"Quand les gens nous voient, c'est l'euphorie": à quoi ressemble la vie d'une phryge pendant les Jeux?

Après deux semaines de trêve olympique, Laura Charles s'apprête à renfiler son costume gonflable en vue des Jeux paralympiques, officiellement ouverts ce mercredi 28 août. "Il me tarde de pouvoir mettre la nouvelle tenue et d'être sur le Champ-de-Mars de retrouver l'ambiance des dernières semaines", confie à BFMTV.com la jeune Niçoise de 28 ans, qui va désormais incarner la phryge équipée d'une lame de course.

Depuis le début des compétitions, cette danseuse professionnelle a eu l'occasion d'incarner la mascotte une dizaine de fois: au Parc des Princes, à la gare de l'Est à Paris ou encore à la gare de l'aéroport Charles de Gaulle.

"Poser avec la phryge, un temps fort des JO"

Aux abords des sites sportifs, dans les fan-zones, les gares, sur les plateaux télé, et même en jet ski ou sur le dancefloor... La mascotte des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 est partout, et elle suscite un engouement populaire et commercial inespéré après avoir été boudée à ses débuts. À tel point que sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes se sont émus de sa disparition pendant la trêve olympique.

Un succès dont se félicite Julie Matikhine, directrice de la marque Paris 2024. Selon elle, pas moins de 33 costumes de phryge ont été déployés à travers le territoire pour les jeux olympiques et 22 pour les paralympiques, pour un total de 300 comédiens et danseurs.

"Elles ont été critiquées mais aujourd'hui elles sont devenues un des personnages les plus emblématiques de l'aventure des Jeux", confie-t-elle. "Elles ont tellement une bonne tronche qu'elles ont réussi à s'installer dans le cœur des Français. À tel point qu'aujourd'hui poser avec la phryge est devenu un temps fort des JO."

"Quand les gens voient la phryge au loin, c'est l'euphorie et tout le monde se rue sur nous", confirme Laura Charles.

La comédienne n'est pas seule pour gérer cet engouement: la mascotte ne se déplace qu'en duo. Ainsi, le personnage est "heureusement" toujours accompagné a minima d'un régisseur, chargé du matériel, du timing, de guider et d'aider son acolyte à s'habiller, à se déplacer à travers la foule et à gérer la file d'attente pour les photos.

"Une mission intense"

"Dès qu'on est aperçu et qu'on a passé la porte, on n'a même pas 30 secondes de répit. On se fait alpaguer immédiatement et ça y est c'est parti pour 30 minutes sans interruption", s'étonne encore Morgan*.

En tant que volontaire à Lyon le temps des JO, il a été "les yeux de la mascotte". "C'est une mission intense et physique, qui demande énormément d'énergie parce qu'il faut avoir les yeux un peu partout", raconte le jeune Lyonnais de 26 ans, qui garde un "souvenir unique et inoubliable" de cette expérience.

"Il faut gérer les flux de spectateurs autour de la phryge, faire attention à ce qu'elle n'écrase pas un enfant mal placé, que les boissons, la nourriture ou le maquillage des spectateurs ne salissent pas le costume, ou que la phryge ne tombe pas, tout simplement", liste-t-il.

"Le rôle du régisseur est primordial parce que la visibilité et l'ouïe de la personne dans la phryge sont réduites. Donc il fallait être vigilant quand la foule était assez compacte comme ça a pu être le cas pendant le match France-Egypte", poursuit le jeune homme.

Une panoplie encombrante

D'autant qu'il fallait tenir compte des dimensions du costume, même s'il n'est "pas très lourd" à porter à en croire Laura Charles. "On voit plutôt bien à travers les yeux ou la bouche, il y a un effet grillagé", raconte-t-elle. "C'est un peu comme un sac à dos que vous enfileriez, mais une fois gonflé autour de vous il est quand même assez imposant donc il faut appréhender son volume pour se déplacer: faire attention lorsqu'on monte ou descend des marches à cause de son ventre imposant, faire des pas un peu exagérés par rapport à la normale..."

Théophile*, 19 ans, a lui-aussi eu "la chance" d'accompagner la phryge dans le stade Pierre Mauroy de Lille. Avant chaque sortie, c'est lui qui était chargé d'aider le comédien à revêtir et gonfler la tenue en feutrine rouge, avant de refermer la fermeture éclair. "L'installation, en 5 minutes c'était fait!", se rémémore l'étudiant lillois, "fier" d'avoir joué ce rôle alors qu'il n'aurait jamais imaginé vivre une chose pareille en postulant en janvier dernier.

"Le costume n'est pas rigide comme on pourrait le croire", complète Laura Charles. "C'est vraiment un tissu en feutrine qui se gonfle d'air grâce à un petit souffleur, ce qui nous laisse pas mal d''espace à l'intérieur." Côté chaleur, la jeune femme raconte que cela était supportable même si elle en sortait souvent "en nage" après de longues minutes de gesticulations.

En tant que capitaine danseur, Laura Charles est l'une de celles qui a imaginé les chorégraphies et le langage visuel de la phryge. "En amont, on a dû faire des sessions d'apprentissage et des tutos pour les comédiens et danseurs, afin de leur apprendre toute la gestuelle de la mascotte, bien qu'elle reste relativement simple: il y a la pose d'Usain Bolt, le Elvis Presley ou encore la macarena revisitée... Il fallait que tout le monde soit en mesure de le refaire, même ceux qui n'étaient pas danseurs de base."

Une gestuelle et des chorégraphies à maîtriser

Impossible, pour Laura Charles, d'oublier "les 12 minutes incroyables de pré-show qu'elle a vécu au milieu du stade du Parc des Princes au début de la compétition. "C'est un moment extrêmement fort", se souvient-elle. "On m'avait dit 'il faut que tu mettes l'ambiance à fond!', et donc là c'est l'éclate: tu fais tes mouvements mais tu fais aussi un peu ce que tu veux, tu te lâches."

"De voir le stade plein à craquer d'en bas... C'est fou: le son résonne de telle manière que ça vous prend dans les tripes et vous avez une remontée d'organes qui est folle (...) On entraîne le public avec nous et on sent vraiment qu'on est au cœur des JO. On sent l'émulation qu'il y a autour et c'est assez fort."

Morgan, lui aussi, a pas mal pu profiter de la magie de la phryge. "On a fait pas mal de photos insolites, notamment avec les forces de l'ordre qui ont joué le jeu à fond", explique le jeune homme, qui raconte qu'un soir d'accalmie, le chef de la sécurité est venu le voir pour lui demander que la phryge passe voir ses équipes pour leur redonner "un petit coup de boost".

"On s'est bien amusé franchement, ils ont fait des photos avec la phryge pour leurs enfants ou petits-enfants, on l'a même mise à l'intérieur d'un fourgon de gendarmerie", se remémore-t-il. "C'était drôle."

Le fait que la phryge soit devenu "un mème" et que les gens se la soient appropriée, c'est ce qui fait sans doute le plus plaisir à Julie Matikhine, directrice de la marque Paris 2024. "On assiste à une véritable 'phryge mania', même à l'international, parce qu'on a fait preuve d'originalité: on aurait pu choisir un pigeon typique de Paris, un animal totem comme ça se fait souvent. Mais non, on a voulu que ces petits bonnets phrygiens portent la mission d'une révolution française par le sport."

Article original publié sur RMC Sport