Jeux paralympiques 2024: comment sont choisis les gardiens du cécifoot, seuls voyants de l'équipe avec un rôle très particulier
Au cécifoot, ils sont dix sur le terrain. Mais seulement huit ont un masque sur les yeux. Dans ce sport réservé aux parasportifs avec une déficience visuelle, les gardiens sont une exception. Contrairement à leurs coéquipiers, ils ne sont pas forcément atteints d'un handicap sur leur capacité visuelle et peuvent être tout à fait voyants.
En étant les yeux des joueurs, les gardiens aident en apportant des informations. Le guidage est toutefois encadré: seulement sur les douze derniers mètres en phase défensive. Surtout, il faut faire attention à ne pas faire de la pollution sonore pendant ces matchs qui se déroulent dans le silence.
"Eviter de rajouter du bruit"
Alessandro Bartolomucci, l'un des deux gardiens de l'équipe de France aux Jeux paralympiques, l'explique dans une interview donnée à Sport en France: "Je suis une source d'information supplémentaire. Mon objectif est d'être un plus pour eux, anticiper au maximum les situations qui peuvent être les plus problématiques, puis me concentrer sur mon rôle de gardien de but. Plus ma communication est simple, courte et nette, mieux c'est pour éviter de rajouter du bruit sur le terrain et créer des situations problématiques sur la perception du ballon et de l'adversaire."
Une tâche loin d'être simple, insiste le gardien mexicain Carlos Menchaca Salazar: "Vous portez une grande responsabilité, car vos coéquipiers écoutent toutes les indications que vous leur donnez. Si vous indiquez quelque chose de faux, ils iront dans l'autre sens. C'est pourquoi les gardiens doivent être très calmes et savoir donner des ordres."
Pour les néophytes, il est facile de penser que les gardiens doivent arrêter tous les ballons parce qu'ils sont voyants. "C’est souvent ce poncif: si on prend des buts par des non-voyants, c’est qu’on est trop nuls, commente l'autre gardien français Benoît Chevreau de Montléhu pour Libération. Le cliché est vite dépassé quand on vient voir la discipline".
"Imprévisible"
En fait, leur avantage visuel est nettement compensé par leur zone d'action, strictement limitée à un rectangle d'un mètre autour des buts. Ce qui est peu sur un terrain d'environ 40x20 mètres. Même avec la vue, exécuter le réflexe nécessaire sur une frappe à bout portant et parfaitement bien placée reste difficile. D'autant que les attaquants adverses ne sont pas dépourvus de technique. Et parce qu'ils sont non-voyants, il n'y a pas de regard vers un coin du but ou de positionnement particulier des épaules. Les portiers doivent donc réussir à anticiper ces intentions en ayant moins d'indices à leur disposition.
"J'avais des idées préconçues, je pensais que les joueurs ne seraient pas aussi habiles, que le jeu serait plus lent, mais tout cela a été balayé dès ma première séance d'entraînement. Le degré d'habileté, la perception de l'espace et surtout la communication verbale entre les footballeurs aveugles sont extraordinaires", témoignait le gardien anglais Dan James pour Metro.
"Et il y a une part d’aléatoire: les frappes peuvent partir un peu n’importe où. On peut voir un mec armer sa frappe, penser que ça ira d’un côté, et en fait au dernier moment un mouvement du ballon ou d’un défenseur va faire que le ballon va aller de l’autre. C’est imprévisible", complète Alessandro Bartolomucci, lui aussi auprès de Libération.
Anciennement chez les valides
Pour devenir dernier rempart au cécifoot, il n'y a pas vraiment de filière et les témoignages se réfèrent souvent au hasard. Mais le repérage peut se faire dans les échelons inférieurs du football des valides, là où les gardiens, dans un contexte de précarité, ont un niveau acceptable mais a priori insuffisant pour grimper l'échelle vers le monde professionnel.
Alessandro Bartolomucci évoluait en National 3 (cinquième division) lorsqu'il a reçu un tuyau pour rejoindre le championnat de France de cécifoot. "Alors que je terminais mon master en science et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à l’université de Bordeaux, je faisais un stage au sein du FC Girondins de Bordeaux en tant que responsable des gardiens de but du pôle préformation, raconte-t-il à Oise Hebdo. Un des entraîneurs de ce pôle connaissait quelqu’un à la Fédération française handisport, qui lui avait mentionné la nécessité de renouveler les gardiens de but en cécifoot et cherchait des gardiens de bon niveau pour s’y essayer". Cinq ans après, le voilà à deux matchs d'une médaille d'or.