Football féminin: entre échecs sportifs et lancement de la ligue professionnelle, où en est le football féminin français?
Énième nouveau cycle pour les Bleues... Exit Hervé Renard, place à Laurent Bonadei après l’échec olympique. Le palmarès de cette équipe de France devra attendre pour écrire sa première page. "Nous avons au cours des deux dernières années redressé l’image, car on a une équipe performante. Nous étions en Australie et avons pu toucher du doigt les qualités et ce qui manque à cette équipe. On a perdu en quart de finale, on ne peut pas tirer des conclusions définitives d’une perte aux pénalties dans un quart de finale de Coupe du monde. Aux JO, là aussi on est un peu déçus, on pensait aller beaucoup plus loin. Mais ce match contre le Brésil a été très particulier", soutient le vice-président de la FFF, Jean-Michel Aulas.
Nouvel échec pour la locomotive Équipe de France
Pourtant, les bons résultats de la vitrine tricolore peuvent créer une formidable émulation, être ce tremplin qui manque cruellement à la discipline dans l’Hexagone comme le confirme la directrice sportive adjointe du Paris Saint-Germain, Sabrina Delannoy (39 sélections): "Ce sera un accélérateur quand l’équipe de France pourra aller chercher ce titre. Cela a une importance forte dans le projet du football féminin français. Cela permettra de mettre un coup de projecteur supplémentaire. Pour avoir vécu l’Euro en Angleterre, j’ai vu que quand l’histoire est belle, cela permet aux gens de s’identifier, suivre l’aventure, pérenniser le suivi, car les Anglais ont vécu une émotion dans le stade irremplaçable." Le nouveau sélectionneur Laurent Bonadéi posait le cadre lors de sa présentation: "Il ne faut pas se voir plus beaux que ce qu'on est. On est dixièmes au classement Fifa. Cette équipe doit se situer plus haut que ça. Les attentes sont élevées, il ne faut pas se satisfaire du minimum, il faut chercher l'excellence. Il faut gagner des matches, gagner un trophée avec cette équipe est un challenge excitant."
L’OL, seul représentant en Europe cette saison
Côté clubs, comme à l’été 2023, on s’est pris à croire à de nouveaux exploits européens du Paris FC. Malheureusement les joueuses de Sandrine Soubeyrand sont tombées sur l’ogre Manchester City. Élimination plutôt logique lors du dernier tour préliminaire de Ligue des champions. En revanche, le coup d’arrêt est notable pour l’autre locomotive du championnat. Le Paris Saint-Germain n’a jamais vraiment existé face à la Juventus. "C’est un échec et on ne va pas se mentir. Mais cela ne remet pas du tout en cause le projet qui est basé sur le moyen et long terme. On n’oublie que l’on a deux objectifs à aller chercher avec le championnat et la Coupe", confie Sabrina Delannoy.
Il n’y aura donc qu’un seul représentant français sur la scène européenne: l’Olympique lyonnais. "Les autres progressent. Il y a à peu près sept dix ans, quand on jouait les équipes italiennes, généralement on prenait le dessus dans beaucoup de domaines. Aujourd’hui on voit que ces équipes-là travaillent davantage, c’est bien structuré. Il faut que l’on arrive à élever le niveau de concentration, d’exigence et de travail parce que les autres pays ne nous attendent pas. C’est vraiment dommage, car l’année dernière on était trois, c’était plutôt chouette. Cette année, il n’y a que Lyon, c’est forcément regrettable", analyse la capitaine rhodanienne Wendie Renard. Est-ce à dire que le championnat de France régresse? Difficile à dire, car en Angleterre par exemple où la puissance financière s’est décuplée grâce aux droits TV, il y a des poids lourds qui écrasent tout et d’autres équipes qui luttent dans "un autre championnat". Quoiqu’il en soit la concurrence est plus exacerbée sur le Vieux Continent, les clubs puissants capables d’attirer des stars sont plus nombreux et les résultats ne mentent pas. Les écuries tricolores ne sont pas invitées à la table en partie cette saison. Heureusement l’OL, avec un été fourni en recrutements, se veut ambitieux pour reconquérir son trône. Les Fenottes sont entrées sereinement dans leur campagne avec une victoire aisée face à Galatasaray. La principale différence semble se faire sur l’attractivité des Ligues.
2024-2025, une saison de transition
Des résultats d’autant plus malvenus que le contexte global autour du football français dû à l’enveloppe des droits TV, bien moins importante que prévu, a des conséquences sur le train de vie des sections féminines des clubs professionnels. À la Fédération, on vise désormais le moyen terme avec la création de la Ligue professionnelle, mais également avec la nomination de Laurent Bonadei au poste de sélectionneur. En effet, le nouveau patron des Bleues a présenté un projet d’ensemble pour le football féminin français. Il veut s’investir sur la formation et a fait le tour de tous les clubs de D1 dans les semaines qui ont suivi sa nomination. Un effort, trop rare ces dernières années, salué par les acteurs.
Si la Ligue professionnelle de football féminin a vu le jour effectivement en juillet dernier, tous les effets ne sont pas encore visibles. "On est sur une évolution permanente. Même si beaucoup de personnes voient le côté négatif avec le départ de joueuses, mais d’autres clubs réussissent à garder les internationales françaises. Au PSG, on a gardé Grace Geyoro et Sakina Karchaoui. Griedge Mbock est arrivée cet été. Elles auraient pu faire le choix de partir en Espagne ou en Angleterre. L’Anglaise Mary Earps a signé à Paris. Ce sont des signes qu’il ne faut pas oublier. Il y a un gros travail fait pour rendre notre championnat plus homogène. Le cahier des charges mis en place par la Ligue va permettre aux joueuses d’être mieux encadrées, aux clubs d’être mieux structurés. Mais cela va prendre un peu de temps. On ne régresse pas, mais le projet français est sur le long terme", analyse Sabrina Delannoy.
Priorité à l’attractivité et aux affluences dans les stades
Un bon point: sur les trois premières journées de championnat, les affluences sont meilleures que la saison passée. La raison? Cela peut s’expliquer par la nouvelle programmation de la journée et ce choix du créneau du samedi 17h (en lieu et place du samedi 14h30 la saison passée). On voit aussi l’emballement autour des féminines FC Nantes avec déjà 10.000 spectateurs attendus pour leur première à La Beaujoire ce week-end. Des groupes de travail viennent d’être créés pour avancer sur des sujets indispensables pour le développement de l’Arkema Première Ligue comme l’attractivité, le marketing et le remplissage des stades. Le passage à 14 clubs dans l’élite est aussi à l’étude. "On est en phase de groupe de travail, toutes les idées sont bonnes à prendre pour continuer le développement de la Ligue et du championnat. C’est vrai que cette saison peut être vue comme un exercice de transition", nous confie une source à la Ligue professionnelle.
En attendant, une étape importante structurante au niveau juridique coince toujours: la convention collective. Les négociations autour du droit à l’image des joueuses et leur pécule de retraite patinent. D’où le retard à l’allumage sur l’arrivée annoncée il y a déjà plusieurs mois d’investisseurs: "Le football féminin c’est inéluctable. C’est partout en Europe, aux États-Unis. On a beaucoup d’investisseurs qui viennent s’intéresser sur le plan de l’organisation interne au football féminin. C’est important à un moment où il y a des difficultés sur le plan des revenus du football professionnel masculin que des investisseurs puissent nous aider à construire le football féminin de demain en France." Les dirigeants y croient et réclament de la patience. Espérons que cela n’arrivera pas trop tard.