« Devoir de vigilance » : Au cœur d’une procédure impliquant La Poste, cette obligation qui contraint les entreprises

La Poste va devoir se défendre au tribunal, après avoir été accusé par un syndicat de manquer à son « devoir de vigilance » sur les conditions d’emploi de travailleurs sans-papiers des sous-traitants du groupe français.
EMMANUEL DUNAND / AFP La Poste va devoir se défendre au tribunal, après avoir été accusé par un syndicat de manquer à son « devoir de vigilance » sur les conditions d’emploi de travailleurs sans-papiers des sous-traitants du groupe français.

JUSTICE - C’est une notion méconnue, mais elle pourrait coûter cher à l’entreprise publique. La Poste comparaît ce mardi 19 septembre devant le tribunal de Paris après avoir été accusé par le syndicat Sud PTT de manquer à son « devoir de vigilance » sur les conditions d’emploi de travailleurs sans-papiers au sein de ses filiales Chronopost et DPD France.

Le syndicat reproche notamment à La Poste de « fermer les yeux sur ce qui se passe dans ces entrepôts où sont exploités des sans-papiers » et ce alors qu’elle a légalement « l’obligation de prendre des mesures concrètes (et pas uniquement de belles déclarations) vis-à-vis de ses sous-traitants », comme le dénonce Sud PTT dans un communiqué de presse.

Après deux ans de procédure, le groupe La Poste va donc devoir se défendre lors d’une audience devant le tribunal judiciaire de Paris ce mardi. Une première en France pour la notion de « devoir de vigilance », qui se trouve au cœur du procès. « C’est la première fois en France qu’un juge tranchera sur le fond d’un dossier lié au devoir de vigilance », s’est d’ailleurs réjouie l’avocate représentant Sud PTT, Céline Gagey. « D’autres affaires existent, mais elles butent sur des questions de procédure. »

Dans la loi depuis 2017

Si à ce jour, aucune procédure n’a abouti à une condamnation, le « devoir de vigilance » s’impose progressivement comme une notion indispensable à prendre en compte pour les plus grandes sociétés françaises. Et un nombre croissant de multinationales se voient reprocher de ne pas respecter leur « devoir de vigilance ». Parmi elles : TotalEnergies, Suez, BNP Paribas, Casino ou encore Yves Rocher.

Cette obligation leur a été imposée par une loi de 2017 qui contraint les grosses sociétés françaises à publier un plan de vigilance sur les risques humains et environnementaux de leurs activités. Un devoir qui s’applique aussi au sein de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants.

En juin dernier, le Parlement européen avait d’ailleurs voté pour imposer aux entreprises de l’Union européenne un « devoir de vigilance », dont le texte doit encore être négocié avec les États membres. L’idée, c’est qu’en cas de manquement, le donneur d’ordre ne « puisse pas se cacher derrière une cascade de sous-traitants », explique Céline Gagey.

Ce sujet est d’ailleurs au cœur de l’actualité selon l’avocate, qui mentionne « les débats de la loi immigration qui portent sur la régularisation des sans-papiers dans les secteurs ’en tension’ ».

La Poste dit être dans les clous

Concernant le cas de La Poste, le syndicat à l’origine de la procédure judiciaire demande à l’entreprise de publier une cartographie « des risques et atteintes graves envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes », comme on peut le lire dans une assignation de 2021 consultée par l’AFP.

Le syndicat Sud PTT demande également à La Poste de publier la liste exhaustive de ses fournisseurs et sous-traitants, les procédures d’évaluation adaptées aux risques ainsi que de prendre des « mesures adéquates pour éviter le travail dissimulé ».

De son côté, La Poste assure avoir « toujours veillé au respect » de ses obligations. À savoir : la publication annuelle d’un plan de vigilance « conforme à la loi », veiller à sa mise en œuvre « effective » et transcrite dans un compte rendu, « en toute transparence vis-à-vis des organisations syndicales ». Le groupe compte maintenant réserver « selon l’usage, ses réponses et ses arguments » à la justice, mais assure qu’il « condamne fermement tout travail illégal ».

Pourtant, La Poste avait déjà été condamné en 2020 pour prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage après la mort d’un salarié non déclaré d’un sous-traitant qui s’était noyé en voulant rattraper un colis dans la Seine. Après une cassation de la procédure, l’affaire est toujours en cours, selon Nicolas Galépides, responsable fédéral de Sud PTT interrogé par l’AFP.

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