Jeux paralympiques: pourquoi le sprinteur Nick Mayhugh s'est teint son scanner cérébral sur les cheveux
Impossible de le rater depuis les travées du Stade de France. Au-delà des nombreux tatouages qui ornent son corps, c'est par son choix capilaire que Nick Mayhugh se démarque des autres athlètes de ces Jeux paralympiques de Paris 2024. L'Américain de 28 ans arbore une coupe de cheveux détonante: les côtés sont rasés à blanc, le sommet teint en rose et violet. Elle est en réalité inspirée d'un scanner.
"Le haut de ma tête ressemble à un cerveau. Si vous regardez de plus près, vous pouvez voir une lésion sur le côté droit qui affecte la partie gauche de mon corps", expliquee l'Américain au site officiel des Jeux olympiques.
Lors de son entrée sur la piste de l'enceinte dyonisienne avant la finale du 100m T38, le 31 août, Nick Mayhugh a délibérément pointé son index en direction de son crâne. "Je voulais pousser les gens à en parler pour qu'ils comprennent qu'il y a des handicaps invisibles. Des gens comme moi sont en compétition aux Jeux paralympiques et, même si j'ai l'air normal, j'ai des handicaps."
"Un jour doux-amer pour moi"
À l'âge de 14 ans, Nick Mayhugh ne rêve pas d'être athlète. Sa passion à lui, c'est le football. Le soccer, comme on dit outre-Atlantique. Un jour, on lui diagnostique une paralysie cérébrale après une crise d'épilepsie tonico-clonique.
Les docteurs procèdent à des examens et remarquent une lésion sur le cerveau de l'adolescent, causée par un arrêt cardiaque survenu à la naissance, ce qui lui avait valu une transfusion de sang.
"C'était une expérience et un jour doux-amer pour moi", rembobine le parathlète.
"D'un côté, cela m'a donné toutes les réponses à mes questions sur mon enfance et les raisons pour lesquelles je ne pouvais pas faire du côté gauche des choses que je pouvais faire du côté droit." D'un autre côté, "avoir une réponse m'a donné une forme de soulagement", retrace-t-il encore. "Cela m'a aussi dit que je souffrais d'un handicap, que j'étais désormais un athlète handicapé."
Un épisode l'a particulièrement marqué: "Ma neurologiste m'a regardé dans les yeux et m'a dit que je ne pourrais plus jamais pratiquer de sport. Je me suis levé, je l'ai regardée et je lui ai dit qu'elle se trompait puis j'ai quitté son bureau. Ce jour-là, j'ai pris la décision que je pouvais soit m'apitoyer sur mon sort en raison de mon handicap, soit l'utiliser à mon avantage et le surpasser comme je l'ai toujours fait, puis sensibiliser et, espérons-le, inspirer les générations à venir."
D'obstacle en obstacle
Alors qu'il poursuit sa pratique du football, un nouveau soubresaut survient dans les années qui suivent. Le jeune homme apprend que son sport favori ne sera pas inclus dans le calendrier des Jeux paralympiques de Tokyo, en 2021.
Nick Mayhugh s'en remet et s'oriente vers un nouveau sport: l'athlétisme. Avec un succès éblouissant. Dans la capitale japonaise, l'intéressé s'offre trois médailles d'or dans la catégorie T37, une d'argent et un record du monde. Rien que ça.
S'ensuit une période plus compliquée qu'il peine à s'expliquer. "Je pensais qu'après avoir décroché une médaille d'or et battu un record du monde, je serais heureux. Et quand je suis rentré chez moi, je ne me suis jamais senti aussi déprimé et troublé de ma vie." L'enfant de Fairfax (Virginie) s'ouvre à sa famille et ses proches. Il commence à remonter la pente quand un nouveau coup dur s'abat sur lui.
"On m'a placé dans une catégorie différente (T38, ndlr) car on m'a dit que j'allais trop vite compte tenu de mon handicap. C'était très frustrant", se souvient Nick Mayhugh. "Tout le monde me demandait: 'Est-ce que tu vas faire exactement pareil qu'à Tokyo?' Malheureusement non car je n'ai pas la possibilité de prendre part à quatre courses."
Au village paralympique, "tout le monde se ressemble"
À Paris, malgré une préparation avec Noah Lyles, ses Jeux ne se sont pas déroulés sous les mêmes auspices. Le champion paralympique a terminé 7e de sa finale. Ce qui ne l'a pas empêché de savourer le moment.
"Rien de tel qu'être ému devant 70.000 personnes... J'ADORE ÇA. Dieu vous bénisse", a-t-il écrit sur ses réseaux sociaux.
Et le parathlète de donner rendez-vous au public ce mercredi 4 septembre pour les épreuves de saut en longueur. Dans cette discipline, à laquelle il s'est également converti après Tokyo, le podium lui a de nouveau échappé. Nick Mayhugh a terminé la finale au 5e rang (6,32m), loin derrière Khetag Khinchagov (6,52m).
C'est sans regret, le sourire en bandoulière, qu'il regagnera le village paralympique. Là-bas, "tout le monde se ressemble. C'est un environnement incroyable, tout le monde est si heureux et si insouciant et accueillant. [...] Je suis honoré d'y être".
Les prochains mois, et même "le reste de [sa] vie", il entend les mettre à profit pour s'assurer "qu'aucun autre enfant aux États-Unis ou dans le monde ne passe 22 ans de sa vie sans savoir qu'il existe un monde dans lequel il peut être accepté, dans lequel il peut être célébré, où il se sente à l'aise, pas jugé ou regardé différemment". Un programme chargé mais Nick Mayhugh n'est plus à un exploit près.