécu ça de toute ma vie, même sur le Tour de France"

Le Tour de France accueille bien la dernière étape sur les Champs Elysées mais la prestigieuse arrivée au sprint est précédée d’une longue procession sans intérêt. Alors ce tracé long et épuisant avec 2.800 mètres de dénivelé a mis en papille les amateurs de vélo. "S’il y avait une classique comme ça à Paris, ça serait bien, je regarderais, c’est sûr", confie un supporteur néerlandais rencontré en haut de la butte Montmartre. Médaillé de bronze, Christophe Laporte était plutôt séduit par l'idée après avoir coupé la ligne d'arrivée.

"Ce serait sympa, je ne sais pas si les Parisiens vont aimer..."

"C’était incroyable, le monde, le public dans Montmartre", reprend le Varois. "Le bruit, c’est quelque chose de difficile à décrocher, on est presque content dans la descente et qu’il y a moins de bruit. Ça fait mal aux oreilles et ce sont des souvenirs gravés pour la vue."

Même point de vue pour Valentin Madouas, héroïque et en argent. "J’ai trouvé le parcours super", savoure le Breton. "Quand on voit Montmartre, on se dit c’est incroyable. L’ambiance qu’il y avait, je n’ai jamais vécu ça de toute ma vie, même sur le Tour de France. J’avais mal aux oreilles jusqu’à l’arrivée pendant 20 minutes après la ligne, ça me faisait vraiment mal, il y avait un bruit tellement fort, j’avais l’impression d’avoir des écouteurs à fond, c’était magnifique."

Thomas Voeckler, sélectionneur de l’équipe de France, n’a lui pas pris le temps de savourer le tracé pour se faire un avis. "Franchement, je n’ai pas regardé", lance l'ancien maillot Jaune du Tour de France. "J’ai dit à mon pilote: ‘je ne peux pas apprécier l’évènement, je ne suis pas là pour ça, j’apprécierai plus tard." A-t-il préparé ses ouailles à la manière d’une classique? "On n’a fait comme j’étais convaincu, je leur ai demandé de me faire confiance", explique-t-il. "Compte tenue de nos forces, je savais qu’il y avait une manière d'y arriver. Faire deux et trois, c’est le bonus. Une médaille ou le titre, je savais que c’était possible. Ça aurait été un Tour de France avec un classement général et des étapes de montagne, ça n’aurait pas été possible. Sur un parcours comme ça, il y aura des nations satisfaites, d’autres déçues."

Alors, bientôt une classique à Paris? Dans les faits, cela semble illusoire. "Il n’y a aucune chance que cela arrive", coupe court Marc Madiot, manager de la formation, Groupama-FDJ. "C’est trop compliqué à organiser en région parisienne. Les problèmes d’autorisation, de circulation et il y a le mobilier urbain – dès qu’on s’approche de Paris, qui est très compliqué. Quand on organise les Jeux olympiques, les portes s’ouvrent beaucoup plus facilement et c’est naturel mais si vous voulez organiser un évènement qui n’a rien à voir sur une simple journée dans Paris en vélo, ne rêvez pas."

La ville de Paris propose de changer le tracé de la dernière étape du Tour

La capitale française fut bien le théâtre de nombreuses compétitions de vélo. "Mais il y a longtemps que c’est fini", tranche Cyrille Guimard, ancien directeur sportif de Bernard Hinault chez Renault. "C’est fini depuis 1967-68. A l’époque, il y avait énormément de classiques, vous aviez Paris-Rouen, Paris-Evreux, Paris-Vailly, Paris-Cayeux qui partaient de Paris ou de Versailles pour la plupart. Elles ont progressivement été annulées parce qu’on les faisait partir à 6h le dimanche matin. Aujourd’hui, il y a trop de trafic, c’est impensable de bloquer la périphérie de Paris pour une course cycliste un week-end. Il n’y a que le Tour de France qui peut le faire et c’est en juillet."

Pour Marc Madiot, le dernier souvenir d’un combat dans les rues parisiennes remonte à 1979 quand Bernard Hinault avait gagné sur les Champs Elysées avec le maillot jaune après une échappée déclenchée dans la vallée de Chevreuse avec le Néerlandais Joop Zoetemelk (en 1979) "Mais ce qui avait été fait avec Hinault et Zoetemelk à cette époque est inenvisageable aujourd’hui", estime-t-il. "On en est au point où, quand on arrive sur les Champs, les temps sont neutralisés à cause des risques de chutes, de crevaisons et d’incidents mécaniques. On sait que sur les Champs Elysées, de tout le Tour de France, c’est l’endroit où on crève le plus."

"C'est un exemplaire unique", assure Madiot

Pour le double vainqueur de Paris-Roubaix en 1985 et 1991, l’explication de ce samedi n’engendrera pas de petite sœur. "C’est une course atypique qui est l’épreuve olympique une fois par siècle. L’exemplaire que vous voyez aujourd’hui à Paris sera unique et c’est pas plus mal." La ville de Paris a tout de même soumis l’idée au Tour de France d’emprunter ce tracé plutôt que celui qui sert de défilé lors de la dernière étape. Matteo Jorgenson, coureur américain, a d’ailleurs trouvé l’idée plutôt bonne à l’arrivée. "Oui, ce serait sympa", a-t-il déclaré.

Malgré l’incroyable ferveur de la butte Montmarte et le combat haletant mené pour la médaille, cette course restera sans lendemain pour Marc Madiot. "Ce qui compte, c’est le prestige", estime-t-il. "Les coureurs et la course sont passés en permanence dans des endroits prestigieux, ça a ajouté au retentissement de l’évènement et de la journée. Il y a eu des images fantastiques, c’est une journée à la fois vélo et carte postale. Mais c’est un exemplaire unique. "

Article original publié sur RMC Sport