Heinz Berggruen, autobiographie sur toiles au musée de l’Orangerie
Qu'est-ce que l'œil d'un homme ? Un résumé de son temps, une synthèse de ses goûts, un condensé d'éveils ? Quand cet œil se ferme, une collection devient héritage, et pour un galeriste une projection de soi dans l'œuvre des autres. En offrant un écrin à l'ensemble pictural constitué par le galeriste Heinz Berggruen (1914-2007), le musée de l'Orangerie expose sur ses cimaises l'autobiographie d'une préférence.
Né à l'aube de la Première Guerre mondiale dans une famille juive de Berlin, le jeune Berggruen suit un cursus d'études littéraires en France, avant de bénéficier en 1936 d'une bourse de l'université de Berkeley. En 1939, travaillant pour le musée d'Art moderne de San Francisco, il y assiste Diego Rivera tout en nouant une liaison éphémère avec son épouse, Frida Kahlo. Son œil se forme alors à l'art de son époque. L'Europe le reverra en 1945, affecté comme soldat de l'US Army à la rédaction d'un magazine voué à la dénazification, puis employé à Paris au siège de l'Unesco.
Naissance d'un goût
Lui qui avait acquis en 1940 en Californie une œuvre de Paul Klee, la pièce alpha de sa future collection, saute le pas en ouvrant en 1947 une galerie place Dauphine, transférée trois ans plus tard rue de l'Université. C'est là que se dessine un goût. Berggruen se passionne pour le premier cubisme, celui de Braque et surtout de Picasso, dans l'œuvre duquel il voit un « cosmos » intégral.
Faisant la connaissance de ce dernier, il noue également des liens avec Tzara, Él [...] Lire la suite