JO 2024 (athlétisme): maillots amples, chevelures volumineuses… Pourquoi les athlètes font-ils aussi peu d'efforts d'aérodynamisme?

A l’athlétisme, la mise en scène et le look ont leur importance. Au détriment de l’aérodynamisme? Le débat enflamme les spécialistes depuis la finale du 100m la plus dense de l’histoire avec les huit participants pour la première fois sous les 10 secondes. Pour un spécialiste de la question des gains marginaux dans le cyclisme, des maillots moins amples et de "meilleures chaussettes" auraient permis une ligne droite encore plus rapide. Que dire alors d’Usain Bolt, qui a battu le record du monde de la distance en 2009 (9’’58) en se relevant à quelques mètres de la ligne et avec un t-shirt ample?

L’impact des cheveux sur les sauteuses en longueur

L’aérodynamisme intéresse-t-il l’athlétisme? Evidemment au regard des lunettes ultra profilées de certains athlètes comme celle du sauteur en Mutaz Essa Barshim. Les équipementiers se livrent aussi une guerre des meilleurs produits notamment sur les chaussures en tissu, mousse et carbone de plus en plus légères. "Les miennes pesaient 279g la chaussure, on est aujourd’hui à 120g toutes gammes confondues pour le 800m", précise Pierre-Ambroise Bosse, champion du monde du double tour de piste en 2017.

Lors des JO de Sydney en 2000, l’Australienne Cathy Freeman avait triomphé dans une combinaison intégrale révolutionnaire (couvrant même ses cheveux) sur 400m. Un accoutrement qui tranche avec les coiffures très volumineuses de certaines sprinteuses comme l’Américaine Twanisha Terry, cinquième de la finale du 100m. Interrogée sur le choix de sa tenue après ses séries du 100m haies mercredi, la Française Cyréna Samba-Mayela était restée évasive sur la question de l'aéro. "On a des choix de tenues et en fonction de l'humeur du jour, on porte la tenue dans laquelle on se sent le mieux", avait-elle expliqué. Elle avait aussi balayé l'idée d'une potentielle perte de secondes en raison de sa coiffure: "Non, sinon, je ne l'aurais pas faite".

"Dans un sport comme la Formule 1, tout est calculé à la vis près, les frottements, tout ce qui est aérodynamisme, pourquoi ce ne serait pas calculé de la même façon en athlétisme?", interroge Bosse. "Je suis persuadé que les marques font leur équipement en fonction de ça. Il y a aussi une notion de transpiration pour que ce soir agréable pour le corps. L’aérodynamisme est hyper important. Une coureuse sur le 200m avait des dreads, je me suis dit: ‘ils sont tellement au-dessus que ça ne compte pas?’"

Plusieurs chercheurs dont le professeur belge, Bert Bloken, ont publié une étude sur l’impact des coiffures et des vêtements des sauteuses en longueur sur leurs performances à l’ouverture des Jeux olympiques. Selon les calculs de la meilleure configuration (vêtements serrés, tête couverte ou chauve…) à la pire (vêtements amples, cheveux détachés…), ils ont constaté une réduction de traînée de 36,6% dans la meilleure configuration.

"La coiffure et les vêtements peuvent faire varier la traînée de plus de 25 % et la distance de vol de plus de 10 cm, principalement en impactant la vitesse de décollage", explique le résumé de cette long travail. "À long terme, les épreuves de saut en longueur pourraient voir l’introduction de bonnets pour les cheveux et de vêtements à faible traînée pour réduire la résistance aérodynamique et uniformiser les règles du jeu."

Pour Pierre-Amboisse Bosse, le sujet n’est pas encore complètement intégré chez les athlètes. "Des lunettes quand t’as du vent, pourquoi pas?", explique-t-il. "Toutes les données sont importantes à ce niveau. Quand tu es vraiment au-dessus en athlé, il y a moins besoin de te préoccuper de ça en fait. Quand tu es à un niveau intermédiaire, que tu es en demi-finales et que tu vas passer juste, pour moi, ces détails-là sont importants. Il ne faut pas faire une fixette dessus, ça reste la dernière partie du truc, c’est le petit bonus qui peut te faire passer de quatrième à troisième. Je ne pense pas que ce soir hyper important de se préoccuper de ça absolument." La question se pose tout de manière plus insistante.

Article original publié sur RMC Sport