FIFA Coupe du monde des clubs: les coulisses d’une organisation très (très) agitée

D’habitude, les tournois de la FIFA sont des exemples d’organisation et de logistique. L’instance est une référence dans le monde de l’événementiel sportif. Pour cette première édition de la Coupe du Monde des clubs aux Etats-Unis, l’ambiance est totalement différente. A neuf mois de la compétition, avec 32 équipes sur le sol américain, l’instance n’a toujours pas officialisé les stades, les diffuseurs et les sponsors. Un thème hautement sensible concentre l’attention des médias, sur le sujet des cadences dans le monde du football.

Le nerf de la guerre d’une compétition de football reste l’argent. Et pour qu’une compétition fonctionne, il faut des diffuseurs prêts à payer pour s’assurer l’exclusivité des rencontres du PSG, de Manchester City ou encore du Real Madrid l’été prochain. Pour ce tournoi, qui est présenté comme "LE projet" de Gianni Infantino, les diffuseurs ne se bousculent pas au portillon. Le produit, programmé du 15 juin au 13 juillet, n’a pas obtenu d’offres concrètes pour sa diffusion. Le patron de la FIFA a donc mouillé la chemise, vendredi dernier, devant une petite cinquantaine de diffuseurs mondiaux réunis en visio-conférence. "Il a joué le VRP de la compétition pour trouver des partenaires", confie un proche de la FIFA. Infantino n’a pas le droit à l’erreur sur cette compétition, où plusieurs clubs se montrent inquiets sur la redistribution des revenus.

Sur le côté financier, les clubs montrent les muscles. Le 29 août dernier, dans les couloirs du tirage au sort de la Ligue des champions, Nasser Al-Khelaïfi, patron de l’ECA (syndicat qui représente les clubs européens), croise le directeur commercial de la FIFA. Ce face-à-face va rapidement tourner autour de la Coupe du monde des clubs 2025. "A ce moment-là, la compétition était en danger", fait savoir un proche du dossier. Le président du PSG reproche, comme plusieurs présidents de clubs européens, d’avoir fait appel trop tard aux clubs pour aider et vendre ce projet. "La FIFA qui fait cavalier seul pendant plusieurs mois a fait perdre un temps énorme à l’organisation", confient des proches de l’ECA qui rappellent que le montant de 800 millions qui doit revenir aux équipes qualifiées est "non négociable". Au total, ce tournoi devrait coûter autour de deux milliards d’euros à la FIFA.

Cette pression des clubs poussent donc la FIFA a trouvé des alternatives, des nouveaux financiers. Tous les regards se tournent désormais vers l’Arabie Saoudite. Des différents interlocuteurs sondés du côté des clubs et des instances, aucun ne souhaite l’annulation du tournoi qui doit désormais se tenir tous les quatre ans. Chez les joueurs, l’ambiance est différente. Il faut donc trouver de l’argent… et rapidement.

Mais les négociations avec les Saoudiens sont plus compliquées qu’imaginées. Les représentants de l’Arabie Saoudite sont favorables pour investir dans cette compétition mais avec des contreparties, notamment un investissement fléché dans FIFA+ la plateforme VOD de la FIFA. Le soutien de l’Arabie Saoudite pourrait d’ailleurs ne pas suffire à boucler le budget de cette compétition, la FIFA réfléchirait donc à puiser dans ses réserves (plusieurs milliards de dollars). Des fonds normalement destinés aux fédérations. "Tu vas enrichir des clubs déjà riches en puisant dans des réserves destinées à des fédérations dans le besoin pour développer le foot. Ça n’a aucun sens", peste un pourfendeur de la Coupe du monde des clubs. Autre élément, qui peut avoir son importance, les Saoudiens souhaiteraient la signature officielle de l’organisation de la Coupe du monde 2034 avant d’obliger leurs entreprises (comme Aramco) de venir au secours de cette compétition du mois de juin. L’officialisation pour le Mondial 2034 devrait intervenir au mois de décembre, mais la FIFA n’a pas le temps de patienter sur le plan financier.

Pour le marché français, la FIFA a eu des réunions avec Canal+ et beIn Sports. L’instance qui gère le football mondial proposait de vendre un pack avec les deux prochaines éditions (2025 et 2029). Canal n’est, pour le moment, pas intéressé par cette offre. "On n’a jamais été friand de ce type d’événement", glisse-t-on au sein de la chaîne cryptée. Le prix demandé par la FIFA avait de quoi refroidir les futurs diffuseurs: près de 20 millions d’euros pour une nouvelle compétition, que personne ne connaît, qui se déroule en juin, avec une finale en plein cœur de l’été, le 13 juillet. La FIFA a aussi eu des rencontres avec les chaînes gratuites, TF1 et M6, qui elles auraient fait des offres.

La difficulté dans la vente de ces droits TV réside aussi dans l’éclatement total des équipes présentes. Est-ce que la seule présence du PSG cet été dans cette compétition peut obliger un diffuseur français à débourser des millions d’euros pour cette compétition? C’est l’une des grandes questions de l’organisation. "Les marchés prioritaires restent l’Europe et les USA, mais d’habitude à neuf mois d’une compétition la FIFA est toujours bien avancée dans la vente des droits", note un observateur, très proche de l’UEFA. "Imaginez cette fois-ci que la FIFA doit vendre en quelques mois sur l’ensemble de ses marchés au niveau mondial, c’est risqué."

La FIFA doit donc séduire et cherche en priorité un diffuseur pour le marché américain. L’instance a longtemps espérée qu’Apple TV acquiert les droits mondiaux de la compétition, avec une diffusion sur la plateforme Apple TV+. Finalement, la FOX pourrait apparaître comme une solution de secours pour une diffusion sur ce territoire. Outre les diffuseurs, la FIFA n’a toujours pas officialisé le moindre stade pour la compétition, ça devrait intervenir dans les prochains jours. Chez certaines équipes déjà qualifiées, cela complique légèrement le premier repérage logistique pour préparer la compétition, mais aussi la pré-saison 2025. Rien n’est rassurant pour cette Coupe du monde des Clubs qui devrait principalement se dérouler à l’Est des Etats-Unis.

C’est le gros sujet de la FIFA. "Avec le temps, cela apportera des revenus importants aux clubs participants et non participants, sans augmenter de manière significative le calendrier global, et cela passionnera les fans du monde entier", fait savoir Nasser Al-Khelaïfi, lors d’une réunion de l’ECA à Dublin, il y a quelques jours. Ce dossier des cadences, et des nouvelles compétitions, agite le monde du football. De nombreux joueurs ont pris la parole pour tacler l’enchaînement des compétitions.

Par exemple, le tournoi se déroule en même temps que la Gold Cup (équivalent de l’Euro pour l’Amérique du Nord, centrale et caraïbes). L’absurdité du calendrier internationale révèle des situations comme celle du joueur Alfonso Davies qui pourrait potentiellement être disponible pour les deux compétitions en même temps. La Gold Cup avec sa sélection, le Canada, et la Coupe du monde des clubs avec son club du Bayern Munich. Un club très engagé sur la santé de ses joueurs et qui s’inquiète au sujet de ce Mondial des clubs.

Plusieurs questions administratives se posent aussi sur cette compétition. Par exemple, quelle sera la gestion pour les joueurs en fin de contrat le 30 juin? Autre interrogation: comment vont être arbitrés les éventuels désaccords entre joueur et club? "Quand vous êtes appelé en sélection, vous ne pouvez pas refuser d’y aller. Là c’est différent, c’est une discussion avec l’employeur qui semble ne pas beaucoup se soucier du besoin de vacances des joueurs", confie un proche d’un international français. Le Belge, Kevin De Bruyne, pourra-t-il jouer l'ensemble de la compétition, alors que son contrat se termine le 30 juin 2025? Les clubs ont débuté depuis plusieurs semaines le traitement de ces questions.

Sur les cadences, les partisans de ce tournoi mettent en avant des études pour montrer que les footballeurs participant à cette compétition n'auront pas une charge de travail plus importante par rapport aux autres saisons. La FIFPro, syndicat des joueurs, n’est pas du tout de cet avis et traîne ce dossier devant la justice. Une plainte devant la commission européenne contre la FIFA doit être déposée le 14 octobre. Le secrétaire général de la FIFA, Mattias Grafström, a écrit ces derniers jours à la FIFPro pour lui proposer une rencontre afin d’échanger sur la Coupe du monde des clubs. Ces points sensibles seront sûrement abordés. La rencontre devrait se tenir dans les prochaines semaines. "Ils paniquent un peu à la FIFA", explique-t-on dans l’entourage de la FIFPro qui n’attend pas grand-chose de cette rencontre. "Ça va se durcir. Les joueurs sont chauds sur ce sujet". Au point de reporter l’événement? Ce n’est pas la tendance actuelle.

Article original publié sur RMC Sport