JO 2024 (boxe): "Corruption, trafic d’influence, argent douteux", le comité olympique algérien charge l’IBA, qui a "jeté en pâture" Imane Khelif
Ammar Brahmia, comment avez-vous vécu la médaille d’or décrochée par Imane Khelif à Roland-Garros, ce vendredi, aux Jeux olympiques de Paris 2024?
Tous les Algériens étaient derrière elle parce qu’ils estiment qu’elle a été lésée lors de son exclusion des Championnats du monde de New Dehli en mars 2023 (l’IBA a affirmé qu’Imane Khelif avait échoué à un test destiné à établir son genre, sans préciser de quel examen il s’agit, NDLR). L’IBA a tout simplement changé les règles en cours de route. Ça a été ressenti comme une injustice. Les Algériens voulaient qu’Imane soit rétablie dans ses droits, parce que c’est une femme. Pour ceux qui ne veulent pas comprendre, nous pouvons leur dire qu’Imane est une femme. C’est bon, il faut arrêter cette histoire. Il y a des gens comme Elon Musk, qui ne connaissent rien au sport, ou même Donald Trump, qui s’ingèrent dans des affaires qui ne les concernent pas, pour essayer de faire le buzz ou de se préparer à des élections. C’est inacceptable. Nous sommes un comité olympique respectueux des règles et de toutes les dispositions qui régissent le fonctionnement des instances internationales. Mais nous voulons aussi être respectés. Là, notre athlète n’a pas été respectée, parce qu’elle a été jetée en pâture.
Est-ce à cause d’une lutte de pouvoir entre l’IBA et le CIO?
Non, pas du tout. C’est faux. Le CIO organise les Jeux olympiques et il a ses propres règles. Il ne fait que les respecter. Je ne comprends pas que l’IBA continue à s’agiter. L’IBA n’existe plus. Dans le système sportif mondial actuellement, c’est comme si vous étiez une fédération nationale de foot et que vous vouliez vous battre contre la Fifa. Ça ne peut pas exister. Soi vous êtes dedans, soit vous partez seul de votre côté. L’IBA n’existe plus. Ils doivent comprendre qu’ils ont eu un fonctionnement qui ne respectait pas les règles. C’est une organisation un peu… Je ne voudrais pas utiliser un terme blessant. Mais on ne peut pas essayer tout gérer avec l’argent, la corruption ou les trafics d’influence. Dès le début, nous avons dit que l’Algérie ne pouvait pas accepter ce que fait l’IBA et son président (le Russe Umar Kremlev). Ça n’a rien à voir avec la politique, puisque nous sommes d’accord sur beaucoup de points avec la Russie. Mais nous ne pouvons pas accepter que des personnes, quel que soient leurs origines, puissent ne pas nous respecter. Ces gens utilisent un argent dont on ne connaît pas l’origine pour essayer d’imposer des nouvelles règles.
Il y a eu élan national en Algérie autour d’Imane Khelif…
Le peuple algérien est très sportif. Nous sommes des passionnés de boxe. Ce n’est pas d’aujourd’hui. Il y a beaucoup de ferveur lorsqu’il y a un combat de boxe en Algérie. Avec cette injustice contre Imane, on a voulu empêcher le peuple algérien d’être heureux et il s’est mobilisé. Vous avez vu l’ambiance qu’il y avait sur le central de Roland-Garros? C'est un lieu mythique. C’est incroyable. C’était la fête. Ça, c’est un plus pour les Jeux olympiques. C’est une très bonne pub pour les JO et son comité d’organisation.
Malgré toutes les attaques qu’elle a subies, Imane Khelif n’a jamais chercher à se venger de ses détracteurs. Elle a répondu sur le ring…
Oui, obligé, parce que nous avons décidé de faire face juridiquement à l’IBA. Nous leur avons écrit. J’ai moi-même téléphoné pour alerter sur les conséquences de leurs agissements. Imane a subi un harcèlement, ils se sont acharnés contre elle. C’est inacceptable, donc nous nous sommes réservé le droit d’utiliser tous les moyens légaux à notre disposition pour les remettre à leur place. Apparemment, ils ont encore beaucoup d’argent. Ça serait bien de leur prendre un peu d’argent pour aider les jeunes. Ils sont encore là en train de s’agiter. C’est bon, vous avez fait des erreurs, vous n’avez pas voulu respecter la charte olympique. Vous n’existez plus. Qu’est-ce que vous pouvez faire? L’IBA est allé devant le TAS de Lausanne et ils ont perdu. C’est fini, ils n’ont plus de recours possible.
En remportant sa médaille d’or dans un contexte aussi agité, Imane Khelif est devenue une véritable héroïne au pays…
Oui, c’est sûr, c’est une icône nationale. Là, c’est la fête en Algérie. Les gens ont suivi le combat sur des grands écrans. Ils sont sortis dans la rue. Ça ne se fait que pour le foot normalement. Ceux qui l’ont attaqué en ont fait une icône. Les Jeux olympiques, c’est une guerre pacifique, qui se déroule sur les terrains de sport. A la fin du combat, les Chinois étaient heureux. Ils étaient en train de danser sur de la musique algérienne (sourire).
Comment va se passer son retour en Algérie?
Elle va défier sur un bus à impériale dans les rues d’Alger. Le retour sera organisé par les autorités sur place, parce qu’il y a des questions de sécurité et de protocole. Mais ça va être une belle fête. On l’a déjà vécu avec nos anciens athlètes médaillés. La ferveur sera la même que lors de la victoire à la CAN en 2019.