Jeux paralympiques 2024: Frédéric Villeroux, le "Messi du cécifoot" qui a offert une médaille d'or historique à l'équipe de France
Il n'y a pas que la Tour Eiffel qui brille. Au pied de l'emblématique monument parisien, l'équipe de France de cécifoot fait des étincelles depuis le début de "ses" Jeux paralympiques. Vainqueurs de la Chine et de la Turquie - et défaits par le Brésil - en phase de poule, les Bleus se sont imposés au bout du suspense face à la Colombie jeudi. Ils ont surtout décroché l'or ce samedi 7 septembre 2024 contre les champions du monde argentins, tombeurs des Brésiliens quintuples champions paralympiques qui étaient invaincus aux Jeux. La finale s'est jouée aux tirs au but.
Méconnue il y a encore quelques jours, la discipline - qui est une adaptation du football et est pratiquée par des athlètes déficients visuels qui se repèrent dans l'espace grâce au son du ballon à grelots et des consignes du staff - fait désormais vibrer les Français. Et un joueur en particulier a conquis leur coeur: le capitaine Frédéric Villeroux, surnommé par les suiveurs le "Messi du cécifoot", buteur en finale pour les Bleus avec également le tir au but de la victoire.
C'est déjà lui qui avait délivré les siens et les 12.000 spectateurs en demi-finales grâce à une frappe surpuissante sous la barre du portier colombien, inscrivant l'unique but de la rencontre à quatre minutes de la fin. Il avait aussi trouvé les filets adverses lors du match précédent contre la Turquie (2-0), contribuant à la qualification dans le dernier carré.
"Il n'y a pas eu de stars avant lui, il est la star"
Mais le natif de Montpellier ne s'est pas seulement fait remarquer pour ses réalisations. Son aisance sur le terrain ne cesse d'épater: toujours placé au bon endroit comme s'il aimantait le ballon, dribbleur redoutable capable de remonter le terrain ou de transpercer la défense adverse, le n°10 des Bleus en fait voir de toutes les couleurs à ses adversaires.
Et pour cause: inconnu du grand public, il est pourtant une icône de la discipline, l'un des meilleurs au monde, et joueur historique de l'équipe de France. "Il a toujours été l’ambassadeur du cécifoot. Je suis heureux que la France découvre, le monde entier connait Frédéric depuis des années et le début du cécifoot. Vous posez la question à tous les adversaires, c’est un joueur redoutable et redouté dans le monde entier", a loué Toussaint Akpweh, après la demi-finale sur RMC.
Le capitaine des Bleus depuis 2006 se démarque par sa polyvalence. "C’est un joueur complet, avec une palette technique diversifiée et riche, avec un mental phénoménal. Il n’y a pas eu de stars avant lui, il est la star!", a poursuivi le sélectionneur. S'il attire tous les regards balle au pied, Frédéric Villeroux préfère rester en retrait une fois sorti du terrain. "Je suis très, très fier de l'équipe", commentait-il simplement après la qualification dans le dernier carré.
Déjà présent aux Jeux d'Athènes en 2004
A 41 ans, ce père de trois ans qui a découvert le cécifoot en... 1998 a tout traversé avec l'équipe de France, les hauts comme les bas. Il l'a vue évoluer, il a accueilli les nouveaux venus et les a guidés. Il faisait déjà partie du groupe à qui a terminé 5e à Athènes en 2004, quand la discipline a fait son entrée aux Jeux paralympiques. Il était là, aussi, quand les Bleus ont décroché la médaille d'argent à Londres en 2012, écrivant l'une des plus belles pages du cécifoot français.
Il n'a pas échappé aux tensions entre la fédération handisport, le sélectionneur - qui souhaitait que le cécifoot quitte la Fédération française handisport et soit reconnu par la FIFA - et une partie des cadres, mettant un coup d'arrêt au développement de la discipline dans le pays entre 2012 et 2018. Il était toujours là lorsque Toussaint Akpweh est revenu sur le banc, puis que la France a terminé dernière en 2021 à Tokyo, cinq ans après avoir échoué à se qualifier aux Jeux de Rio.
Il était bien évidemment de la partie lorsque lui et ses coéquipiers ont été sacrés champions d'Europe en 2022 face à la Turquie. Et il a désormais l'occasion de décrocher le Graal, contre les Argentins. Un final en apothéose avant de prendre sa retraite? "Je pense que ce sera la fin, oui, le corps commence à piquer. Je ne récupère pas autant et aussi bien", a-t-il révélé en amont de la finale.
"Des sportifs avant tout"
Atteint d'une maladie congénitale aux yeux et malvoyant depuis l'enfance, Frédéric Villeroux est par ailleurs éducateur sportif pour valides et personnes handicapées au Sport athlétique mérignacais, dans la banlieue de Bordeaux. Comme lui, ses coéquipiers ne sont "que" des amateurs et ont un métier à côté. Mais il en est persuadé, ces Jeux de Paris vont être un véritable accélérateur pour le développement - et la professionnalisation - de la discipline.
"Je pense que les gens ont été sensibilisés. Bien sûr au sport, mais dans un second temps, on a montré qu'on avait des qualités, des savoir-faire, et j'espère qu'au final, ils repartiront tous avec le regard qu'on est des sportifs avant tout. Certes, avec un handicap, mais des sportifs", s'est-il réjoui avant la demi-finale.
Preuve de la magie des Jeux, le public s'est véritablement pris au jeu, notamment avec les "céciola", ces olas silencieuses pour respecter le silence nécessaire au bon déroulement des parties. "Je remercie tous les Français qui sont dans ce stade, devant la télé (...) Ça te donne des frissons, ça donne envie de faire le petit pas en plus pour aller marquer et je remercie tout le monde", a-t-il réagi jeudi, heureux que sa discipline prenne (enfin) la lumière. Mais préférant, encore une fois, rester dans l'ombre.